Si dans ce contexte certains gestionnaires jugent qu’il est temps d’acheter des titres énergétiques, d’autres se tournent vers d’autres avenues de croissance.

«L’économie canadienne n’est pas robuste. Certaines provinces de l’Ouest, dont l’économie est intimement liée aux ressources, ont des défis économiques plus importants. Cependant, en raison des taux d’intérêt et du cours du pétrole qui resteront bas, la Colombie-Britannique, l’Ontario et le Québec devraient s’en tirer de manière satisfaisante, de sorte que la croissance pourrait bien être de l’ordre de 1 à 1,6 %, ce qui permettra au Canada dans son ensemble d’éviter la récession», pense Michael Simpson, gestionnaire principal du Fonds de revenu canadien Sentry.

Profiter de la croissance aux États-Unis

Il croit aussi que le Canada peut continuer de compter sur la reprise de l’économie américaine, amorcée depuis un bon moment déjà. Aux États-Unis, l’inflation est contenue, le taux de chômage en baisse et la confiance des consommateurs est en hausse, alors que les ventes au détail sont dans l’ensemble fortes.

Dans ce contexte de croissance lente, certains titres souvent associés au secteur énergétique, mais dont les flux de trésorerie sont liés à des contrats, comme ceux des sociétés de transport d’énergie AltaGas ou Trans-Canada Corporation, lui paraissent attrayants à leurs cours actuels. Ce type de titres constitue l’essentiel de sa pondération énergétique, car il ne détient qu’un seul producteur de pétrole et gaz.

«Malgré les réductions de dividendes, la situation financière des producteurs reste difficile. Après 18 mois de déclin des prix du pétrole, depuis leur sommet, les déclins dans les flux de trésorerie sont réels. Les titres ne sont certainement pas un achat judicieux à leur cours actuel, qui est déprimé», dit Michael Simpson.

Le contexte économique ne lui paraît pas favorable non plus aux titres du secteur financier. Ainsi, les consommateurs canadiens sont fortement endettés et les prix immobiliers dans deux grandes villes, poussés par des investisseurs étrangers, rendent inaccessible l’achat d’une propriété par les couples de moins de 35 ans qui sont actifs sur le marché du travail.

C’est pourquoi il s’inquiète d’un ralentissement des bénéfices des banques canadiennes, et leur préfère des titres comme American Express et MasterCard.

La pondération d’un peu moins de 28 % dans le secteur industriel comprend des titres comme United Parcel Service (UPS), qui, dans un contexte de croissance lente, profite du déplacement vers le commerce électronique.

«Désormais, 10 % du commerce de détail est généré sur Internet. Amazon doit livrer sa marchandise à ses clients, et ses ventes croissent de 20 à 25 %. On a noté une faiblesse des ventes de chaussures et de vêtements dans les grands magasins, mais cela ne représente que 3 % des dépenses de consommation», défend-il.

Viser les hausses de dividendes

«Vous n’aurez pas à subir les effets d’une croissance lente si vous évitez le secteur des ressources. L’économie canadienne diffère selon les régions. Il est clair que le contexte actuel ne favorise pas les titres de ressources de l’Ouest canadien. En Ontario, le secteur manufacturier se remplume. Les titres que nous détenons au Québec ont le vent dans les voiles depuis quelques années déjà, notamment Alimentation Couche-Tard, Dollarama et Gildan», expose Vishal Patel, cogestionnaire de la Catégorie Croissance gérée Power Dynamique.

Le fonds ne détient aucun titre énergétique et seulement 6,2 % en titres de produits matériels.

Vishal Patel juge que d’un point de vue macroéconomique, ce secteur n’offre pas de bonnes perspectives.

«Ce secteur a connu un bon cycle de 10 ans. Pendant les 10 prochaines années, vous devrez aller du côté des titres de secteurs de croissance à long terme. Je ne sais pas quel sera le prix du baril de pétrole dans trois ans, mais je peux vous dire que le café chez Tim Hortons ou Starbucks coûtera plus cher.»

Vishal Patel cherche des titres qui affichent une croissance du chiffre d’affaires de 4 %, et une croissance des bénéfices et du dividende de 10 %.

Traditionnellement, les gestionnaires de style «croissance» accordaient peu d’importance au dividende. Or, à ses yeux, le dividende est un des piliers de la croissance : «Les sociétés dans lesquelles nous investissons ont des bénéfices réels et génèrent tellement de croissance qu’elles peuvent accroître leur dividende. Parce qu’elles sont en croissance, leur rendement courant peut être faible, mais il croît de 10 % et plus», affirme-t-il.

