Une bonne partie de ce déclin a reflété les ventes de lingots par les fonds négociés en bourse et les transactions sur le marché des contrats à terme. Il semblerait que ces ventes en masse soient survenues parce que le bond attendu de l’inflation résultant d’une hausse de la masse monétaire ne s’est pas matérialisé.

Une pression supplémentaire a découlé de craintes que la Réserve fédérale américaine ne s’arrête de racheter les obligations à long terme, avec pour résultat une hausse des taux d’intérêt. J’ai présumé que ces craintes, ces inquiétudes ou ces attentes s’étaient déjà reflétées dans le marché.

La chute du prix du lingot n’est pas survenue en vase clos. Les marchés boursiers ont également chuté, tout au moins provisoirement, à cause d’inquiétudes sur la hausse des rendements obligataires et la contraction de la masse monétaire à l’horizon.

Sur le marché aurifère, on n’a pas besoin que les particuliers, les fonds spéculatifs et d’autres fonds institutionnels vendent beaucoup de lingots et de contrats à terme aurifères pour faire chuter les cours. De fait, le lingot s’est repris d’environ 12 % ce mois-ci, pour atteindre environ 1 333 $ l’once, en partie parce que la Réserve fédérale américaine avait déclaré qu’elle poursuivrait ses mesures de relance économique.

Ben Bernanke, le président de la Réserve fédérale, a notamment déclaré : « Avec un taux de chômage toujours aussi élevé et qui ne baisse que graduellement, et un taux d’inflation inférieur à l’objectif à long terme du comité (de l’OMC), une politique monétaire extrêmement conciliante restera de mise pour l’avenir immédiat. »

Même sans cette déclaration de la Réserve fédérale, je soupçonne que le cours de l’or aurait probablement atteint un minimum, compte tenu du grand nombre de mines d’or dans le monde entier, dont les coûts de production par once s’approchent des minimas récents. Le vrai coût au comptant de la production est bien plus bas, et il n’y a aucun doute que ces mines continueront à produire à court terme. Toutefois, les coûts réels incluent les dépenses effectuées pour développer et maintenir les mines existantes, ainsi que la dépréciation.

La production aurifère a été relativement stable ces dernières années. Un bond du cours de l’or pourrait mener à davantage de prospection, mais il faut plusieurs années entre le moment où l’on découvre un gisement de minerai potentiel, le développement d’une mine et sa mise en exploitation.

Sans aucun doute, le marché de l’or restera volatil, comme il l’est depuis 1971, lorsque les États-Unis ont mis un terme aux transactions de l’or au cours fixe de 35 $ l’once. D’ailleurs, la liquidité des FNB et des marchés de produits dérivés pourraient faire augmenter la volatilité. Toutefois, je m’attends à ce que les prix aient dans leur ensemble davantage tendance à se diriger vers le haut plutôt que vers le bas dans les années à venir.

Tout d’abord, je m’attends à voir une demande robuste de bijoux, de pièces et de lingots d’or, en provenance des marchés asiatiques, surtout de l’Inde et de la Chine, deux pays dont la population aisée est en croissance. Il semblerait que les bijouteries aient connu d’importantes augmentations de la demande quand les prix ont fléchi.

Par ailleurs, le rapport de deuxième trimestre du Conseil mondial de l’or souligne que les hôtels des monnaies du monde entier ont été assaillis de commandes. Nous n’avons pas les résultats du deuxième trimestre de la Monnaie royale canadienne, mais le revenu qu’elle a affiché au premier trimestre provenant des lingots, de l’affinage et des billets négociés en bourse avait augmenté de 70,5 %, comparativement à la même période l’année dernière.

Les banques centrales seront également une force positive sur le marché de l’or. C’est un reversement total de la tendance d’il y a quelques années, quand les banques centrales étaient vendeuses. Un tableau des avoirs aurifères officiels publié par le Conseil mondial de l’or ce mois-ci montre que le total des réserves aurifères mondiales est à 31 868,8 tonnes, dont près des deux tiers sont détenus par les États-Unis, plusieurs nations européennes, le Fonds monétaire international et la Chine.

Bien qu’il soit possible et même probable que certains pays vendent une partie de leur or pour réduire leur endettement, d’autres en achèteront pour fournir une diversification à leurs réserves en évitant le dollar US et l’euro.

Tous les pays ne publient pas leurs achats et leurs ventes à tout bout de champ. Parmi ceux qui indiquent qu’ils ont pas mal acheté ces derniers temps se trouvent la Russie et la Corée.

Le tableau des avoirs aurifères du Conseil mondial de l’or montre que la Chine en détient 1 054,1 tonnes, soit environ 1,3 % des réserves étrangères totales de ce pays selon le Conseil mondial de l’or.

La Chine n’apparaît pas dans le tableau des changements publié par le Conseil mondial de l’or, mais il semble probable que ce pays souhaite détenir bien davantage que le montant publié pour diversifier ses avoirs en dollars. En fait, certains observateurs croient que le chiffre officiel sous-estime les avoirs en lingots de la Chine.

Ce qui est crucial pour une éventuelle augmentation des prix à court terme, c’est si les investisseurs se lancent de nouveau dans les lingots par le truchement des FNB ou des fonds spéculatifs, et ce qui doit arriver pour que cela se produise. Une hausse soutenue des taux de l’inflation attirerait davantage de gens vers l’or, surtout si la Réserve fédérale atténuait les hausses éventuelles des taux d’intérêt.

Néanmoins, il est impossible de prévoir ce que le gouvernement va faire en cas de poussée inflationniste. Certains lecteurs se rappelleront peut-être l’imposition du contrôle des prix et des salaires aux États-Unis en 1971 en réponse à une inflation qui avoisinait les 6 %.

Le Canada a imposé sa propre version en 1975, lorsque l’inflation a dépassé 10 %. L’inflation a connu son sommet aux États-Unis avec plus de 12 % en 1979. L’inflation canadienne a atteint le sien à environ le même taux en 1981. Au début de 1980, le prix de l’or, fidèle à sa réputation de couverture classique contre l’inflation, a alors atteint le prix record de 850 $ l’once.

* Steven G. Kelman est Président de Steven G. Kelman & Associates Limited. Il est un contributeur de Morningstar Canada.