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Dans le présent cas, notamment : qui est le payeur? à qui sont versés les honoraires? que prévoit l’entente qui décrit les services liés à ces honoraires? Comme vous le constaterez, le dernier point est souvent plus ambigu, surtout lorsque les frais couvrent plusieurs types de services dont certains pourraient ne pas être déductibles.

La législation applicable

Les critères liés à la déductibilité de tels honoraires sont prévus à l’alinéa 20(1)bb) de la Loi de l’impôt sur le revenu (« L.I.R. ») et au paragraphe 157d) de la Loi sur les impôts (« L.I. »). Un contribuable peut ainsi déduire les honoraires, autres que les commissions, qu’il a versés pour obtenir des conseils sur l’opportunité d’acheter ou de vendre des actions ou des valeurs mobilières ou pour la prestation de services relatifs à l’administration ou à la gestion d’actions ou de valeurs mobilières. Les honoraires doivent être versés à une personne dont l’entreprise principale consiste à donner des conseils sur l’achat ou la vente d’actions ou de valeurs mobilières ou comprend l’administration ou la gestion d’actions ou de valeurs mobilières. Voici l’extrait de l’alinéa 20(1)bb) L.I.R. (le paragraphe 157d) L.I. est similaire) :

« 20(1) Déductions admises dans le calcul du revenu tiré d’une entreprise ou d’un bien

Malgré les alinéas 18(1)a), b) et h), sont déductibles dans le calcul du revenu tiré par un contribuable d’une entreprise ou d’un bien pour une année d’imposition celles des sommes suivantes qui se rapportent entièrement à cette source de revenus ou la partie des sommes suivantes qu’il est raisonnable de considérer comme s’y rapportant:

  1. bb) Honoraires versés à un conseiller en placement, une somme, autre qu’une commission, qui, à la fois:

(i) est versée par le contribuable au cours de l’année à une personne ou à une société de personnes dont l’activité d’entreprise principale consiste:

(A)   soit à donner des avis sur l’opportunité d’acheter ou de vendre certaines actions ou valeurs mobilières,

(B)   soit, entre autres choses, à assurer des services relatifs à l’administration ou à la gestion d’actions ou de valeurs mobilières,

(ii) est versée:

(A)   soit pour obtenir un avis sur l’opportunité d’acheter ou de vendre certaines actions ou valeurs mobilières du contribuable,

(B)   soit pour la prestation de services relativement à l’administration ou à la gestion d’actions ou de valeurs mobilières du contribuable; […] »

Quelques exceptions et précisions

Au Québec, la déduction de ces frais est limitée aux revenus de placements du contribuable. L’excédent peut être reporté aux trois années antérieures ou postérieurement et utilisé par ce dernier pour réduire ses revenus nets de placement.

Positions administratives des autorités fiscales

Les services offerts par les conseillers et les institutions financières ainsi que le mode de détermination de leurs honoraires ont beaucoup évolué au cours des dernières années. Il n’est plus rare de voir des contrats qui prévoient des honoraires basés sur un pourcentage de la valeur des actifs sous gestion et qui couvrent des services variés. Dans ce contexte, en 2021, Revenu Québec ainsi que l’Agence de revenu du Canada (« ARC ») ont mis à jour leurs positions administratives qui couvrent essentiellement les éléments suivants :

1)         Qu’est-ce qu’une commission?

2)      Qu’entend-on par montant versé :

« i) soit pour obtenir son avis sur l’opportunité d’acheter ou de vendre certaines actions ou valeurs mobilières;

  1. ii) soit pour la prestation de services relativement à l’administration ou à la gestion d’actions ou de valeurs mobilières du contribuable »?

3)      Qu’entend-on par « […] si l’activité d’entreprise principale de cette personne consiste à : […] »?

Nous allons d’abord commenter les deux interprétations émises par Revenu Québec. Par la suite, nous verrons les positions récentes de l’ARC.

Revenu Québec

Le 18 mars 2021, Revenu Québec a émis deux interprétations techniques détaillées portant le même numéro, soit le 19-048565-001. Bien qu’elles se ressemblent, ces deux interprétations ont quelques points différents et se complètent.

1)      Commission

Les deux interprétations techniques mentionnent qu’« un montant constitue une commission si :

  • le montant payé est étroitement lié à une transaction;
  • le montant est versé à titre de rétribution; et
  • la personne qui reçoit le montant agit à titre d’intermédiaire dans la transaction. »

L’une d’elles précise également : « Nous rappelons aussi que les commissions de suivi ne sont pas déductibles en vertu du paragraphe d) de l’article 157 de la LI : elles sont imputées à même le rendement des titres détenus par le contribuable. »

