Le robot-conseiller et les décisions corporatives
Petai Jantrapoon / 123rf

Toutefois,  pour un même produit ou service, le régime réglementaire applicable est différent sur le plan des obligations et responsabilités du fournisseur.

L’origine

Pour fins de rappel, disons que le modèle plus traditionnel d’ouverture de compte par un représentant qui fournit des recommandations d’investissement à son client a, depuis plusieurs années, fait de la place à des modèles d’affaires qui laissent plus de marge décisionnelle et d’exécution au client.

La raison repose sur le coût. C’est ainsi que s’est développé, au début des années 2000, le modèle de sociétés offrant des comptes sans conseils plus connus sous le nom de « courtage à escompte ».

Comme l’indique une Note d’orientation de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) (1), ce  modèle était relativement simple en ce qu’il offrait aux clients des services d’exécution par l’accès à une plateforme de négociation en ligne. Le corollaire de cette option plus économique est que les obligations de convenance du modèle traditionnel ne s’appliquent pas.

Comme l’indique également la même Note, ce modèle a lui-même « considérablement évolué, et les sociétés offrant des comptes sans conseils proposent aujourd’hui une vaste gamme de produits, d’outils et de types de comptes. » (2)

 L’évolution

C’est cette évolution d’outils et de types de comptes qui a mené à une consultation et à une nouvelle Note d’orientation. (3)

Cette seconde Note a le mérite de décrire les divers développements des services sans conseils. (4)

La base

Le premier élément du service sans conseils est que  la société n’a pas à recueillir d’informations sur le client en lien avec la convenance des placements. Rien de neuf ici. (5)

La Note propose une définition de « Recommandation » pour apprécier les différents outils et déterminer si leur application équivaut ou non à une recommandation. Cette définition est importante, car selon la réponse, le client se retrouve dans un univers de conseils ou sans conseil et donc, dans un régime différent de protection et de frais très différents.

«Conseil » est une « opinion donnée à quelqu’un sur ce qu’il doit faire ». (6) Deux mots, mais une même réalité.

La recommandation

La définition proposée pour faire les appréciations distinctives est « Toute communication ou tout avis envoyé à un investisseur (…) ou mis à sa disposition qui pourrait, selon le contexte ou les circonstances, raisonnablement être susceptible de l’inciter à prendre une décision de placement concernant un titre…» (7)

S’ensuit toute une série d’éléments qui peuvent être ou ne pas être considérés comme de nature à inciter le client à prendre une décision, selon le contexte, comme ce qui est présenté sur le site Internet, les communications, le type d’envoi et leur degré de personnalisation, les médias sociaux, des renseignements historiques ou rapports de recherche, des outils éducatifs, des hyperliens, des outils d’aide à l’exécution ou des outils d’analyse de portefeuille.

Cette nomenclature est instructive, mais pourrait être difficile à apprécier tant par la société qui les met à la disposition du client que pour le client lui-même, qui recherchent la clarté dans leurs relations.

Les limites

 Un des développements mentionnés dans la Note est l’offre de portefeuilles modèles. Pour beaucoup d’épargnants, à cause des seuils d’ouverture de compte, avoir la possibilité de se choisir un portefeuille modèle pour un investissement raisonnable de quelques milliers de dollars comparativement à 200,000$ ou même 400, 000$, c’est un accès plus direct au marché et à des rendements potentiellement plus élevés. Le recours à un portefeuille modèle que le client se choisit en  fonction de sa caractérisation (par exemple prudent ou équilibré) est un avantage indéniable.

Et pourtant, lorsque la Note décrit le contenu de portefeuilles modèles qualifiables de « sans conseils » et surtout  à frais réduits, la différence semble porter sur  le fait que ces portefeuilles  peuvent comprendre des titres spécifiques, ce qui assimile le tout à une recommandation et situe le service dans le modèle traditionnel.  (8)

L’option de rééquilibrage automatique, qui est souvent une composante de ce type de portefeuille, emporte les mêmes distinctions et réfère aussi à des instructions directes ou prédéterminées par le client pour se qualifier en dehors du modèle traditionnel. (9)

Encore une fois, pour le client qui a moins de connaissances, le recours à un outil automatique qui met à jour son choix initial est un avantage.

Le « level playing field »

Cette position de l’OCRCVVM illustre bien le dilemme entre la protection du client et son accès aux services.

On est dans un univers réglementé qui vise à le protéger. Mais ce client est prêt à prendre ses propres décisions de placement à un prix économique. (10)

Et il se tourne vers les conseillers-robots qui ne répondent pas aux mêmes exigences. (11)

Par exemple, on demande au courtier de déterminer la pertinence d’avoir un  investisseur comme client : un des « signaux d’alarme » pour le refuser serait sa « difficulté » à remplir le formulaire en ligne. (12)

Conscient des différences de services et de prix, le client ne devrait-il pas pouvoir choisir ?

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(1)Avis de l’OCRCVM-16-02512, 3 novembre 2016, Note d’orientation sur les services et les activités d’exécution d’ordres sans conseils

(2) Idem (1) p. 2

(3)Avis de l’OCRCVM-18-0076, 9 avril 2018, Note d’orientation sur les services et les activités d’exécution d’ordres sans conseils

(4)Idem (3)

(5) Idem (3) p. 6

(6)Petit Robert, Dictionnaire de la langue française, Edition 1987

(7)Idem (3) p.7

(8)Idem (3) pp20 à 22 et Annexe B p.27

(9)Idem (3) pp15 à 17

(10)Idem (3) p. 3

(11) CSA Staff Notice 31-342 Guidance for portfolio managers regarding online advice

(12) Idem 3 pp.4 et 5