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C’est ce qu’a soutenu Hugo Lacroix, directeur principal des fonds d’investissement à l’Autorité des marchés financiers (AMF), en marge du 12e Colloque de conformité du Conseil des fonds d’investissement du Québec qui se déroulait à Montréal le 24 avril.

Les FCP d’obligations de sociétés sont plus vulnérables que les autres fonds de titres à revenu fixe aux risques de liquidités, en raison de l’asymétrie de liquidité entre leurs actifs et leurs passifs: les fonds offrent des rachats quotidiens aux clients tout en investissant dans des actifs relativement moins liquides, selon une récente recherche de la Banque du Canada : «Cette inadéquation fait craindre que les [FCP Canadiens d’obligations de sociétés] puissent faire face à des demandes de rachat importantes pendant les périodes de stress.»

Or, de 2007 à 2016, le nombre de FCP canadien d’obligations de sociétés est passé de 53 à 111. La taille moyenne de ces fonds a aussi doublé, passant de 520 M$ à 1600 M$ durant cette période. Rappelons que les FCP Canadiens de titres à revenus fixes ont crû rapidement depuis 10 ans, soit à un rythme annualisé de 15 % par rapport à 2,6 % pour les FCP d’actions, observe la Banque du Canada.

De plus, en moyenne, les FCP canadiens d’obligations de sociétés ont augmenté leur allocation d’obligations de sociétés, d’obligations ayant des cotes de crédit inférieures et d’obligations à plus longue durée, selon la Banque du Canada. En d’autres mots, ces FCP présentent des risques accrus de liquidité, de crédit et de sensibilité aux taux d’intérêt.

Durant la même période, les FCP canadiens d’obligations de sociétés ont réduit leur allocation en liquidités et autres actifs liquides. La proportion de liquidités ou d’équivalents en actifs liquides dans le portefeuille de ce type de fonds, en pourcentage de leur actif net total, a diminué passant de 9,3 % en 2017 à 5,5 % en 2016, en moyenne, soit le pourcentage le plus faible en 10 ans. Ce dernier pourcentage de liquidité demeure assez élevé afin de couvrir les pires mois au chapitre des rachats nets depuis 2007.

«Toutefois, les investisseurs pourraient effectuer des rachats de parts plus élevés que ceux observés historiquement, ce qui pourrait épuiser les actifs liquides des FCP canadiens d’obligations de sociétés», lit-on dans l’étude de la Banque du Canada.

Autoréglementez-vous!

L’équipe d’Hugo Lacroix de l’AMF a aussi observé qu’il y a eu une augmentation de l’écart entre le cours acheteur et le cours vendeur de certains types de titres à revenu fixe. Selon Hugo Lacroix, le marché canadien des titres à revenu fixe ne présente pas des risques de liquidités importants. Toutefois, «certains organismes de placements collectifs à revenu fixe pourraient potentiellement être plus vulnérables aux risques de liquidité en période de stress économique», a-t-il noté.

Hugo Lacroix constate aussi que l’AMF a plusieurs projets de développement réglementaire importants dans ses cartons et qu’«il n’y a pas de situation de crise au Canada avec les secteurs de revenus fixes.»

En conséquence, l’AMF a livré le message suivant à l’industrie, dont l’Institut des fonds d’investissement du Canada, au colloque du CFIQ: «Si ce n’est pas déjà fait, mettez à jour, révisez et modernisez votre encadrement et votre processus de gestion de risque de liquidité chez vous. Identifiez les meilleures pratiques comme cela, quand on va arriver dans deux ou trois ans et qu’on va être en mesure de démarrer un projet de modernisations de l’encadrement réglementaire pour s’arrimer aux mesures proposées par l’Organisation internationale des commissions de valeurs, on va pouvoir s’inspirer de pratiques de l’industrie qui sont moderne et à jour.»

La gestion passive crée-t-elle un risque systémique?

Par ailleurs, dans les derniers mois, l’équipe d’Hugo Lacroix a tenté d’en savoir plus sur la thèse voulant que la gestion indicielle dans son ensemble créer un risque systémique pour l’industrie. Selon celle-ci, si un titre quittait l’indice S&P/TSX ou l’indice S&P/TSX 60 en raison d’une diminution de sa capitalisation boursière ou d’un changement de la méthodologie du fournisseur de l’indice par exemple, cela pourrait entrainer potentiellement une vente massive de ce titre. Une telle vente massive pourrait faire baisser le cours de ce titre et cette baisse pourrait entrainer dans son sillage la diminution des cours des autres titres de son secteur.

«Je n’ai pas mis la main sur une démonstration concrète de [l’impact systémique de la gestion indicielle]. Les évènements de marchés n’ont pas démontré un impact systémique de la gestion indicielle. Il faudrait s’assurer que c’est un réel enjeu», a indiqué Hugo Lacroix en entrevue à Finance et Investissement.