À l’égard de ce dernier commentaire de Revenu Québec, notons qu’il est important d’analyser le contexte selon les faits. Les termes employés ne sont pas suffisants pour statuer. Par exemple, en avril 2013, la Chambre de la sécurité financière (CSF) a déposé un mémoire auprès de l’Autorité canadienne en valeurs mobilières (« ACVM ») dans lequel elle mentionnait que : « la “commission de suivi” est une catégorie de frais permanents qui a pour objet de rémunérer la prestation de services-conseils, de planification financière, d’établissement de plan financier, de rapport d’étape sur la croissance des actifs et de recommandations d’achat ou de vente de produits financiers que les conseillers sont censés fournir de façon continue aux porteurs après l’acquisition des titres » (extrait de l’article de La Presse+ par Jean Gagnon le 7 mars 2018). L’ACVM se questionnait plutôt à savoir si l’investisseur recevait réellement la prestation de services. Ainsi, aux fins du paragraphe 157d) L.I., si les activités servent à donner un « avis sur l’opportunité d’acheter ou de vendre certaines actions ou valeurs mobilières », bien que le terme « commission de suivi » soit utilisé, ces frais devraient être déductibles si les autres conditions sont remplies.

Par conséquent, le simple terme « commission » ou « commission de suivi » n’est pas suffisant en soi pour conclure que les frais ne remplissent pas les critères du paragraphe 157d) L.I. Une analyse plus approfondie est donc nécessaire afin de valider : qui est la personne qui verse les frais, quelle est la nature des services offerts et quelle est l’activité principale de la personne qui reçoit les frais?

Finalement, toujours en lien avec l’interprétation du terme « commission », Revenu Québec précise qu’un montant qui s’ajoute aux frais périodiques, lequel se qualifie par ailleurs à la déductibilité et qui permet au contribuable d’effectuer sans frais supplémentaires un certain nombre de transactions, ne peut pas être qualifié de commission. De plus, comme mentionné au point 2) ci-dessous, ce montant, intégré au forfait, sera admissible en déduction et n’aura pas à être ventilé.

2)      Type de services ou conseils obtenus

La déduction est limitée aux montants versés pour obtenir :

  1. i) l’avis sur l’opportunité d’acheter ou de vendre certaines actions ou valeurs mobilières; ou
  2. ii) pour des services à l’égard de l’administration ou de la gestion des actions ou valeurs mobilières du contribuable.

Revenu Québec convient de plus que certains services énumérés dans l’une des interprétations techniques (par exemple, inscription et garde de titres, conformité règlementaire, tenue à jour du profil d’investisseur, surveillance des placements, etc.) sont en lien avec l’administration et la gestion d’actions ou de valeurs mobilières et donc, dans leur ensemble, seraient déductibles.

Ventilation de la facture : Par ailleurs, Revenu Québec précise également que lorsqu’un contribuable paie périodiquement des frais qui regroupent plusieurs services mentionnés aux points i) et ii) ci-dessus, il ne sera pas nécessaire de fournir une facture ventilée. Revenu Québec mentionne qu’il en sera de même lorsque s’ajoutent des frais supplémentaires au forfait, afin de permettre un certain nombre de transactions. En effet, Revenu Québec convient qu’il n’est généralement pas possible, dans un tel contexte, de ventiler le montant forfaitaire puisqu’un contribuable peut n’avoir fait aucune transaction ou en avoir effectué moins que le nombre de transactions couvertes par le forfait.

De plus, en 2014, Revenu Québec avait déjà stipulé que les frais admissibles en déduction, selon le paragraphe 157d) L.I., visent seulement les services liés à l’élaboration d’une stratégie d’investissement ou d’aliénation concernant certaines actions ou valeurs mobilières du portefeuille d’un contribuable. À cet égard, il convient de prendre note que plusieurs analyses et planifications (analyse de retraite, optimisation fiscale, risque des produits financiers, considération de protection d’actif, impacts financiers au décès, etc.) sont nécessaires pour qu’un conseiller élabore une stratégie d’investissement qui respectera le profil d’investisseur de son client. Outre les fluctuations des marchés, la stratégie de placement et le profil d’investisseur devront être révisés lors de certains événements de vie tels que lors d’une entrée importante de fonds en provenance de la vente d’une entreprise ou d’un héritage, ou encore à l’aube de la retraite, ou lorsque survient un changement d’emploi, une séparation, etc. (Pour plus d’informations à cet effet, se reporter aux commentaires du Centre québécois de formation en fiscalité (CQFF) : www.cqff.com/liens/honoraires_conseillers.pdf).

3)      Activité principale de la personne (ou société de personnes) qui reçoit les honoraires

Les deux interprétations techniques modifient la position de Revenu Québec énoncée au Bulletin d’interprétation IMP. 157-5 (retiré et archivé), « Honoraires payés à un conseiller en placement », du 26 juin 1987, et considèrent dorénavant que l’activité principale d’un courtier en valeurs mobilières peut être de donner des avis sur l’opportunité d’acheter ou de vendre des actions ou valeurs mobilières.

De plus, Revenu Québec ajoute une présomption selon laquelle l’activité principale d’une personne qui détient un permis des autorités canadiennes en valeurs mobilières est de donner des avis sur l’opportunité d’acheter ou de vendre certaines actions ou valeurs mobilières ou d’assurer des services d’administration ou de gestion de valeurs mobilières.

