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À la différence d’autres professionnels, tels que les avocats, les médecins ou les psychologues, vous recevez rarement de la formation sur la manière de poser des questions pour aborder un problème. Vous devez apprendre au fur et à mesure. Or, en variant les questions ainsi que la façon de les poser, vous pouvez faire apparaître des informations importantes qui vous auraient échappé autrement, suggère Harvard Business Review.

Avec les progrès de l’intelligence artificielle, les questions sont souvent devenues plus importantes que les réponses, signalent les auteurs de l’article, Arnaud Chevallier, Frédéric Dalsace et Jean-Louis Barsoux, professeurs à l’International Institute for Management Development (IMD), en Suisse. Ces derniers ont ainsi questionné des dirigeants de sociétés sur la manière dont ils interrogent leurs équipes pour résoudre certains problèmes.

Selon les chercheurs, les questions stratégiques peuvent être regroupées en cinq domaines :

  • investigation,
  • spéculation,
  • production,
  • interprétation
  • et subjectivité.

Elles peuvent vous aider à aborder des sujets clés avec les clients ou les collaborateurs.

Que sait-on ?

La première catégorie de questions (les questions d’investigation) sert à identifier et à analyser un problème en profondeur. Lorsque vous êtes confronté à un problème, vous devez commencer par clarifier votre objectif en vous demandant ce que vous voulez accomplir et ce que vous devez apprendre pour y parvenir.

Le processus peut être alimenté par des questions du type « Pourquoi ? » et « Comment ? ». Les réponses vous aident à aller au-delà des solutions génériques et à développer des solutions plus complexes.

Le processus d’investigation semble simple de prime abord, mais si l’on passe à côté, les conséquences peuvent être dommageables, signalent les chercheurs. Ils donnent l’exemple d’une erreur de la société des chemins de fer française. Une de ses équipes avait négligé une donnée essentielle lors d’une importante commande de trains régionaux. Personne n’avait pensé à vérifier les mesures des quais. Les trains livrés se sont avérés trop larges pour les anciennes gares. L’erreur a coûté 70 millions de dollars à l’entreprise.

Et si ?

Les questions spéculatives vous aident à examiner un problème de manière plus large. Il s’agit de questions telles que « Et si… ? », « Quoi d’autre… ? » ou « Comment pourrions-nous… ? »

Lors d’une compétition, la question « Et si nous utilisions la force des jambes au lieu de celle des bras ? » a conduit les membres de l’équipage d’un catamaran néozélandais à pédaler sur des vélos stationnaires pour générer de l’énergie afin de faire fonctionner les systèmes hydrauliques du navire plutôt que de tourner les poignées, comme c’était l’usage. En libérant les mains de l’équipage, cette solution a permis d’exécuter rapidement de multiples manœuvres, ce qui a permis à l’équipage de remporter la course.

Et maintenant ?

Les questions productives aident à évaluer la disponibilité des talents, des capacités, du temps et des autres ressources. Elles influencent la rapidité de la prise de décision, la prise d’initiatives et le rythme de la croissance.

Ces questions vous permettent d’identifier plus facilement des mesures et des étapes clés afin de maintenir vos plans sur la bonne voie. Elles mettent en évidence les risques, y compris les contraintes qui pèsent sur vos capacités à vous développer.

Alors, quoi ?

Les questions d’interprétation ou de perception favorisent la synthèse. Elles vous poussent à redéfinir continuellement le problème central, à gratter sous la surface et à demander : « Quel est le véritable enjeu de ce problème ? » Elles font ressortir les implications d’une observation ou d’une idée.

Ces questions peuvent aussi prendre d’autres formes, par exemple : « Qu’avons-nous appris de cela ? En quoi cela est-ce utile ? S’agit-il des bonnes questions à poser ? » Elles correspondent à un retour à la raison d’être, pourquoi nous accomplissons certaines choses et comment cela s’inscrit dans notre mission. Les questions d’interprétation transforment les informations en idées exploitables en leur donnant un sens, soulignent les chercheurs.

Qu’est-ce qui n’a pas été dit ?

Les questions subjectives abordent l’aspect émotionnel des défis. Elles font rejaillir les réserves, les frustrations, les tensions et les intentions cachées qui peuvent faire dévier la prise de décision de sa trajectoire, comme dans « comment puis-je vous aider ? ».

Si vous négligez ce mode de questionnement, la solution que vous proposez risque d’être réduite à néant par des réactions subjectives, même si votre analyse, vos idées et vos plans sont solides, signalent les auteurs de l’étude. Pour les rendre efficaces, vous les encourager et ouvrir un espace de discussion sûr.

Comment rendre vos questions plus intelligentes

Pour rendre vos questions plus intelligentes, vous pouvez alterner les questions avec lesquelles vous obtenez de bons résultats et les questions avec lesquelles vous réussissez moins bien. Pour ce faire, vous pouvez ajuster votre répertoire de questions, modifier vos priorités pour refléter l’évolution de vos besoins et vous entourer de personnes qui compensent vos points faibles.

Après avoir déterminé les types de questions que vous êtes plus ou moins à l’aise de poser, essayez de trouver un équilibre. Testez vos questions plus faibles dans des situations où les enjeux sont moins grands. Vous pourrez ainsi mieux comprendre comment des questions que vous n’avez pas l’habitude de poser peuvent ouvrir une discussion.

Si nécessaire, changez l’orientation de vos questions. Vous pouvez déléguer le rôle de questionneur à un autre membre de l’équipe qui pense différemment de vous. Vous obtiendrez ainsi d’autres réponses.

L’attitude et l’intention de la personne qui pose la question sont aussi importantes que les mots utilisés. Une même question peut susciter la confiance ou au contraire provoquer une attitude défensive selon la manière dont elle est formulée. Si vous demandez « Est-ce vous êtes d’accord avec ça ? », la question peut être perçue par votre interlocuteur comme une invitation à partager ses réserves ou comme une tentative de mettre fin à la discussion.

Par ailleurs, il est plus difficile d’évaluer l’intention mise dans les questions lors des réunions virtuelles. Sans les signaux corporels des réunions en personne pour vous guider, vous risquez des malentendus. Vous devez encore attentif à poser de bonnes questions.

Les dirigeants performants entament toujours les conversations avec de nouvelles personnes en créant un espace sûr et en faisant preuve d’ouverture et de vulnérabilité, observent les chercheurs. Ils sont en mode apprenant plutôt qu’en mode jugement, précisent les chercheurs.