Une femme qui tient une petite maison en carton dans ses mains.
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Le gouvernement de Justin Trudeau annonce, par le biais de son énoncé économique présenté mardi, une série de mesures visant à montrer qu’il est au diapason des préoccupations de la population quant au coût de la vie, tout en s’adonnant à une certaine retenue dans les nouvelles dépenses.

L’accent est surtout mis, dans le document d’environ 150 pages, sur de nouvelles propositions pour répondre à la crise du logement.

« On est (concentrés) sur ça et on continue de faire des investissements ciblés qui vont créer plus de logements pour les Canadiens », a déclaré la ministre des Finances, Chrystia Freeland, devant les journalistes.

Celle qui est aussi vice-première ministre a également insisté sur des initiatives visant à renforcer la concurrence et, espère-t-elle, stabiliser les prix des aliments.

Parmi les mesures annoncées au chapitre du logement, le fédéral s’engage à injecter 15 milliards de dollars supplémentaires à son Programme des prêts pour la construction d’appartements. Le ministère des Finances prévoit un « financement de prêts total s’élevant à plus de 40 G$ ».

Selon les estimations fédérales, en prenant en compte cette bonification, ce programme aura permis, d’ici à 2031-2032, le financement de 101 000 nouveaux logements.

Le gouvernement Trudeau a aussi promis mardi d’élargir l’étendue d’une de ses promesses phares de la session parlementaire. Cet automne, Ottawa a mis de l’avant dans son projet de loi C-56 une élimination de la TPS sur la construction de nouveaux logements locatifs. La mesure ne concernait pas les coopératives d’habitation, comme initialement annoncé, ce qui déplaisait au Nouveau Parti démocratique.

Dans leur énoncé économique, les libéraux promettent de faire des modifications afin de finalement inclure les coopératives d’habitation, changement qui plaira vraisemblablement aux néo-démocrates.

Sévir contre des entreprises comme AirBnb

Parmi les autres mesures figurant dans l’énoncé économique d’automne, on promet la création d’une charte hypothécaire canadienne. Cette initiative, qui a fait l’objet de fuites dans divers médias au cours de derniers jours, vise à obtenir, pour les titulaires d’hypothèques, des « mesures d’allégement hypothécaire justes, raisonnables et opportunes de la part de leur institution financière sous réglementation fédérale ».

Chrystia Freeland a aussi relevé que des mesures mises de l’avant ont pour but de « sévir » contre des plateformes de location à court terme comme AirBnb. « Ces entreprises empêchent un trop grand nombre de logements d’être disponibles pour nos communautés », a-t-elle lancé en point de presse.

Une source gouvernementale bien au fait des considérations qui ont mené à cet énoncé économique a confirmé à La Presse Canadienne que les préoccupations sur le logement ont dominé l’élaboration du document publié mardi.

Cette source, qui s’exprimait sous le couvert de l’anonymat pour pouvoir parler plus librement, a affirmé que le gouvernement a voulu se concentrer sur du soutien pour les Canadiens qui en ont le plus besoin, mentionnant que les jeunes familles peinent particulièrement à joindre les deux bouts.

Ainsi, Ottawa promet de mettre en place un congé payé pour les femmes qui font une fausse couche, de même qu’un congé parental pour les parents adoptifs. Parmi d’autres mesures ciblées, on retrouve le retrait de la TPS sur les soins de psychothérapie.

Mais les nouvelles dépenses restent limitées par rapport à ce qui a pu être constaté dans d’autres énoncés économiques déposés par les libéraux au fil du temps. Le nouveau document du ministère des Finances prévoit 2,1 G$ par année, en moyenne, sur cinq ans.

« Nous veillons à ce que les finances du Canada restent viables parce que, de cette façon, nous pourrons continuer d’investir dans les Canadiens et les Canadiens (pour) les années à venir », a soutenu Chrystia Freeland.

Les « mains liées »

Ottawa semble ainsi vouloir envoyer le message qu’il fait preuve de parcimonie en déliant, quelque peu, les cordons de sa bourse.

« Si on regarde en termes d’équilibre budgétaire ou d’augmentation des dépenses, il n’y a pas beaucoup de choses. Le déficit va rester à peu près le même que ce qu’on avait projeté lors du dernier budget, malgré des dépenses supplémentaires », a analysé en entrevue la politologue Geneviève Tellier, de l’Université d’Ottawa.

Aux yeux de Robert Asselin, du Conseil canadien des affaires, le gouvernement Trudeau est « contraint » à limiter ses nouvelles dépenses. Il a attribué notamment cette posture à l’importante cagnotte qui sert au service de la dette fédérale.

« Quand on (y) dépense disons 10 % de ses revenus (?), ce sont 10 % qu’on n’a pas pour mettre ailleurs », a-t-il expliqué. Selon cet ancien conseiller de divers premiers ministres libéraux, l’actuel gouvernement « a les mains de plus en plus liées, malheureusement ».

« Il est (aussi) contraint (?) par un ralentissement économique (et) par une inflation qui ne diminue pas aussi rapidement qu’on devrait. Ça fait en sorte que les facteurs externes décident un peu du cadre financier, en ce moment, à l’insu du gouvernement », croit l’expert.

Questionnée sur les dépenses liées à la dette, Chrystia Freeland a vanté la cote triple AAA du Canada qui a été préservée. « La chose qui permet au gouvernement de faire (ces) investissements essentiels dans les Canadiens et les Canadiennes, c’est de faire ces investissements de manière responsable », a-t-elle poursuivi.

Plus de compressions

Les libéraux ont signalé mardi que les ministères devront se serrer la ceinture encore plus que ce qu’ils doivent déjà faire en fonction d’engagements gouvernementaux qui se retrouvaient dans le dernier budget.

En effet, le document budgétaire prévoyait « un plan visant à cerner des économies de 15,4 G$ », a-t-on rappelé mardi. L’énoncé prévient qu’on cherche désormais que « les ministères et les organismes réalisent des économies supplémentaires de 345,6 millions de dollars en 2025-2026, et de 691 millions de dollars par année par la suite ».

La source gouvernementale qui s’est entretenue avec La Presse Canadienne a aussi souligné que le gouvernement Trudeau a voulu demander au secteur privé, tant au niveau des banques que des fonds de pension, d’en faire plus.

Dans cette veine, Ottawa a annoncé qu’il entend « élargir la portée de la divulgation obligatoire des informations financières liées au climat » à laquelle les entreprises privées doivent se plier.

Le fédéral veut aussi que les sociétés d’État « optimisent leurs ressources existantes et appuient au mieux les entreprises et le secteur agricole du Canada ». Pour ce faire, on entend réexaminer leur rôle et « prendr(e) des mesures pour renforcer leur propension à prendre des risques, le cas échéant ».

« On leur demande elles aussi de contribuer à la rigueur budgétaire. En général, quand on dit rigueur budgétaire et sociétés d’État, on dit privatisation. Est-ce qu’on pourrait voir une privatisation de VIA Rail, de Postes Canada? », s’est interrogée tout haut Mme Tellier.

Ottawa prévoit dévoiler les prochaines étapes, au chapitre des sociétés d’État, dans le budget qu’il présentera au printemps prochain.