Agence du revenu du Canada

Le Bulletin d’interprétation IT-238R2 (archivé), « Honoraires versés à un conseiller en placement », de l’ARC donne quelques indications générales. Cependant, comme tous les bulletins archivés (de l’ARC ou de Revenu Québec), ils doivent être utilisés avec prudence, car même s’ils représentent l’avis à la date d’entrée en vigueur, ces bulletins ne sont plus mis à jour.

L’ARC a d’ailleurs modifié et ajusté certaines de ses positions à la question 1 de la Table ronde sur les produits financiers du Congrès 2021 de l’APFF. Entre autres, l’ARC est venu changer sa position quant à son interprétation du terme « commission » et quant à la notion d’« activité d’entreprise principale d’une personne ou d’une société de personnes ».

1)      Commission

L’ARC ne semble pas appliquer la même interprétation que celle décrite par Revenu Québec. Dans sa réponse, l’ARC fait référence à l’arrêt Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, de la Cour suprême du Canada qui analyse les principes généraux d’interprétation. De plus, elle renvoie à la cause Rio Tinto Alcan Inc. c. La Reine, 2016 CCI 172 et 2018 CAF 124, de la Cour canadienne de l’impôt et de la Cour d’appel fédérale qui ont interprété le terme « commission » aux fins de l’alinéa 20(1)bb) L.I.R. comme une somme calculée en fonction d’un pourcentage.

L’ARC a précisé que le fait qu’une commission soit un montant calculé en fonction d’un pourcentage ne signifie pas que toute forme de rémunération basée sur un pourcentage soit forcément une commission. Cependant, l’ARC a également énoncé que des frais qui ne sont pas des commissions ne sont toutefois pas nécessairement admissibles à la déduction de l’alinéa 20(1)bb) L.I.R. et donne en exemple des frais de transactions au moment de l’achat ou de la vente.

2)      Type de services ou conseils obtenus

L’ARC modifie sa position émise dans l’interprétation technique 9017855 du 6 novembre 1990. Tout comme Revenu Québec, l’ARC précise qu’il n’y a plus lieu de ventiler la partie des frais supplémentaires permettant d’effectuer un certain nombre de transactions lorsqu’ils sont inclus aux honoraires calculés en fonction du pourcentage de la juste valeur marchande. Ces derniers, lorsque raisonnables, seront admissibles à la déduction de l’alinéa 20(1)bb) L.I.R. quand ils sont relatifs à l’administration ou à la gestion d’actions ou de valeurs mobilières.

3)      Activité principale de la personne (ou société de personnes) qui reçoit les honoraires

Tout comme Revenu Québec, l’ARC est dorénavant d’avis qu’il est raisonnable de présumer que l’activité principale d’un courtier en valeurs mobilières est de donner des avis sur l’opportunité d’acheter ou de vendre des actions ou des valeurs mobilières.

Conclusion

Les positions désuètes des autorités fiscales qui n’avaient pas évolué et suivi les changements du domaine des valeurs mobilières ont ainsi été mises à jour. De plus, elles nous permettent également d’éclaircir certains critères dont ceux liés aux services visés, qui demeurent limitatifs et n’incluent pas les services tels que ceux entourant la planification successorale, les conseils fiscaux ou le paiement des honoraires d’un cabinet externe pour produire les déclarations de revenus d’un client, etc.

Rappelons que les contrats de services (et leurs versions mises à jour) signés par les clients permettent d’identifier juridiquement quels sont les services visés par l’entente d’honoraires de gestion. De plus, notons qu’il n’est pas rare que les institutions financières offrent des services complémentaires, notamment certains mentionnés ci-dessus, lesquels ne sont pas déductibles. Cependant, ces services ne sont pas nécessairement couverts dans l’entente d’honoraires de gestion. D’ailleurs, il peut arriver que des honoraires additionnels soient facturés pour ces services. D’autres institutions offriront des services à titre gratuit à certains de leurs clients, mais ces services ne feront pas partie de l’entente d’honoraires.

En terminant, il est bon de se souvenir que les titres ou les termes utilisés dans certains documents et factures ne sont pas un gage des services rendus. Il faut souvent creuser un peu plus pour mieux comprendre les faits et surtout consulter le contrat que signe le client avec l’institution financière pour déterminer les services liés aux honoraires versés.

Ce texte a paru initialement dans le magazine Stratège de l’APFF, (Printemps 2022), vol. 27, no 1.

Par Natalie Hotte, Pl. Fin., D. Fisc., Conseillère principale, Fiscalité, Retraite et Succession Trust Banque Nationale, natalie.hotte@bnc.ca

L’auteure tient à remercier ses collègues Me Laurie-Anne Gagnon, LL. B., M. Fisc., et Me Marie-Claude Riendeau, LL. B., DDN, M. Fisc., TEP, Pl. Fin., de leurs précieux commentaires.