Un homme d'affaires faisant le saut.
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Pendant la dernière décennie haussière menée par des entreprises de croissance à forte capitalisation en plein essor, les titres de style valeur ont progressé tant bien que mal sur la voie lente des marchés boursiers. L’école de l’investissement qui prône la recherche de bonnes affaires et dont les héros sont entre autres Benjamin Graham et Warren Buffett, a connu un ralentissement prolongé. Plutôt que de détenir un portefeuille de style valeur, la plupart des investisseurs auraient mieux fait d’investir de façon passive dans les indices boursiers élargis au cours des 10 dernières années.

En comparant les titres de valeur à leurs équivalents de croissance, l’écart de performance est même plus large. Examinons, par exemple, l’Indice de croissance Russell 1000 par rapport à l’Indice de valeur Russell 1000. Au cours des 10 années se terminant le 31 décembre 2019, exprimé en dollars américains, l’indice de croissance américain a fourni un rendement annualisé de 15,2 %, alors que l’indice de valeur était à la traîne à 11,8 %. La croissance a même affiché des marges plus importantes de surperformance par rapport à la valeur au cours de l’an dernier et des trois et cinq dernières années.

Même depuis le début de l’année 2020, jusqu’à la fin de mars, l’Indice de croissance Russell 1000 établit une performance supérieure par rapport à celle à l’Indice de valeur Russell 1000, selon Google Finance.

La valeur a connu de plus longues périodes de creux au cours de près d’un siècle d’historique d’analyse de ce facteur, dit Hail Yang, vice-président, stratégie produit, chez Gestion d’actifs BlackRock Canada, de Toronto. « Sans aucun doute, il [le facteur valeur] a été dans les trois ou cinq premiers sur le plan des plus longues périodes de sous-performance. »

Les différents facteurs tendent à performer différemment à chacune des étapes du cycle de marché. Historiquement, la valeur a eu tendance à bien performer au tout début d’un marché haussier. Ceci contribue à expliquer pourquoi la valeur a été à la traîne récemment. « Elle n’a pas vraiment eu ce contexte économique dans lequel on s’attendrait à ce qu’elle brille, et c’est pourquoi nous avons assisté à une période prolongée de sous-performance de la valeur, dit Hail Yang. Mais ceci n’ébranle pas notre conviction que la valeur est un facteur récompensé dans le temps. »

L’investissement axé sur la valeur est une stratégie qui présente un risque un peu plus élevé que ce que certains investisseurs peuvent penser, dit Chris Heakes, directeur et gestionnaire de portefeuille, FNB, chez BMO Gestion d’actifs, de Toronto. Il a remarqué que la gamme de trois FNB de BMO basés sur les indices valeur MSCI ont généralement des bêtas variant de 1,1 à 1,2. (Par définition, un indice de marché large a un bêta de 1). Lorsque les marchés connaissent une reprise après avoir plongé, les portefeuilles axés sur la valeur « ont tendance à réaliser de meilleures performances », dit Chris Heakes, comme ils l’ont fait pendant la période qui a suivi le krach de 2009. « Nous nous attendons à un retour à la valeur à un moment donné. »

Parmi les FNB cotés au Canada, la stratégie du fonds Vanguard Global Value Factor ETF est la plus pure et la plus diversifiée dans le monde. Investissant dans les marchés développés, le FNB évalue les actions de sociétés de grande, moyenne et petite capitalisation dans chacune des trois grandes régions : Amérique du Nord, Europe et Pacifique. Les évaluations proviennent de trois mesures de valeur : ratio cours/valeur comptable, ratio cours/bénéfices prévisionnels et ratio cours/flux de trésorerie d’exploitation. Les plus de 1 000 titres détenus dans le FNB éliminent pratiquement l’impact de tout titre individuel.

La pureté du style et la suppression du biais envers la capitalisation boursière doivent encore porter leurs fruits pour le FNB valeur de Vanguard. Tout en étant à la traîne par rapport au marché boursier mondial élargi, il a enregistré des rendements bien inférieurs à ceux des trois autres FNB factoriels de Vanguard, également lancés en juin 2016.

À la différence de Vanguard, le biais en faveur des grandes entreprises est évident chez les FNB de style valeur offerts par BMO et iShares de BlackRock. Les FNB MSCI Canada Value Index de BMO, MSCI USA Value Index de BMO et MSCI EAFE Value Index de BMO utilisent tous des barèmes de notation basés sur le ratio cours/bénéfices prévisionnels, le ratio cours/valeur comptable, et la valeur de l’entreprise par rapport au flux de trésorerie d’exploitation. Les pondérations des titres sont basées sur les notes de valeur dans les secteurs, multipliées par la capitalisation boursière.

