Le gouverneur de la banque centrale, Stephen Poloz, a affirmé que la juxtaposition de la forte incertitude entourant les politiques américaines et de la lenteur relative de l’économie canadienne laissait la porte ouverte à une éventuelle baisse du taux d’intérêt directeur de la banque.

Les déclarations de M. Poloz ont eu lieu peu de temps après que la Banque du Canada eut annoncé qu’elle maintenait son taux d’intérêt directeur à 0,5 %, comme prévu.

Lire aussi – L’effet Trump, selon François Bourdon

La banque a aussi livré mercredi son plus récent Rapport sur la politique monétaire, offrant ses premières prévisions et sa première évaluation des conditions économiques depuis l’élection de M. Trump, en novembre. Celui-ci sera assermenté vendredi.

La publication du document trimestriel survient alors que des experts s’inquiètent des conséquences potentielles, pour le Canada, des politiques promises par M. Trump. Plusieurs leaders à travers le monde se préparent à évaluer la forme que pourraient prendre les changements annoncés par le nouveau président, et tentent de déterminer quand, et si, ceux-ci verront le jour.

La banque centrale a offert des perspectives teintées d’optimisme en confirmant, essentiellement, les prévisions de croissance qu’elle avait faites en octobre, avant l’élection américaine.

La Banque du Canada mise ainsi sur une croissance de 2,1 % du produit intérieur brut (PIB) pour l’année qui vient de commencer, une prévision en légère hausse par rapport à celle de 2,0 % d’octobre. Pour 2018, la croissance devrait se maintenir à 2,1 %, a poursuivi la banque.

Mais les perspectives de la banque ne tenaient compte que des conséquences possibles de la reprise financière attendue aux États-Unis, a-t-elle précisé, sans incorporer toute la gamme des changements de politiques évoqués par M. Trump. L’expansion financière anticipée aux États-Unis, le plus grand partenaire commercial du Canada, devrait stimuler l’économie avec une augmentation de la demande étrangère.

La banque centrale a aussi tenu compte de la promesse de M. Trump visant à réduire les impôts des entreprises, ce qui, juge-t-elle, ne menace pas la compétitivité du Canada.

« D’éventuelles mesures commerciales protectionnistes au sud de la frontière auraient certes des conséquences appréciables pour les investissements et les exportations du Canada, mais elles n’ont pas été incluses dans le scénario de référence », a indiqué la banque centrale, ajoutant que cette perspective devrait être considérée comme un « point de départ raisonnable » qui sera mis à jour lorsque le plan de M. Trump prendra forme.

« Toutefois, les perspectives sont entachées d’une incertitude considérable, compte tenu des inconnues entourant les mesures qu’adoptera la nouvelle administration américaine, particulièrement en matière de commerce. »

M. Trump, qui s’est engagé à se défaire de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA), a souvent évoqué ces dernières semaines la mise en place d’une taxe frontalière à l’importation.

En raison de plusieurs éléments d’incertitude, M. Poloz a indiqué lors de sa conférence de presse qu’une « baisse des taux restait possible ». Sa déclaration a immédiatement fait chuter le dollar canadien. Le huard a clôturé la séance de mercredi à 75,42 cents US, en baisse de 1,16 cent US.

M. Poloz a précisé que la banque n’avait pas encore fait d’évaluation interne sur les propositions commerciales évoquées aux États-Unis, en raison d’un manque d’informations et de la nature complexe de ce genre d’analyse.

« Mais inutile de dire que nous avons le contrôle sur cette situation, en ce sens que nous avons nos outils », a-t-il indiqué. « Aussitôt que nous aurons une meilleure compréhension de ce qui pourrait survenir, nous allons envisager d’utiliser nos modèles pour voir ce que ces chocs pourraient signifier. »

D’ici à ce que plus de détails soient disponibles, la Banque du Canada dit s’attendre à ce que l’activité économique canadienne soit propulsée par l’amélioration des économies américaine et mondiale, ainsi que par les mesures de relance d’Ottawa. Ces dernières comprennent notamment l’investissement de milliards de dollars dans des projets d’infrastructures et le versement d’une allocation pour enfants.

Selon le rapport de la banque centrale, la consommation des ménages devrait être le principal moteur de croissance pour 2017, mais celle-ci sera aidée par les dépenses du gouvernement et l’expansion « modérée » des exportations totales dans les prochaines années. Le rapport a aussi souligné l’importance de la croissance soutenue des secteurs des services.