Table ronde sur les actions à revenu : première partie

« Mieux vaut acheter en période de scepticisme que pendant l’euphorie. »

Question : Les marchés boursiers canadiens seront-ils plus performants que les marchés américains en 2016?

Peter Frost, vice-président principal et gestionnaire de portefeuille chez Placements AGF: Je ne pense pas que le Canada se soit jamais sous-classé pendant six ans de suite. Mais il y a une première fois à tout.

Michèle Robitaille, directrice générale et spécialiste des mandats d’actions à revenu chez Guardian Capital LP : Pour que le Canada soit plus performant, les cours pétroliers ne doivent pas nécessairement augmenter de 30 à 60 $US. Si on pouvait au moins avoisiner les 50 $US, on aurait une assez bonne correction positive. Le marché boursier canadien a été inhabituellement volatil dans des secteurs auxquels on ne s’attendrait pas, comme les services publics. Ces actions ont enregistré un rendement total négatif en 2015. Le marché manque de direction et de leadership, parce qu’il fait face à tellement d’obstacles. Le marché essaie de prendre des risques, puis prend la frousse et rebrousse chemin.

Jason Gibbs, vice-président et gestionnaire de portefeuille chez Gestion d’actifs 1832 : Les actions des services publics se sont bien mieux défendues au début janvier.

PF : Il est passionnant de voir le degré de volatilité des titres des services publics ces derniers temps. L’action de la société d’électricité Fortis en est un bon exemple.

JG : Pour ce qui est des perspectives des actions canadiennes, il est impossible de faire des prédictions sur un an. À long terme, les investisseurs devraient s’attendre à un rendement plus faible à l’échelle mondiale. On en revient à la bonne vieille sélection de titres et on se retrouve à être payé pour attendre parmi des actions de qualité qui payent des dividendes. En général, le marché boursier canadien pourrait afficher un rendement total d’environ 5 % par an au cours des prochaines années. On peut se débrouiller beaucoup mieux avec une bonne sélection de titres. Un avantage supplémentaire est la psychologie actuelle du marché. Il n’y a absolument aucune euphorie entourant les actions. Mieux vaut acheter en période de scepticisme que pendant l’euphorie.

PF : Dans un environnement de rendements faibles, les dividendes deviennent une part importante du rendement. Le rendement en dividendes de l’Indice composé S&P/TSX est de 3,5 %. À long terme, les actions à dividendes surclassent l’ensemble du marché ainsi que les actions qui ne payent pas de dividendes.

Q : Parlons maintenant de vos portefeuilles et de votre philosophie.

MR : Nous examinons le fonctionnement sous-jacent de chaque société dans laquelle nous investissons et de l’industrie dans laquelle chaque compagnie exerce ses activités. Nous consacrons beaucoup de temps aux rencontres avec les équipes de direction de ces entreprises, et pas seulement au niveau des cadres supérieurs. Nous ajoutons toutefois un niveau macroéconomique dans la perspective de la construction de portefeuille, examinant des facteurs comme le prix des marchandises et des taux d’intérêt. Le Fonds de revenu mensuel élevé BMO est un portefeuille d’actions canadiennes sans contenu étranger.

JG : Le Fonds Scotia de dividendes canadiens est majoritairement un fonds à grande capitalisation. Il a un contenu étranger. Nous recherchons des actions de qualité qui se négocient à un prix raisonnable. Nous voulons investir dans les meilleures entreprises d’une bonne industrie. Nous recherchons les flux de trésorerie disponibles, les bilans solides, les barrières élevées à l’entrée et les entreprises qui sont en activité depuis longtemps. Ensuite, il faut s’assurer que l’on paie le bon prix. En attaquant, on gagne des batailles, en défendant on gagne la guerre. Dans ce domaine, vous devez protéger votre capital.

PF : Le Fonds de revenu mensuel élevé AGF et le Fonds de revenu traditionnel AGF sont des fonds équilibrés. Si l’on examine la composante boursière, le Fonds de revenu mensuel élevé est axé sur le rendement en dividendes et le Fonds de revenu traditionnel est axé sur la croissance des dividendes. Les deux fonds ont une participation étrangère. À la fin de chaque mois, je sélectionne environ 3 500 sociétés établies au Canada, aux États-Unis et ailleurs. Je construis un portefeuille qui investit équitablement dans chaque action. Je ne m’attache pas aux pondérations sectorielles de l’indice composé, donc ma participation sectorielle est plus équitable.

Q : Penchons-nous sur les actions qui payent des dividendes dans chaque grand secteur, à commencer par les finances. Ce secteur comprend les sociétés immobilières et les fiducies de placement immobilier.

JG : Le Fonds Scotia de dividendes canadiens investit 33 % dans le secteur des services financiers. Les banques représentent 17 % du portefeuille. Les plus grandes pondérations bancaires sont la Banque Scotia, la Banque Toronto-Dominion et la Banque Royale du Canada. J’ai augmenté légèrement ma participation aux banques, mais rien de trop brutal. Comme nous l’avons déjà dit, les banques sont attrayantes. Nous avons vu une grande divergence au niveau de la performance des grandes banques l’année dernière.

