Un homme d'affaires arrêtant des dominos d'une main pour ne pas qu'ils fassent tomber les autres.
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L’inflation au Canada demeure bien au-dessus de l’objectif de la Banque du Canada (BdC), observe Derek Holt, vice-président et chef économiste des marchés de capitaux chez Banque Scotia. Cela exigerait une nouvelle hausse du taux directeur le 25 janvier prochain – mais l’économiste craint que la BdC choisisse plutôt de peser sur « pause ».

En décembre 2022, l’indice des prix à la consommation était de 6,3%, une baisse rassurante de 0,5% comparé à la lecture de novembre. Malheureusement, cela demeure nettement supérieur à la cible de 1% à 3% que la BdC dit viser, une cible qui perd de plus en plus en crédibilité, juge Derek Holt.

La baisse mensuelle de 15% des prix du pétrole a certainement freiné l’inflation, par contre ils continuent de mener la charge avec une flambée annuelle de 50%. Par ailleurs, d’autres facteurs pourraient contribuer à rendre l’inflation plus persistante, souligne Derek Holt. En premier lieu, la hausse des loyers et la hausse des coûts hypothécaires l’inquiètent, de même que l’empreinte très large de l’inflation : 84% des composantes du panier de consommation montrent une montée de prix supérieure à 3%.

L’économiste encourage autant les acteurs financiers que la BdC à miser sur une hausse du taux directeur de 25 points de base. Il y a plus à craindre d’une banque centrale qui déclarerait une pause plutôt qu’une hausse. « Selon moi, avance-t-il, les arguments en faveur d’une hausse de 25 points de base l’emportent sur ceux en faveur d’une pause. Je suis plus préoccupé par le risque d’une pause que par la récompense d’ajouter quelques points de plus à ce qui est une hausse de taux presque entièrement intégrée dans les prix. »

Qu’est-ce qui est en jeu?

En effet, les prix dans le marché anticipent déjà une hausse du taux directeur, ce qui veut dire qu’elle aura un impact minime. Par contre, Derek Holt craint les conséquences à plus long terme d’une pause prématurée qui serait interprétée par les marchés comme le point tournant de la banque centrale, entraînent un revirement des attentes de taux et de rendements. L’inflation risquerait de repartir à la hausse dès 2024 avec une période de taux hypothécaires élevés plus prolongée encore.

Tout d’abord, absolument personne, mais personne, ne croit que la BdC va atteindre sa cible d’inflation de 2%. « Les derniers résultats indiquent que 84 % des entreprises pensent que l’inflation dépassera en moyenne 3 % au cours des deux prochaines années, contre 77 % au trimestre précédent. Non seulement les consommateurs ne croient pas que la BdC atteindra sa cible d’inflation de 2 % dans un délai raisonnable, mais ils ne croient pas non plus que l’inflation se situera dans la fourchette cible de 1 à 3 % pendant de nombreuses années. »

De plus, le marché de l’emploi défie toute gravité avec une croissance de l’emploi qui accélère, tandis que la réouverture de la Chine et la crise énergétique atténuée en Europe pourraient susciter une hausse de l’inflation au Canada avec des conditions améliorées de commerce.

Ainsi, de nombreux facteurs pointent vers une inflation qui ne fléchira pas beaucoup et qui, au contraire, pourrait se renforcer tandis que la BdC freine de façon prématurée sa hausse des taux directeurs.

C’est la Banque du Canada, après tout

Cela dit, Derek Holt craint que la BdC choisisse de faire une pause. « C’est la BdC et, franchement, elle me rend toujours nerveux », admet l’économiste, qui s’en prend aux coups de tête et soubresauts jugés erratiques de l’institution. Par exemple, après avoir refusé de reconnaître qu’elle avait complètement manqué le train de l’inflation, elle a donné un coup de trique totalement inattendu de 100 points de base en juillet dernier puis, contre tout attente encore, procédé à une hausse mineure en octobre.

Derek Holt craint aussi que la BdC soit tentée – tentation à laquelle elle a déjà cédé par le passé – de choisir des données dans l’ICP, le PIB et l’évolution du huard susceptibles de projeter une trajectoire adoucie de l’inflation. En appeler à la forte croissance de l’immigration, par exemple, un facteur désinflationniste, pourrait être un argument que la Banque avancerait.

Les pressions économiques et inflationnistes militent nettement en faveur d’une hausse du taux directeur. Mais qu’en est-il des pressions politiques?