Question : Le rapport d’analyste pour un de mes fonds mentionne que celui-ci utilise des produits dérivés. Que sont exactement les produits dérivés, et comment un fonds peut-il les utiliser?

Réponse : Pour certains investisseurs, le terme « produits dérivés » peut avoir une connotation négative à cause du rôle qu’ont joué ces instruments complexes dans certains désastres financiers récents, notamment la crise financière mondiale qui a suivi l’éclatement de la bulle de l’habitation aux États-Unis. Mais même si cet exemple, qui a mis en oeuvre un type de produit dérivé appelé contrat d’échange sur risque de crédit, souligne les dangers potentiels de l’utilisation, bonne ou mauvaise, des produits dérivés, de nombreux investisseurs institutionnels comme les banques, les gouvernements, les fonds spéculatifs et les corporations s’en remettent à ces produits pour gérer le risque, adopter des stratégies de couverture et réaliser d’autres objectifs financiers.

De même, les fonds communs et les fonds négociés en bourse utilisent les produits dérivés de différentes façons dans le cadre de leurs stratégies de placement. Certains les utilisent pour couvrir une position en devises, de façon à ce que les fluctuations des devises n’affectent pas les rendements du fonds, alors que d’autres utiliseront des contrats d’options pour améliorer leurs distributions.

Une discussion complète sur le fonctionnement des produits dérivés pourrait remplir un livre entier, mais pour les investisseurs désireux d’en savoir davantage sur ce qu’ils sont et combien de fonds les utilisent, en voici un bref aperçu.

Que sont les produits dérivés?

Le terme « produits dérivés » se réfère à des instruments financiers dont la valeur provient d’un actif sous-jacent comme une action, une obligation, une marchandise ou un bien immobilier. Vous connaissez déjà peut-être certains types de produits dérivés, comme les options et les contrats à terme. Ces produits, de même que les swaps (ou contrats d’échange), sont parmi les types les plus communément utilisés de produits dérivés dans le monde de la finance. Voici quelques définitions élémentaires et exemples de ces trois types de produits dérivés d’usage commun.

Les contrats à terme simples : Ce sont des accords conclus entre deux parties pour acheter ou vendre un actif à un moment donné dans l’avenir, à un prix déterminé aujourd’hui. Bien que les contrats à terme aient été mis au point à l’origine pour négocier des marchandises, les contrats à terme sur marchandises ne constituent aujourd’hui qu’une petite partie des contrats négociés. Il en existe beaucoup d’autres types, comme les contrats à terme sur indice boursier (comme le S&P 500), et même les contrats à terme sur taux d’intérêt.

Exemples d’utilisation : Un agriculteur qui verrouille aujourd’hui un prix élevé pour une récolte qu’il va vendre plus tard, ou une compagnie aérienne qui verrouille le prix du carburant pour ses avions pour se prémunir contre des augmentations possibles à une date ultérieure.

Les options : Elles donnent à celui qui les détient le droit d’acheter ou de vendre un actif à un certain prix pendant une période donnée. Parce que l’option représente le droit d’acheter cet actif et n’en est pas un titre de propriété, elle ne coûte habituellement qu’une fraction du prix de cet actif. Ces instruments peuvent être utilisés pour acquérir une participation à des actions, des FNB, des indices boursiers et des marchandises. Il y a de nombreux types d’options, et elles peuvent être utilisées dans le cadre de nombreuses stratégies de négociation boursière, comme celle qui consiste à miser sur la hausse ou la baisse d’un actif.

Exemples d’utilisation :
Un investisseur qui veut protéger un titre qu’il possède déjà contre les fluctuations de prix (il s’agit alors d’une option d’achat couverte); un investisseur qui cherche à protéger son portefeuille en achetant une participation baissière en cas de chute boursière (c’est une option de vente de protection).

Les swaps : Ce sont des accords entre deux parties pour négocier divers types de paiement au cours d’une certaine période. On peut s’en servir pour échanger des taux d’intérêt, des participations aux devises ou des protections contre le crédit (contrats d’échange sur risque de crédit).

