Il y a trois ans, lorsque le « super cycle » était à son sommet, Dina DeGeer et son collègue David Arpin, à cette époque chez Bluewater Investment Management, avaient décidé de repositionner le Fonds canadien de croissance Mackenzie. Bien qu’ils prônent un style de croissance ascendant, les gestionnaires avaient identifié des tendances macroéconomiques qui suggéraient de meilleures occasions de placement aux États-Unis et parmi les compagnies canadiennes axées sur les ventes mondiales.

« Plusieurs choses me posaient problème, et la Chine était du nombre », se rappelle Dina DeGeer, vice-présidente principale chez Placements Mackenzie, société à laquelle elle s’est jointe en janvier en compagnie de David Arpin, vice-président. « Nous avons beaucoup discuté de ce qui se passait là-bas, et des implications mondiales. »

Économiste de formation, il a observé qu’après la crise financière de 2008-2009, la Chine avait accéléré son processus de développement des infrastructures, ce qui avait conduit à une prolifération massive de constructions. Puisque les autorités chinoises avaient l’intention de transformer la Chine en une économie de consommation, la construction devait ralentir à un moment donné. Effectivement, ce processus a débuté en 2011-2012 et David Arpin a estimé que l’investissement dans les compagnies de ressources canadiennes en serait inévitablement affecté.

« Nous avons connu un cycle des marchandises colossal pendant 15 ans dont nous traversons à présent le dénouement », dit Dina DeGeer, qui détient un MBA de l’Université de Windsor et qui travaille dans ce secteur depuis 1985. « Nous avons connu ça dans les marchés des marchandises, avec le décrochement des marchandises liées aux infrastructures. Toutes les sociétés touchant à ce secteur ont des problèmes. »

Elle maintient qu’il est parfois crucial de se concentrer sur les changements à long terme. « Il y a eu de longues périodes où l’on n’avait pas à s’inquiéter des tendances macroéconomiques, comme les années 80 et 90. Par contre, la dernière décennie a été plus importante, dit Dina DeGeer. Chaque compagnie en portefeuille est examinée dans une perspective ascendante. Pourtant, on pense toujours à ce qui nous attend et à le remettre dans son contexte. »

S’attendant à ce que la croissance canadienne ralentisse et que les États-Unis offrent de meilleures occasions de placement, elle et son équipe ont graduellement augmenté le contenu étranger, le faisant passer de 25 % à 43 % du fonds. De plus, l’équipe a aussi déterminé qu’une meilleure performance proviendrait d’un petit groupe de compagnies canadiennes qui sont plus tournées vers le monde. « Elles profitent de la hausse de la consommation en dehors du Canada et de la faiblesse de la devise », ajoute-t-elle, faisant remarquer que la décision de ne pas couvrir la participation à la devise étrangère donnait un coup de pouce à la performance de ce fonds coté quatre étoiles.

Gestionnaire d’un portefeuille concentré d’environ 30 sociétés, Dina DeGeer souligne les caractéristiques de croissance solide des chefs de file de la technologie de l’information aux États-Unis comme Jack Henry & Associates. La compagnie, qui a une capitalisation boursière de 6 milliards $US, fournit des services d’administration et de paiements et a profité de la demande de services externes.

« Les États-Unis sont assez différents du Canada, car ils ont des milliers de petites banques et compagnies de fiducie, dit Dina DeGeer. Il y a vingt ans, ils auraient parfaitement pu bâtir leurs propres systèmes. Mais la réglementation est devenue plus stricte et la poussée des services bancaires en ligne et mobiles signifie qu’il faut construire des applications bancaires sécuritaires. Ce n’est plus possible pour les petites banques. »

Jack Henry est l’une des deux compagnies dans cette niche, dit Dina DeGeer, et elle a toujours augmenté ses profits, même pendant la crise financière de 2008-2009. « Son taux de rétention de la clientèle avoisine les 100 %. Il s’agit d’une entreprise très stable s’occupant de rentes qui croît à mesure que le système bancaire devient plus complexe », dit Mme DeGeer. L’équipe de Mackenzie effectue une analyse actualisée des flux de trésorerie pour évaluer l’entreprise et a tendance à investir dans des titres qui se négocient à un rabais d’au moins 10 % par rapport à leur valeur intrinsèque.

Mais la gestion de l’entreprise est un élément clé, ajoute-t-elle faisant remarquer qu’une mauvaise décision des dirigeants pourrait justifier que l’on se débarrasse du titre. « Il faut qu’on ait une bonne impression des gens qui dirigent l’entreprise. C’est comme ça qu’on crée de la valeur à long terme pour les actionnaires. »

Au Canada, Dina DeGeer privilégie la dynamique de croissance de CCL Industries, un grand fabricant de produits d’étiquetage et d’emballage. « Cinquante pour cent de ses activités se situent aux États-Unis, 28 % en Europe, 7 % au Canada et le reste ailleurs. La société a été performante à l’échelle mondiale et elle est rentable depuis des lustres. »

CCL est très diversifiée. Elle approvisionne l’industrie pharmaceutique, qui est très réglementée et génère des primes à la marge. Elle fournit aussi des étiquettes aux fabricants de bouteilles d’eau et d’alcool. Historiquement, dit Dina DeGeer, les marges de bénéfices nettes de CCL se situent entre 8 et 9 %, et elle ajoute que la compagnie affiche un taux de croissance organique de 1 à 3 %. CCL devrait générer des flux de trésorerie disponibles de 4,5 % au cours des 12 prochains mois.

« Cette équipe est dirigée par le meilleur chef de la direction, Geoff Martin, que j’ai rencontré au Canada au cours des 30 dernières années, ajoute-t-elle. C’est le meilleur en matière de répartition du capital. Il nous a récompensés en augmentant les dividendes et en faisant des acquisitions stratégiques. Il a continué à accroître la valeur de l’entreprise au fil des années. »

Dina DeGeer dit que l’équipe recherche des compagnies qui peuvent croître dans une conjoncture économique difficile. « Si je devais trouver 100 compagnies canadiennes qui en sont capables, je ne pourrais pas faire mon travail », dit Mme DeGeer, qui fait remarquer que M. Arpin se concentre sur le marché américain. « Mais j’ai arrêté une liste de 17 compagnies qui peuvent produire de la croissance en cette conjoncture anémique. »