«Je suis avant tout une fille de finance», dit-elle. Une femme de finance, certes, qui est de plus extrêmement loyale envers la coopérative pour laquelle elle travaille. «Je suis une fidèle de Desjardins», laisse-t-elle tomber. Et son pedigree le prouve. Tout son parcours professionnel s’est déroulé chez Desjardins. Le logo de Desjardins – l’abeille stylisée dans une alvéole – elle l’a tatoué sur le coeur. Déjà, étudiante au baccalauréat en administration des affaires à HEC Montréal, elle était caissière dans une succursale de Lachine, le quartier où elle a grandi.

C’est là que tout a commencé. «J’y travaillais durant les étés, et lorsque j’ai eu mon diplôme [en 1995], on m’a tout de suite offert un poste de conseillère en finances personnelles», raconte celle qui a décroché sa certification de planificatrice financière en 1999.

Pendant 20 ans, elle a collectionné les postes et les défis. «Je fais partie, en quelque sorte, de la première vague de planificateurs financiers», dit-elle.

Ses expériences, elle les a cumulées aussi bien à la caisse des pompiers qu’à la Caisse populaire Canadienne Italienne, lorsque Desjardins a mis la main sur les huit caisses de la Fiducie canadienne italienne en 1998.

Dans l’équipe d’experts

Cependant, c’est en 2012 qu’Angela Iermieri fait le saut, délaissant sa clientèle pour intégrer l’équipe d’experts de l’institution. Cette cellule, formée d’économistes, de planificateurs financiers et de gestionnaires de portefeuille, chapeaute le contenu financier destiné aux membres et aux employés de la coopérative.

Hélène Gagné est directrice principale, Commercialisation en gestion de patrimoine, chez Desjardins : «On a trouvé important d’avoir des gens [comme Angela Iermieri] qui se consacrent à la vulgarisation et à l’éducation d’enjeux complexes». D’autant plus que ces enjeux gagnent en importance au Québec, qui tire de la patte en littératie financière par rapport aux autres provinces.

Une étude de Desjardins en 2013 révélait que 31 % des répondants – majoritairement des Québécois – ne connaissaient pas bien ou pas du tout les outils et les produits d’épargne que leur offre leur institution financière

L’Autorité des marchés financiers (AMF) a publié une étude aux conclusions similaires l’an dernier : «Au Québec, on trouve certaines lacunes plus importantes chez les francophones, mais certaines de ces lacunes semblent expliquées par un retard en termes d’éducation et de revenu».

L’équipe d’experts de Desjardins – une institution qui affiche un actif de près de 230 G$ – s’est donné la mission de renverser la vapeur. Et Angela Iermieri fait partie de l’unité d’élite. L’importance de son rôle a crû en même temps que la division, qui a pris du galon notamment grâce aux médias sociaux, qui permettent non seulement de diffuser l’information, mais d’interagir avec la clientèle.

L’expérience sur le terrain d’Angela Iermieri s’est vite révélée un atout majeur, dit Hélène Gagné : «Elle a de solides compétences, mais aussi une connaissance théorique et pratique de la planification financière».

Dans un contexte de vieillissement de la population, l’aisance avec laquelle elle vulgarise les enjeux complexes liés à la gestion de patrimoine a fait d’elle le chouchou des médias généralistes et financiers.

Angela Iermieri compare son travail actuel à celui qu’elle a toujours fait dans les succursales des caisses où elle a fait ses premières armes. «Je m’adresse seulement à un plus vaste public. L’objectif reste le même : rendre des sujets complexes accessibles et compréhensibles.»

Cette approche rapporte. En trois ans, Angela Iermieri a réussi à créer des liens avec la clientèle de Desjardins. «On se rend compte de plus en plus [de la connexion qu’elle a avec les clients] vu les commentaires et les questions qui lui sont envoyés», indique Hélène Gagné.

Cette reconnaissance s’explique en partie par une force qui ne se développe pas sur les bancs d’école : le charisme. «Angela est calme, crédible et elle passe bien [à l’écran]. Elle a de la classe et rend les enjeux accessibles», indique Hélène Gagné.

Desjardins aux couleurs de l’international

Toutefois, ce n’est pas l’unique force d’Angela Iermieri. La porte-parole s’est aussi imposée comme une figure de la diversité culturelle, un objectif vers lequel l’institution tend depuis le tournant du siècle. Fille d’immigrants italiens qui ont quitté leur Campanie natale il y a 50 ans, Angela Iermieri reflète la réalité multiculturelle québécoise actuelle.

Enfant de la loi 101, Angela Iermieri a maîtrisé très tôt trois langues. Elle jongle aisément aussi bien avec la langue de Molière qu’avec celle de Shakespeare et celle de Dante. «Ma langue maternelle c’est l’italien ; j’allais à l’école en français ; et je pouvais parler anglais à l’extérieur [de l’école]», raconte-t-elle.

Cet avantage linguistique est lié à son parcours professionnel. Elle note un autre atout de sa réalité de fille d’immigrants. «L’épargne a toujours été importante dans les valeurs de notre famille. Ça a fait partie de ma vie», souligne cette mère de deux garçons.

Angela Iermieri amène une couleur méditerranéenne à l’organisation. «Des banques comme la TD, BMO ou Scotia ont une réalité interne plus orientée vers la diversité depuis plus longtemps. Desjardins a amorcé ce virage plus tard», explique Stéphanie Kennan, présidente de Bang Marketing.

Dans le contexte actuel, «ce n’est pas vu comme un problème [de ne pas être un Canadien français], mais bien comme un avantage», estime Stéphanie Kennan : «Évidemment, peut-être que tout cela n’est aucunement pensé de façon stratégique». Ce que confirme Hélène Gagné, qui rappelle que le principal critère des porte-paroles reste leur compétence et leurs connaissances.

Symbole d’ouverture

Desjardins a longtemps eu une image homogène du Québec, soit une province blanche et francophone. «C’était une image qui était en phase avec l’époque et avec la société d’alors, soit celle du Québec pure laine [canadien-français]. Ça fait peu de temps qu’on se rend compte qu’on vit dans la diversité», remarque Stéphanie Kennan.

L’image de Desjardins prend de plus en plus les teintes de l’immigration. «Il y a des parts de marché chez les immigrants ou dans les communautés culturelles qui sont de plus en plus importantes», rappelle-t-elle. Le Québec accueille entre 50 000 et 55 000 immigrants chaque année. Les immigrants de première génération représentent 12,6 % de la population totale, alors que ce chiffre était de moins de 10 % en 2001.

À elle seule, Angela Iermieri représente deux changements de l’institution québécoise, indique Stéphanie Kennan. Tout d’abord, «elle casse l’image des « madames de caisses » et du Desjardins des villages et des paroisses» au profit d’une image plus institutionnelle et expérimentée, nécessaire aux ambitions internationales de Desjardins. Ensuite, elle symbolise l’ouverture culturelle de l’institution.

On s’en doute, Angela Iermieri ne borne pas son rôle à ses caractéristiques personnelles. Les enjeux financiers gagnent en importance dans une société vieillissante où l’espérance de vie ne cesse de croître, indique-t-elle.

«À cause du désengagement graduel de l’État et des employeurs, les gens doivent être de plus en plus engagés dans la gestion de leurs finances personnelles», dit-elle. Et très souvent, la clé de leur réussite dépend de leur compréhension des enjeux… et donc de la capacité de vulgarisation de leur conseiller.