Exemples d’utilisation : Une banque qui cherche à réduire son exposition à des taux d’intérêt variables versés sur les comptes de dépôt échange cette participation avec une autre partie qui peut fournir une participation à un taux fixe; des sociétés opérant dans divers pays échangent des positions de change comme moyen de réduire le risque lié aux devises.

Une utilisation courante parmi les fonds communs

Les fonds communs peuvent utiliser les produits dérivés comme un moyen d’acquérir, de couvrir de vendre à découvert une participation à un certain type d’actif, souvent à un coût inférieur à celui qu’ils paieraient pour carrément acheter l’actif. Il est difficile d’évaluer le degré auquel les fonds communs canadiens utilisent les produits dérivés, puisque les données n’en sont pas collectées systématiquement. Toutefois, l’environnement juridique qui préside à leur utilisation est devenu de plus en plus libéral ces dernières années, et c’est quelque chose à rechercher quand on consulte le prospectus d’un fonds que l’on envisage d’acheter.

(Suite p. 2)

Les produits dérivés utilisés par les fonds obligataires comprennent des contrats à terme simples ou de gré à gré sur indices boursiers et devises, des options sur indices obligataires et devises, et des contrats d’échange sur taux d’intérêt et sur risque de crédit. Les fonds d’actions, quant à eux, ont plus de chances d’utiliser des contrats à terme simples ou de gré à gré sur indices boursiers et devises, ainsi que des options sur indices et actions individuelles. Les fonds de la catégorie Stratégies spéciales tendent à être de gros utilisateurs de produits dérivés, par exemple en négociant des contrats à terme et options dans le cadre d’une stratégie d’actions longue/courte.

Pour voir comment un fonds peut utiliser des produits dérivés, penchons-nous sur le FNB de revenu amélioré en actions Horizons HEX , un FNB d’actions canadiennes à grande capitalisation activement géré détenant un portefeuille équipondéré d’une trentaine de titres, avec en prime un petit peu de revenu supplémentaire. En plus de posséder ses actions dans les mêmes proportions, le gestionnaire de ce fonds vend des options d’achat sur toutes ces actions. Bien que cela limite leur potentiel haussier, les primes de revenu collectées de la vente des contrats d’option permettent au gestionnaire de rehausser les distributions de revenu du fonds.

L’utilisation de produits dérivés fait aussi partie de la structure même de ce qu’on appelle les FNB à effet de levier, qui s’en remettent à ces produits pour exécuter certaines stratégies parfois assez exotiques. Prenons par exemple le FNB BetaPro S&P/TSX 60 Baissier+ HXD , conçu pour fournir deux fois l’inverse du rendement quotidien de l’Indice S&P/TSX 60. Les jours où l’indice est à la baisse, le fonds vise à produire deux fois l’équivalent positif du rendement. Et les jours où l’indice est à la hausse, le fonds essuiera de grosses pertes. Ce FNB poursuit ses objectifs exclusivement par le truchement de produits dérivés comme les contrats à terme et les swaps, sans détenir le moindre titre figurant dans l’indice. Un FNB comme celui-là illustre les risques potentiels d’une stratégie à effet de levier de ce type, dans la mesure où un gain important de l’indice se traduirait par une perte deux fois plus grande pour l’investisseur. Il ne devrait être utilisé que par les négociateurs très actifs et ceux qui prévoient ou se prémunissent contre une chute à court terme de l’indice.

L’utilisation faite par certains fonds des produits dérivés rend la connaissance du fonctionnement de votre fonds d’autant plus importante. Si on les utilise judicieusement, ces produits peuvent contribuer à gérer le risque et à favoriser des stratégies de placement novatrices. Mais une utilisation irresponsable peut mener au désastre. En tant qu’investisseur, il vous appartient de comprendre le fonctionnement de votre fonds et de savoir si les produits dérivés s’inscrivent dans son approche. Et si vos sociétés de fonds sont réticentes à vous fournir cette information, vous avez parfaitement le droit de l’exiger.