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Et si cette rupture ne devait qu’être temporaire, il pourrait avoir avantage à la faire durer au moins 90 jours consécutifs.

Voilà ce qu’on apprend d’un document produit par le fiscaliste Luc Lacombe, associé chez Raymond Chabot Grant Thornton, dans le cadre du dernier congrès de l’Association de planification fiscale et financière (APFF). Cette situation s’explique par les différentes règles entourant les programmes sociofiscaux des gouvernements du Québec et du Canada.

En général, d’un point de vue fiscal, si un client est marié, il changera d’état civil 30 jours après le dépôt de son entente de divorce. Dans le cas d’un conjoint de fait, le changement d’état civil se fait plutôt le jour de la séparation, s’il n’y a pas reprise de la vie commune dans les 90 jours. Il faut que la rupture soit causée par un échec marital et non une séparation due au travail des conjoints dans des régions différentes.

Dans le cas d’un client qui verrait sa facture fiscale réduite en devenant un « célibataire fiscal », il pourrait donc être avantageux de prolonger sa séparation durant plus de 90 jours.

Mais dans quels cas vaut-il mieux être célibataire aux yeux du fisc? La réponse dépend du revenu des conjoints et de la présence ou non d’enfant dans le ménage. « Nous pouvons presque affirmer qu’être considéré comme « monoparental » comporte plus d’avantages, à tout le moins, du point de vue fiscal. La réponse serait tout autre s’il n’y avait pas d’enfants », écrit Luc Lacombe, dans le document.

En effet, le fiscaliste dénombre 16 mesures fiscales fédérales et québécoises pour lesquelles il est généralement plus avantageux de vivre seul et sept pour lesquelles le fait de vivre en couple peut être plus profitable. Plusieurs mesures sont plus généreuses envers le chef d’une famille monoparentale, surtout lorsque son revenu est inférieur à 40 000 $. C’est pourquoi, dans certains cas, rompre permet d’obtenir un revenu disponible net d’impôt plus élevé.

Dans d’autres situations ou lorsque le couple n’a pas d’enfants, avant de conclure qu’il est préférable de vivre seul, le client devrait consulter un expert en fiscalité, selon Luc Lacombe.

Par exemple, en se séparant d’un conjoint peu fortuné, un client pourrait perdre l’avantage lié au crédit d’impôt fédéral pour époux ou conjoint de fait. « Dans le cas d’un couple sans enfant dont le conjoint n’a pas de revenu ou des revenus très minimes, le montant pour époux ou conjoint de fait est très avantageux fiscalement », écrit Luc Lacombe dans le document.

Par contre, en général, « le fait de vivre seul permet d’avoir des avantages supplémentaires surtout dans la situation où on doit tenir compte du revenu familial » dans le calcul des mesures sociofiscales, écrit Luc Lacombe dans le document. Le crédit d’impôt pour solidarité en est un bon exemple. Après une rupture, le client a avantage, selon son revenu, à en aviser promptement Revenu du Québec afin de toucher un montant souvent supérieur.

Natalie Hotte, fiscaliste chez Banque Nationale Gestion privée 1859, ajoute qu’en cas de séparation, il faut vérifier le texte légal entourant chaque mesure fiscale. Selon la situation et la présence ou non d’enfants, l’application des règles peut différer.

Le 31 décembre, un « bon timing»

En outre, pour les clients qui songent à rompre ou dont l’entente de divorce est imminente, officialiser fiscalement sa rupture avant le 31 décembre peut être un « bon timing », soutient Luc Lacombe. Célébrer le Nouvel An comme célibataire fiscal permet d’éviter de « contaminer » toute une autre année au cours de laquelle il aurait été plus avantageux de vivre seul.

« Pour beaucoup de crédit d’impôt, si tu as un conjoint ou non au premier janvier, tu dois prendre ses revenus en considération. C’est le cas du crédit pour frais médicaux au Québec, le crédit pour frais de garde d’enfants, la prestation universelle de garde d’enfant (PUGE) et de la prestation fiscale pour le revenu de travail. Si tu te sépares avant le 31 décembre, pour la nouvelle année, tu n’as pas besoin de prendre en considération le revenu du conjoint et tu pourras optimiser tes crédits fiscaux », précise quant à lui Francys Brown, fiscaliste chez Corporation fiscalité financière FBSA.

Être considéré célibataire sur le plan fiscal importe aussi dans le choix de la résidence principale, laquelle est exemptée de l’impôt sur le gain en capital à la vente. Un seul choix de résidence principale peut être effectué par couple. Et dans l’année de séparation, un seul choix peut être effectué par l’une ou l’autre des parties à titre de résidence principale.

« Il faut que les conjoints aient été séparés tout au long de l’année pour que les deux conjoints ne soient plus considérés dans la même famille et puissent effectuer le choix de résidence principale sur deux maisons différentes », soutient Natalie Hotte. Elle ajoute qu’une séparation judiciaire ou un accord écrit de séparation doit officialiser la rupture.

Il reste que, pour les conjoints de fait, il importe que la rupture au 31 décembre soit aussi suivie d’une période de séparation d’au moins 90 jours pour être considérée par le fisc comme n’ayant plus de conjoint. « Quelqu’un qui fait cessation de vie commune le 30 décembre et reprend le 31 janvier demeure quand même conjoint au 31 décembre », rappelle Luc Lacombe.

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