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Depuis le début de l’année 2019, le régime d’impôt en main remboursable au titre de dividendes (« IMRTD ») a subi d’importants changements. L’objectif de ces changements était essentiellement de restreindre l’accès au remboursement au titre de dividendes (« RTD ») lors du versement d’un dividende déterminé provenant du compte de revenu à taux général (« CRTG ») dont le taux d’imposition est inférieur à celui du dividende ordinaire. Les contribuables utilisaient le CRTG généré grâce au revenu d’entreprise exploitée activement imposé au taux d’imposition général d’une société privée sous contrôle canadien (« SPCC »), soit 26,5 % pour l’année 2021, pour récupérer l’IMRTD généré par les revenus de placements.

La récupération du RTD lors du versement d’un dividende déterminé continue d’être possible dans certains cas, mais se retrouve maintenant grandement limitée depuis l’instauration du nouveau régime. Notamment, il demeure possible d’obtenir un RTD sur un dividende déterminé dans le cas où il existe un « solde de début » créé par les règles transitoires prévues au paragraphe 129(5) de la Loi de l’impôt sur le revenu (« L.I.R. »).

Les règles transitoires en question s’appliquent aux sociétés qui ont un solde de CRTG et d’IMRTD au début de leur premier exercice visé par le nouveau régime. Cela fait en sorte de convertir le solde de début d’IMRTD régulier dans un compte d’impôt en main remboursable au titre de dividendes déterminés (« IMRTDD »), et ce, jusqu’à concurrence de 38 1/3 % du solde de CRTG à ce moment. Le reste de l’IMRTD est alors alloué au compte d’impôt en main remboursable au titre de dividendes non déterminés (« IMRTDND »).

Depuis l’instauration de ces nouvelles règles, le versement d’un dividende déterminé donne droit à un RTD uniquement lorsqu’un solde d’IMRTDest disponible.

Le compte d’IMRTDD augmente désormais uniquement lors de la réception de :

  • dividendes déterminés de sociétés non rattachées; ou
  • dividendes imposables (déterminés ou ordinaires) provenant de sociétés rattachées ayant permis de récupérer une partie de son solde d’IMRTDD.

Le versement de dividendes ordinairesdonne droit à un RTD dès qu’un solde d’IMRTDND ou d’IMRTDD est disponible, le compte d’IMRTDND étant alors diminué en premier et ensuite le compte d’IMRTDD.

Ces modifications s’appliquent aux années d’imposition débutant en 2019 et après. Elles pourraient aussi s’appliquer pour la première année d’imposition se terminant en 2019 si le contribuable avait effectué des transactions dont l’effet était de reporter l’application de cette nouvelle mesure. Toutefois, rien n’était prévu dans la législation pour devancer l’application à une année débutant avant 2019, dans le cas où il aurait été avantageux pour la société d’appliquer ces nouvelles règles plus tôt.

Dividendes intersociétés et transfert des soldes d’IMRTDD et d’IMRTDND

Comme ces comptes d’IMRTDD et d’IMRTDND transitent entre sociétés rattachées lors du versement de dividendes intersociétés, certaines problématiques se sont présentées en pratique lors du transfert des soldes pendant ladite période de transition, notamment lorsque les fins d’exercice des sociétés rattachées étaient différentes.

À ce sujet, l’ARC s’est récemment prononcé sur la question suivante : Comment calcule-t-on les comptes d’IMRTDD et d’IMRTDND de la société rattachée qui reçoit un dividende lorsque la société qui verse le dividende n’est pas encore « entrée » dans le nouveau régime?

Prenons l’exemple suivant où toutes les sociétés sont des SPCC :

  • l’exercice de FILIALE a débuté le 1erdécembre 2018 et se termine le 30 novembre 2019;
  • puisque cet exercice de FILIALE n’a pas débuté en 2019, FILIALE n’est pas encore visée par le nouveau régime d’IMRTDD et d’IMRTDND pour sa fin d’exercice du 30 novembre 2019;
  • l’exercice de SOCIÉTÉ MÈRE a débuté le 1erjanvier 2019 et se termine le 31 décembre 2019;
  • puisque cet exercice de SOCIÉTÉ MÈRE a débuté en 2019, SOCIÉTÉ MÈRE est visée par le nouveau régime d’IMRTDD et d’IMRTDND pour sa fin d’exercice du 31 décembre 2019;
  • FILIALE verse un dividende déterminé à SOCIÉTÉ MÈRE, son unique actionnaire, le 30 novembre 2019;
  • FILIALE reçoit un RTD de 100 $ en conséquence du dividende versé provenant de son compte d’IMRTD.

SOCIÉTÉ MÈRE devra déterminer dans quel compte ajouter l’impôt de la partie IV L.I.R. de 100 $ sur le dividende déterminé reçu de FILIALE : dans le compte d’IMRTDD ou d’IMRTDND?

À ce sujet, l’ARC a émis les commentaires généraux suivants dans deux interprétations techniques datées respectivement du 9 décembre 2020 (2020-0856521I7) et du 14 décembre 2020 (2020-0855571E5).

Les nouvelles définitions d’IMRTDD et d’IMRTDND se retrouvent au paragraphe 129(4) L.I.R. Tel qu’il est mentionné précédemment, le compte d’IMRTDD inclut, entre autres, l’impôt de la partie IV L.I.R. sur les dividendes imposables reçus par la société donnée dans la mesure où ces dividendes entraînent un RTD pour la société provenant de son propre compte d’IMRTDD (s.-al. 129(4)a)(ii) « IMRTDD » L.I.R.).

Étant donné que FILIALE n’est pas encore visée par le nouveau régime, FILIALE n’a pas de compte IMRTDD au moment de sa fin d’exercice, soit le 30 novembre 2019. Ainsi, FILIALE ne peut pas recevoir un RTD provenant de son propre compte d’IMRTDD pour les dividendes payés au cours de son exercice se terminant le 30 novembre 2019 (puisque ce compte n’existe pas pour FILIALE à ce moment).

Par conséquent, SOCIÉTÉ MÈRE ne pourra pas inclure de montant dans son compte d’IMRTDD, peu importe la nature du dividende. Le montant de 100 $ serait donc à inclure dans le compte d’IMRTDND de SOCIÉTÉ MÈRE.

Étant donné que cette position ne semble pas cohérente avec l’objectif des règles transitoires, cette conséquence potentiellement inattendue a été portée à l’attention du ministère des Finances du Canada.

Par Matthieu Gingras, CPA, CGA, D. Fisc., Groupe RDL, MGingras@grouperdl.ca, et Stéphanie Faucher, CPA, CGA, M. Fisc., Groupe RDL, SFaucher@grouperdl.ca

*Ce texte a paru initialement dans le magazine Stratège de l’APFF, (Hiver 2021), vol. 26, no4.