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Au lieu de cela, la « première Stratégie canadienne de réduction de la pauvreté », fruit de deux ans de réflexion, énumère essentiellement la liste des programmes fédéraux et des politiques que les libéraux ont adoptés depuis leur arrivée au pouvoir en 2015, et les relie aux efforts existants visant à réduire le taux de pauvreté.

Selon les estimations du gouvernement, les dépenses sociales existantes et à venir d’ici 2019 permettront de sortir de la pauvreté 650 000 Canadiens par rapport aux niveaux de 2015. D’ici 2020, le taux de pauvreté au pays serait ainsi inférieur de 20 % à celui de 2015, soit environ 900 000 personnes de moins sous le seuil de la pauvreté.

Le document de stratégie, intitulé « Une chance pour tous », promet une nouvelle réduction de moitié du taux de 2015 d’ici à 2030, un niveau historique qui équivaudrait à sortir de la pauvreté 2,1 millions de personnes en 12 ans.

En dévoilant cette stratégie mardi, le ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social, Jean-Yves Duclos, a soutenu que l’atteinte de l’objectif de 2030 demeure ambitieuse mais réaliste, pourvu que les prochains gouvernements maintiennent le cap adopté par les libéraux depuis 2015.

Avec les provinces?

« Ce sont là des objectifs que le gouvernement peut atteindre dans les champs de sa compétence, comme les prestations aux aînés et aux familles », a estimé Tim Richter, président de l’Alliance canadienne pour mettre fin à l’itinérance. Les résultats pourraient être encore meilleurs si les provinces voguaient dans la même direction en même temps, a ajouté M. Richter.

Malgré cette stratégie, quelque 2,1 millions de personnes vivraient toujours sous le seuil de la pauvreté en 2030, dont un peu plus de 534 000 enfants de moins de 18 ans. L’organisme de lutte contre la pauvreté Campagne 2000 aurait souhaité des objectifs plus ambitieux. « J’ai bon espoir que nous pourrons tirer parti de cette stratégie pour que la pauvreté disparaisse. C’est un nouveau départ », a admis Anita Khanna, coordinatrice nationale de la coalition. « La vraie clé sera ce nouvel outil (les cibles) permettant de mesurer les succès du gouvernement fédéral. »

La stratégie ne prévoit toutefois pas de nouvelles politiques ou dépenses au-delà des 22 G$ déjà en place, comme l’Allocation canadienne pour enfants, ou en plus des dépenses promises, comme un éventuel supplément au logement ou des prestations pour les travailleurs à faible revenu.

Leilani Farha, directrice générale de Canada sans pauvreté, a déploré l’absence de nouveaux programmes, mais elle admet que la stratégie « fournit un solide point de départ pour (soutenir) le travail » des organismes communautaires.

Jennifer Robson, experte en politiques sociales à l’Université Carleton d’Ottawa, a estimé sur Twitter que l’absence de nouvelles dépenses n’était pas problématique en soi. « Cette stratégie définit un objectif et une orientation. Ce qui importe, maintenant, c’est de voir comment le gouvernement agira avec les très nombreux outils dont il dispose. »

Un nouveau « marqueur »

La stratégie annoncée mardi consacre par ailleurs une mesure officielle du seuil de pauvreté. Le gouvernement retient donc la « mesure fondée sur le panier de consommation », créée pour la première fois par les fonctionnaires fédéraux à la fin des années 1990, et déjà privilégiée par M. Duclos dans ses recherches universitaires avant son entrée en politique. Le gouvernement prévoit de présenter cet automne un projet de loi qui officialisera les objectifs de la stratégie et la mesure du seuil de pauvreté retenue.

En vertu de cette « mesure du panier de consommation », une famille ou une personne est considérée comme vivant dans la pauvreté si elle ne peut se permettre un panier de biens et de services de base. La mesure est adaptée à 50 diverses communautés pour tenir compte des différences de coût de la vie entre les villes et les régions.

Cette mesure ne tient pas compte, toutefois, des données pour les communautés autochtones et de certaines régions nordiques, et le gouvernement a l’intention de trouver une façon de combler ce fossé statistique.

La stratégie prévoit que le gouvernement cherchera à accroître le nombre de Canadiens qui font partie de la classe moyenne, si chère à M. Trudeau, ce qui exigerait notamment une redistribution accrue des revenus des hauts salariés. Cette redistribution constitue un indicateur important de la croissance de la classe moyenne, a expliqué le ministre Duclos mardi.