Les secteurs de la consommation de base et de la consommation discrétionnaire comptent pour près de la moitié du portefeuille ; selon Vishal Patel, il s’agit de secteurs peu exposés aux changements de technologie perturbateurs, où l’on peut investir à long terme.

Ce qui ne l’empêche pas de détenir des titres d’Apple. «La société dégage un rendement de l’avoir de 45 %. Nous aimons l’industrie des téléphones intelligents dominée par Apple, ainsi que les téléphones munis du système Android, conçu par Google, que nous détenons aussi. Ces géants sauront s’adapter», croit-il.

Un titre favori est Dollarama : «Dès que nous avons des entrées d’argent, nous en achetons, même si nous avons commencé à en acheter il y a quatre ans, et ce, bien qu’il se négocie à près de 28 fois les bénéfices prévus. N’oubliez pas que son rendement de l’avoir est de 36 %» , dit Vishal Patel.

«Nous investissons dans Rossy, une famille qui exploite ce type de commerce depuis trois générations, un marché qu’elle domine. Le nombre de magasins passera de 1 000 à 1 500, au rythme de deux nouveaux magasins par semaine. Chaque succursale se paie en deux ans. Le dividende a augmenté de 18 % au cours des trois dernières années. Il y a une valeur de rareté pour un titre d’une telle qualité. Pendant les cinq prochaines années, je pourrai dormir tranquille en détenant le titre», poursuit-il.

Occasions américaines

«Je suis quelqu’un d’assez déprimant à écouter, et je le suis de plus en plus. J’ai de la difficulté à trouver des titres qui se négocient très au-dessous de la valeur intrinsèque que je leur attribue, et mes liquidités approchent de leurs limites supérieures. Certes, la dégringolade d’août a permis d’en acheter quelques-uns, mais clairement, après un marché haussier de cinq ans, je ne vous cacherai pas qu’il y en a de moins en moins», confie Daniel Dupont, gestionnaire du Fonds Fidelity Grande Capitalisation Canada, qui dit investir dans ce genre de titres.

Or, parmi ses achats, on trouve des titres énergétiques, dont la pondération ne représentait que 2,2 % du fonds au 30 juin dernier. Sans savoir si le prix du pétrole continuerait de baisser, Daniel Dupont se sentait beaucoup plus à l’aise à l’idée d’acheter certains de ces titres alors que le prix du pétrole était près de 40 $ US plutôt que de 100 $ US, de sorte que sa pondération en titres énergétiques avait grimpé à 8 % le 30 septembre. C’est tout de même moins de la moitié de celle de l’indice composé S&P/TSX.

«Le premier principe de notre approche en placement est de protéger le capital. Protéger le capital en investissant dans des titres pétroliers est très difficile, parce qu’ils sont très volatils et qu’il est difficile de prédire leur sort. C’est pourquoi j’aime garder leur pondération à un niveau assez modéré», explique-t-il.

Daniel Dupont admet qu’il a été un peu forcé de faire cette transition, car les titres moins cycliques et moins volatils au Canada, comme ceux de la consommation de base et de la consommation discrétionnaire, ont atteint des multiples relativement élevés depuis le début de 2015 : «Prenez le titre de Dollarama. Il ne peut pas être acheté par un investisseur « valeur » comme moi, qui suis prudent quant aux multiples payés et qui essaie de protéger le capital», expose-t-il.

Attention aux banques

Les marges bénéficiaires qui restent très élevées expliquent en partie la cherté des titres, selon lui. Il s’attend à ce que ces marges baissent au cours des prochains trimestres.

Daniel Dupont essaie d’escompter cette baisse éventuelle dans ses modèles d’évaluation. Il ne veut pas se faire prendre au jeu et payer des titres trop cher si jamais ces marges diminuaient de façon importante dans certains secteurs qu’il évite en ce moment, notamment celui des banques.

Les banques ne comptent que pour 5 % dans le fonds, les trois quarts de la pondération en titres du secteur des services financiers étant des compagnies d’assurance ou autres firmes du secteur.

«Les mauvais prêts se font dans les bonnes années. La probabilité que les mauvais prêts commencent à faire surface est suffisamment élevée pour que j’abaisse leur pondération à 5 %. Quelques mauvaises surprises peuvent avoir un effet disproportionné sur les bilans des banques, en raison de l’effet de levier important utilisé pour ces prêts.»

Daniel Dupont se réfugie aux États-Unis pour pallier l’étroitesse du marché canadien. Le contenu étranger du fonds, de 33,5 %, y est presque entièrement investi.