ISR : les clients ne sont pas ceux que l'on croit

De nos jours, le profil de l’investisseur responsable moyen serait plutôt celui d’un client de 45 ans ou plus, universitaire et professionnel qui a un revenu moyen supérieur à la moyenne. Les femmes seraient particulièrement présentes chez les investisseurs intéressés à l’IRS ainsi que certains métiers, comme les médecins par exemple.

« J’ai rencontré un jeune médecin récemment qui m’a dit qu’il voulait s’assurer que son argent n’allait pas servir à financer des usines faisant travailler des enfants au fin fond de la planète », explique Robert Gay, planificateur financier chez Desjardins à Mont Laurier. Desservant une clientèle plus fortunée, Robert Gay est d’ailleurs loin de croire au mythe du « client vert ».

« Il faut avoir une tolérance au risque minimale pour investir dans ces produits qui regroupent beaucoup d’actions. Le fait qu’un client détienne de l’ISR en dit davantage sur son conseiller que sur lui-même puisque ce sont toujours des produits encore méconnus autant des clients que des professionnels du placement », ajoute-t-il.

Même son de cloche chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne (VMBL), où la conseillère en placement Pascale Imbeau offre l’ISR à tous ses clients: « Même s’il est vrai que ce sont souvent des gens plus fortunés, je ne peux toutefois pas dire qu’il y a une tendance claire. Je n’ai pas que des femmes, j’ai aussi des hommes dont les portefeuilles sont investis à 100 % dans l’ISR, des gens exerçant des professions libérales et même des médecins qui m’ont approchée pour investir toute leur épargne dans l’ISR. »

Le temps s’est chargé de montrer aux investisseurs qu’investir de façon responsable ne voulait pas nécessairement dire laisser de côté le rendement. En effet, au 17 juin 2013, le Fonds Desjardins Environnement affichait un rendement de 7,51 % sur dix ans, soit plus que la Catégorie Actions canadiennes qui affichait un rendement de 6,53 % pour la même période selon Morningstar.

« Selon mon expérience, je réalise que les gestionnaires et les marchés sont parfois bons, parfois mauvais, et ce, en ISR comme dans les placements traditionnels. Certains partisans de l’ISR vont aussi dire qu’à long terme les rendements seront supérieurs puisqu’il y a beaucoup moins de risques de poursuites coûteuses pour les entreprises qui respectent les principes de l’ISR », souligne Pascale Imbeau.

Au-delà des rendements, l’actualité récente risque également de pousser davantage de clients à s’intéresser à l’ISR, selon Robert Gay: « Je pense que la crise financière a changé beaucoup de choses [en ce qui a trait à la perception de l’ISR par les clients], mais la Commission Charbonneau a aussi sensibilisé les gens. Quand les gens réalisent, qu’en politique comme dans une entreprise, on puisse choisir de gérer à court terme pour ses actionnaires ou ses élections ou encore à long terme pour un développement durable.»

En 2011, les actifs provenant du marché du détail totalisaient 13,5 G$, soit seulement 2% de tous les actifs sur le marché ISR, selon la dernière édition du Canadian Socially Responsible Investment Review. Les actifs détenus par des particuliers dans des fonds communs de placement ISR se chiffraient quant à eux à 4,3 G$ en 2011, contre 4,1 G$ en 2010 et 5,5 G$ en 2008.

Même s’ils demeurent minoritaires dans les portefeuilles des clients, la question des placements ISR suscite beaucoup de réactions lorsqu’on l’aborde puisqu’elle va toucher les clients au cœur de leurs valeurs. Le conseiller pourrait même avoir avantage à présenter ce type de placements à ses clients. En effet, selon Robert Gay, avoir ces discussions plus poussées avec les clients permet de nouer des relations plus étroites avec eux.

« Si je fais juste parler des marchés des actions et des obligations, ça ne brasse pas d’émotions chez le client, indique-t-il. Lorsque je leur parle de ce qui se passe dans le monde ou de l’environnement, les gens s’ouvrent et donnent leur opinion sur un paquet de choses. En tant que conseiller, faire sortir aux clients leurs tripes en leur parlant de sujets importants, ça fortifie la relation qu’on a avec eux.»

Photo Bloomberg