
Processus simplifié de 20jours, registre obligatoire des insatisfactions et sanctions pécuniaires pouvant aller jusqu’à 5 000$: un nouveau règlement qui entrera en vigueur le 1erjuillet 2025 transforme radicalement l’encadrement des plaintes par l’Autorité des marchés financiers (AMF).
Dans un contexte où l’AMF a reçu 2 734 plaintes en 2022-2023 — soit une hausse de 30% par rapport à l’année précédente — et où les amendes et sanctions administratives ont bondi de 5,1 à 12,1millions de dollars, le nouveau règlement mise sur une approche plus contraignante et structurée.
Selon une analyse détaillée publiée par Estelle Savoie-Dufresne, chargée de cours au baccalauréat en droit à l’Université de Sherbrooke, dans la Revue de prévention et règlement des différends de cette même université, le règlement adopté par l’Assemblée nationale introduit plusieurs changements concrets pour les intermédiaires financiers, institutions financières et agents d’évaluation du crédit. Trois d’entre eux se démarquent :
1. Un processus simplifié
La première nouveauté permet aux entreprises d’instaurer un traitement simplifié pour certaines plaintes, géré directement par le responsable du traitement des plaintes ou une personne sous sa supervision. Cette procédure accélérée vise un délai de 20jours, extensible à 40 jours maximum pour des motifs valables.
« L’entreprise pourra décider que toutes les plaintes reçues sont d’abord traitées selon un traitement simplifié ou limiter ce traitement à certaines plaintes, comme les plaintes moins complexes », précise l’auteure. Cette flexibilité permet notamment de résoudre verbalement des insatisfactions lors d’appels au service clientèle.
2. Un registre obligatoire
Le nouveau règlement impose aux entreprises de créer un registre des enjeux d’insatisfactions des clients, véritable outil de gestion des risques. Cette obligation vise à développer « une vision d’ensemble des plaintes reçues, notamment afin d’identifier les causes communes à ses plaintes clients et résoudre les enjeux qu’elles soulèvent ».
Estelle Savoie-Dufresne y voit « un registre écrit électronique des principaux enjeux récurrents de plaintes de ses clients cumulées sur une base annuelle sous forme de data pooling ». Cette approche préventive devrait permettre aux responsables de la conformité d’identifier stratégiquement les risques de gouvernance.
3. Des sanctions pécuniaires
La troisième innovation instaure des pénalités administratives spécifiques oscillant entre 1 000$ et 5 000$ imposées directement par l’AMF aux institutions financières et agents d’évaluation du crédit en cas de non-respect du règlement.
Cette nouveauté marque une rupture avec l’ancien système où les manquements étaient consignés dans des rapports d’enquête, puis éventuellement portés devant le Tribunal administratif des marchés financiers. « Un effet dissuasif spécifique de ces nouvelles sanctions administratives qui auront assurément leur impact », souligne l’auteure, comparant ce mécanisme aux sanctions déjà en vigueur pour les déclarations d’initiés tardives sur le Système électronique de déclarations des initiés (SEDI).
Un délai standard de 60jours
Le nouveau cadre fixe également un délai standard de 60jours maximum pour fournir une réponse finale écrite, extensible à 90jours pour des circonstances exceptionnelles. Les entreprises devront désormais respecter de nouveaux paramètres dans la présentation des offres de règlement, excluant notamment « toute tactique de marchandage distributif » comme les demandes de désistement de plainte contre compensation financière.
Avec plus de 185% d’augmentation des plaintes depuis 2003-2004 et un délais de traitement initial estimé entre 6 et 12 mois, ces nouvelles règles visent à harmoniser et accélérer un processus jugé jusqu’ici « variable d’une entreprise à l’autre », selon l’expérience professionnelle de l’auteure.
L’efficacité de cette refonte réglementaire se mesurera dans les statistiques publiques de l’AMF post-adoption du règlement. « On s’en reparle donc dans un an ! », conclut Estelle Savoie-Dufresne.