PF : Les banques qui étaient perçues comme liées au marché des marchandises ou aux marchés émergents ont été mises sous pression.

JG : Aussi parmi les services financiers, les compagnies d’assurance représentent 7 ou 8 % du Fonds Scotia de dividendes canadiens. Cette pondération est demeurée relativement stable.

MR : Du point de vue du ratio cours-bénéfices, les assureurs sont plus chers que les banques.

PF : Les prévisions de croissance des bénéfices des assureurs sont légèrement supérieures à celles des banques.

JG : Le reste de la pondération aux services financiers du Fonds Scotia de dividendes canadiens se situe dans l’immobilier. Dans ce fonds, je n’investis que dans une seule fiducie de placement immobilier, à savoir le Fonds de placement immobiler RioCan. J’y ai baissé un peu la pondération aux FPI et aux sociétés immobilières au cours de la dernière année.

Q : L’Indice plafonné des fiducies de placement immobilier S&P/TSX, avec un rendement total de -4,7 %, a surclassé l’indice composé et l’indice de dividendes élevés en 2015.

MR : Avec les FPI, le profil des bénéfices est stable car dans la plupart des cas, il est basé sur les locations à long terme.

JG : Il existe une bifurcation dans l’univers des FPI canadiennes. Certaines FPI qui ont des portefeuilles de bâtiments de bureaux dans l’Ouest du Canada ont leurs propres difficultés. Les FPI de qualité supérieure n’ont rien à craindre.

Q : Michèle, parlez-nous donc des titres de services financiers du Fonds de revenu mensuel élevé BMO.

MR : Nous investissons environ 16 % dans les banques. Nous y avons graduellement augmenté notre participation durant le dernier trimestre. Nous investissons aussi dans certaines compagnies d’assurance-vie et de l’assurance générale de particuliers comme Intact Corporation financière, ainsi que des gestionnaires d’actifs.

Q : La Financière Manuvie fait partie des dix principaux titres du Fonds mensuel à revenu élevé BMO.

MR : Plus de 40 % des bénéfices nets d’exploitation de la Manuvie proviennent de la gestion du patrimoine, et leur trajectoire de croissance est bonne. Sa filiale asiatique a affiché une assez bonne expansion. Ses activités canadiennes et américaines traditionnelles continuent de bien se comporter. La Manuvie est en voie d’atteindre ses objectifs de 2016 et la croissance se poursuivra après cette date.

Q : Michèle, qu’en est-il des FPI?

MR : Nous investissons environ 14,5 % dans les FPI, ce qui est relativement faible historiquement. Nous avons rehaussé notre participation de manière sélective au cours de l’année. Là aussi, comme Jason le faisait remarquer, il faut se méfier des propriétés sous-jacentes et des participations géographiques au sein de ces FPI. Nous avons ajouté Allied Properties Real Estate Investment Trust au troisième trimestre de 2015, car nous estimions que ses évaluations étaient attrayantes. Son cours a baissé pour représenter un rabais par rapport à sa valeur d’actif net pour la première fois depuis longtemps.

Au mois d’août, Standard & Poor’s lancera l’immobilier comme nouveau secteur. Il y aura 11 secteurs. La pondération immobilière sera d’environ 4 % dans l’indice composé. Il pourrait y avoir une société immobilière dans l’Indice S&P/TSX 60. Il en résultera que plus de généralistes deviendront intéressés par ce secteur.

Q : Peter, les services financiers?

PF : Comme j’y faisais allusion, notre méthode implique des pondérations égales parmi les secteurs, donc les participations financières du Fonds de revenu mensuel élevé AGF et du Fonds de revenu traditionnel AGF sont plus faibles que celles de Michèle et de Jason. Nous aimons bien les sociétés de gestion d’actifs. Nous sommes optimistes sur les actions à long terme. Dans le Fonds de revenu mensuel élevé AGF, j’ai racheté dernièrement le gestionnaire Gluskin Sheff + Associates, suite à la correction de son cours.

Q : La Banque Scotia fait partie des dix principaux titres en portefeuille dans ces deux fonds équilibrés AGF, tout comme la Manuvie.

PF : Je suis d’accord avec les commentaires de Michèle sur la Manuvie. Scotia est le plus gros avoir bancaire dans les deux portefeuilles. À long terme, nous aimons son profil de croissance et sa participation géographique. En attendant, sa participation à l’Amérique du Sud est difficile pour la banque. Mais à long terme, les données démographiques et le profil de croissance de ces pays seront positifs pour Scotia.

Q : Quelle sont les perspectives de hausse des dividendes pour les banques?

PF : Les banques canadiennes vont continuer d’augmenter leurs dividendes, certainement autour de 5 %. Cela reflètera probablement leur profil de croissance des bénéfices.

MR : Il s’agit tout de même d’une bonne hausse. Une augmentation de 5 % des dividendes d’une année sur l’autre fait une grosse différence à long terme.