Par conséquent, les pondérations sectorielles des FNB de BMO ont tendance à être assez proches de celles des indices de marché large. « Ce que nous tentons de faire, c’est d’avoir quelque chose qui ressemble un peu à l’indice large mais penché vers les titres davantage orientés valeur à l’intérieur de ces secteurs, dit Chris Heakes. Si vous faites seulement de la valeur sans penser au secteur, cela pourrait peser sur certains secteurs. » Cette méthodologie de pondération sectorielle neutre de MSCI, qui est également utilisée pour le fonds Edge MSCI USA Value Factor Index ETF d’iShares, impose un plafond de 10 % par titre. La stratégie EAEO (Europe, Australasie, Extrême-Orient) de BMO, en même temps, vise à maintenir la neutralité entre les régions géographiques.

Depuis leur lancement en octobre 2017, les trois FNB de BMO ont en général enregistré une performance inférieure à la moyenne en accord avec la tendance dominante des mandats axés sur la valeur. Toutefois, selon Chris Heakes, l’investisseur de détail peut bénéficier d’une pondération des titres de valeur. Il met en garde contre l’investissement exclusif dans un style particulier, tel que le style croissance des grandes capitalisations américaines, par exemple, qui a très bien performé. Un FNB axé valeur, dit Chris Heakes, « offrira un peu de diversification parmi les actions ».

Pour bâtir le portefeuille du fonds Canadian Value Index ETF d’iShares, les titres canadiens sont classés selon une méthodologie propre au Dow Jones qui prend en compte les ratios cours/bénéfices projetés, le ratio cours/valeur comptable et le rendement en dividendes du dernier exercice ainsi que trois autres indicateurs de croissance. Les titres qui entrent dans l’indice de valeur sont pondérés en fonction de la capitalisation boursière, et soumis à un plafond de 10 % par titre. Lancé en novembre 2006, le FNB d’iShares a performé sous la moyenne pendant les 10 dernières années.

Bien que le ratio cours/bénéfices soit un indicateur courant des FNB à facteur de valeur, les stratégies diffèrent quant à l’utilisation des ratios cours/bénéfices historiques, qui sont basés sur les bénéfices réels passés, par opposition aux ratios cours/bénéfices prévisionnels, qui reposent sur les projections des bénéfices. Selon Hail Yang, de BlackRock, les ratios cours/bénéfices prévisionnels contribuent à éviter les « value traps » (fausses aubaines), soit les entreprises qui se négocient à bas prix parce que leurs bénéfices se détériorent. « Vous essayez d’éviter les entreprises qui sont en train, réellement et fondamentalement, de se déprécier parce qu’elles devraient se déprécier. »

Par contre, les FNB de style valeur de CI First Asset utilisent les ratios cours/bénéfices réels dans le cadre du processus de sélection. Mais leur méthodologie gère le risque de « value traps » grâce au dépistage des révisions positives des bénéfices qu’effectuent les analystes. Cet indicateur de style momentum vise à compléter les critères de valeur, qui comprennent aussi le ratio cours/valeur comptable, le ratio cours/valeur des ventes et le ratio cours/flux de trésorerie.

Les trois portefeuilles ont des pondérations équivalentes. Le FNB Indice Morningstar Canada Valeur CI First Asset et le FNB Indice Morningstar États-Unis Valeur CI First Asset ont des plafonds sectoriels, alors que le FNB Indice Morningstar International Valeur CI First Asset a des contraintes régionales.

« En recherchant uniquement la valeur traditionnelle, vous pourriez trouver de nombreuses entreprises dans des industries et des secteurs qui ont été appauvris, [et dont] par conséquent, les évaluations sont faibles », dit Peter Tomiuk, vice-président principal, Stratégies de FNB, chez CI First Asset, une division de CI Investments, de Toronto. Les investisseurs peuvent faire des profits avec les entreprises dont les bénéfices sont en croissance et les évaluations, faibles, si ces projections de bénéfices sont réalisées, ajoute Peter Tomiuk. « Ceci fournit une très bonne occasion pour générer de l’alpha. »

Dans la quête d’alpha, le dépistage de révisions positives des bénéfices n’a pas été suffisant pour que les FNB de CI First Asset surmontent le biais prolongé du marché contre les titres axés sur la valeur. Au cours des cinq dernières années se terminant le 31 janvier 2020, les FNB canadiens et américains se sont classés dans le quartile inférieur de leurs catégories respectives, et le FNB d’actions mondiales a enregistré une performance inférieure à la moyenne.

Cependant, selon Peter Tomiuk, sur de plus longues périodes pour les indices sous-jacents de Morningstar – et non pour la durée de vie des FNB – chacune des trois stratégies a dépassé les indices de grands marchés, sur le plan des rendements absolus et sur celui des rendements ajustés au risque. L’indice Morningstar Canada Valeur a été le meilleur des trois, car pendant une période de neuf ans se terminant à la fin de 2019, il a enregistré un ratio de capture de rendements positifs de 110 %, tout en maintenant son ratio de capture de rendements négatifs à seulement 66 %.

« Les stratégies de n’importe quel facteur gagnent en popularité et en perdent régulièrement. Je pense que tout le monde sait que la valeur est tombée en disgrâce pendant un bon moment, dit Peter Tomiuk. Mais si vous examinez un cycle économique complet, les stratégies axées sur la valeur ont habituellement bien performé. »