Une photo du bâtiment de la Banque du Canada.
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La taille du bilan de la Banque du Canada a considérablement augmenté depuis le début de la pandémie de COVID-19, en raison de la hausse des taux d’intérêt et du fait que la Banque a acheté beaucoup de titres d’emprunt fédéraux. Ce bilan restera surdimensionné au cours des prochaines années, ce qui entraîne plusieurs défis, selon un rapport de l’Institut C.D. Howe.

Le bilan de la Banque du Canada est passé d’un peu plus de 120 milliards de dollars (G$) au début de mars 2020 pour atteindre un sommet historique de 575 G$ en mars 2021. Cette explosion résulte de la décision de la Banque d’acheter en nombre des titres de créance du gouvernement du Canada pour stimuler l’économie, selon les auteurs de l’étude.

Pendant ce temps, les dépôts appartenant aux institutions financières canadiennes sont passés de 250 millions de dollars (M$) à environ 260 G$, ce qui implique une offre excédentaire massive de liquidités à court terme pour le système financier canadien, estiment les experts.

Plusieurs défis

Ils y voient plusieurs défis. Lorsque la Banque du Canada achète des obligations du gouvernement du Canada aux institutions financières, elle les ajoute à l’actif de son bilan et les paie en augmentant les dépôts des institutions au passif de son bilan, expliquent-ils. Dans un contexte de hausse des taux d’intérêt, l’intérêt variable que la Banque du Canada verse sur ces dépôts dépasse la moyenne du taux fixe qu’elle obtient sur les obligations d’État.

Les experts estiment que le bilan de la Banque restera surdimensionné encore pendant un certain temps en raison de sa stratégie de resserrement quantitatif (QT) visant à contenir l’inflation. Cette stratégie consiste à laisser la dette publique arrivant à échéance sortir de son bilan plutôt que de la vendre activement sur le marché.

Les soldes de règlement risquent donc de rester importants à court terme, prédisent les auteurs de l’étude. Environ 140 G$ de dette arriveront à échéance au cours des deux prochaines années, avec un montant supplémentaire d’environ 200 G$ d’ici à 2030, mentionne un des auteurs de l’étude, Steve Amber, professeur d’économie à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Il indique que les obligations dont l’échéance est la plus longue ne viendront pas à échéance avant 2064, ce qui laissera selon lui un bilan d’environ 70 G$ dans les prochaines décennies.

Innovations numériques

Deux changements pourraient contribuer à augmenter la taille du bilan de la Banque à moyen terme, selon les auteurs du rapport. Il s’agit, d’une part, de l’adoption du système de paiement Lynx et du rail en temps réel (RTR), des technologies numériques qui faciliteront les virements électroniques de fonds entre institutions et les paiements rapides. L’autre innovation est l’introduction d’une monnaie numérique de banque centrale (CBDC). La Banque centrale a annoncé en mars dernier un projet de recherche avec le Massachusetts Institute of Technology (MIT) visant à développer une telle monnaie pour le Canada.

Des solutions pour réduire les risques

Plusieurs solutions pourraient permettre de minimiser les risques de détenir un bilan important, selon les auteurs. « Tout d’abord, détenir un bilan plus important signifie jouer un rôle plus significatif sur le marché de la dette du gouvernement du Canada et potentiellement affecter les taux de rendement qui influencent les autres taux d’intérêt du marché », dit Jeremy M. Kronick, directeur, Recherche sur les services monétaires et financiers, à l’Institut C.D. Howe.

« Deuxièmement, une stratégie de détention de QT invoque des préoccupations d’indépendance si les raisons de son utilisation sont liées au fait que la vente d’obligations à perte augmenterait les dépenses sur l’état des opérations du gouvernement du Canada, ce qui pourrait déclencher le besoin de plus de dette. »

L’accord d’indemnisation signé par la Banque du Canada et le gouvernement au début de 2020 protège la Banque d’une position de capitaux propres négatifs en raison de pertes d’évaluation sur les obligations, estiment les experts.

Il ne s’applique toutefois pas aux pertes opérationnelles de la Banque résultant de la forte hausse du taux d’intérêt directeur. « Ces pertes risquent de laisser la Banque dans une situation de capitaux propres négatifs », signale Jeremy M. Kronick.

Les auteurs recommandent une modification de la Loi sur la Banque du Canada pour permettre à la Banque de créer un actif reporté afin de couvrir les pertes opérationnelles et pour l’aider à communiquer de façon crédible sa stratégie actuelle de QT.