Une carte du monde avec écrit coronavirus aux alentours de la Chine.
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Même si on voit certaines similitudes avec les crises du passé, la crise actuelle est, dans l’ensemble, sans précédent. Il est donc difficile de faire des scénarios précis quant à ce que va être son futur.

Dans un webinaire présenté par CFA Montréal et animé par Milville Tremblay, Martin Coiteux, chef, Analyse économique et Stratégie globale à la Caisse de dépôt et placement du Québec, est revenu sur les aspects qui rendent cette crise si particulière et a présenté le scénario qui, selon lui, était le plus probable.

« Dans cette crise on perd nos repères », a commencé Martin Coiteux soulignant le caractère particulier de la crise. C’est la première fois que l’on met une économie nationale en confinement pour éviter de connaître des milliers de morts. Toutefois, agir de cette façon a des conséquences très néfastes sur la production et l’achat de biens et services.

Selon l’Étude nationale des statistiques en France, deux semaines de confinement coûtent 1,5 point de pourcentage de PIB annuel. Ainsi, deux mois de confinement signifieraient 6 points de contraction économique a calculé Martin Coiteux. Il prédit que l’économie ne va pas revenir rapidement à sa situation pré-pandémique.

« Dans mon scénario de base, on ne retourne que très tard à la situation avant virus », a poursuivi Martin Coiteux qui estime un retour à la normale à la fin 2021, voire début 2022. Selon lui, ce scénario de reprise en U a plus de 80 % de probabilité de réalisation. Il n’aura lieu toutefois qu’à condition qu’il n’y ait pas de deuxième vague de pandémie avec un nouveau confinement. Il espère donc que le déconfinement sera prudent et prédit que certaines mesures de distanciation sociale vont perdurer pour éviter une autre vague de cas.

L’expert rappelle également que le Canada est doublement frappé, car en plus de la pandémie, il est confronté à la baisse des prix du pétrole. « Le pétrole est un élément important dans notre économie », a-t-il rappelé. Il s’attend donc à ce que l’ampleur de la contraction soit plus grande au Canada qu’aux États-Unis. Il imagine également que les prix du pétrole vont prendre un moment à revenir à ce qu’ils étaient avant la crise.

À quoi doivent s’attendre les entreprises?

La situation des entreprises dépend essentiellement de deux mesures selon Martin Coiteux :

  1. la période de confinement : plus celle-ci va être longue, plus la crise de liquidité va être aigüe et impossible à surmonter pour certaines entreprises
  2. les politiques gouvernementales :  les gouvernements tentent de soutenir de leur mieux les sociétés pour leur permettre de reprendre leurs activités après la crise

Toutefois, cette crise n’aura pas que des désavantages. Elle va montrer aux sociétés l’intérêt d’investir dans le numérique et les services de livraison, selon l’expert. Il est aussi probable que les entreprises repensent leur chaîne d’approvisionnement afin que celles-ci soient moins concentrées à un seul endroit lointain, comme la Chine. Selon lui, les échanges entre provinces vont jouer un rôle plus grand dans le futur.

Martin Coiteux estime que, contrairement à 2008-2009, les gouvernements ont réagi de façon appropriée et rapidement ce qui devrait aider les entreprises et les individus à se remettre plus rapidement de la crise. « La réaction a été immédiate et massive. C’était la chose à faire », soutient-il.

Une situation pré-crise chaotique

Côté relations internationales, la situation avant la crise était quelque peu complexe notamment avec la guerre commerciale opposant la Chine et les États-Unis. Et même si les deux pays semblaient s’être mis d’accord à la fin 2019, début 2020, la relation était encore tendue. Il y avait encore des tarifs exorbitants entre les deux entités et restait la question de la rivalité technologique.

La relation entre l’Europe et les États-Unis s’étaient également détériorée avec des menaces de tarifs ce qui donnait peu de place à une éventuelle collaboration. Mais les banques centrales des pays ont réagi rapidement et de façon quasi simultanée malgré tout. La Réserve fédérale a également joué son rôle pour éviter que la crise se transforme en crise financière.

Côté endettement, la situation n’était pas brillante non plus. Les pays étaient déjà endettés avant la pandémie, et ils en sortiront encore plus endettés, « mais on n’avait pas le choix », souligne Martin Coiteux. « Sans le soutien aux travailleurs et entreprises, il n’y aurait pas de sortie de crise. Il y aurait eu une dépression. »

Pour cette raison, l’expert pense que les taux directeurs vont rester bas très longtemps. Les taux longs devraient également rester bas en raison de l’endettement gouvernemental et du secteur privé, selon lui. La courbe devrait donc être plus plate qu’elle ne l’était avant la pandémie et sûrement plus longtemps.

Toutefois, Martin Coiteux ne craint pas une inflation. Même si une partie de la production est ramenée plus près du marché national générant ainsi des coûts plus élevés, il assume que la Banque centrale acceptera de dépasser légèrement sa cible de 2 % plutôt que de plonger le pays dans une crise pour revenir à des taux plus bas. « Les banques centrales vont faire le choix d’être plus tolérantes et accepter une inflation plus élevée », affirme-t-il.

Attention à vos investissements

Côté des marchés, malgré la remontée rapide observée récemment, toutes les conséquences sur les bénéfices des entreprises ne sont pas encore claires. Martin Coiteux invite donc à la prudence.

« Ce n’est pas le moment de trop s’orienter vers le risque parce que les valorisations sont plus faibles », déclare-t-il. Il estime toutefois qu’il faut se préparer à prendre un risque de façon sélective sur certains marchés.

Mais il invite toutefois à ne pas trop se fier au passé, car il pense que la crise va accélérer certains comportements. « Certains actifs vont sortir gagnants de cette nouvelle normalité et ils ne seront pas forcément les mêmes qu’avant », prévient-il. Il suggère également de détecter les actifs qui ont été trop pénalisés et pourraient donc offrir de belles opportunités.

« Il ne faut pas être trop macro, il faut être prudent et très sélectif », conclut-il.