«L’indice comprend des titres de pipelines, mais nous ne détenons que des producteurs et des sociétés de services à l’industrie énergétique, dans une proportion à peu près égale. Nous ne faisons pas de prévisions sur le prix de l’énergie. Nous constatons seulement que la production s’ajuste à la baisse, alors que la demande continue d’augmenter. Plus les prix sont faibles, plus la demande augmente», note Hugo Lavallée.

Investir à cotre-courant

Son style de gestion à contre-courant amène Hugo Lavallée vers les titres bon marché tombés en défaveur, qui prennent souvent du temps à se redresser, et dans lesquels beaucoup d’investisseurs à court terme n’ont ni la capacité ni la patience d’investir.

«Il y a un an, la valeur était plus forte chez les épiciers, qui se négociaient à 12 ou 13 fois les bénéfices. Et les titres énergétiques étaient chers, alors que le cours du pétrole avait atteint 115 $ US en juin. Aujourd’hui, les ratios cours/valeur comptable des titres de services à l’industrie sont tous inférieurs à 1, et plusieurs sont entre 0,2 et 0,5 fois la valeur comptable», explique le portefeuilliste.

«Nous ciblons des sociétés qui ont un bilan assez solide pour leur permettre de survivre au cycle, dont nous ne pouvons pas prévoir l’évolution. Ces sociétés doivent avoir au moins deux ans de liquidités pour être encore là lorsqu’il tournera», précise Hugo Lavallée.

Il cite l’exemple du titre de Precision Drilling, qui s’échange à 72 % de la valeur comptable des actifs tangibles, alors qu’il s’échangeait à plus de deux fois cette valeur il y a 15 mois.

Hugo Lavallée reconnaît que les meilleures entreprises sont celles qui réalisent beaucoup de bénéfices avec peu d’actif, comme Constellation Software ou Métro. Le problème est qu’au Canada, ces sociétés sont peu nombreuses, et leur évaluation est actuellement élevée. Il juge que le rendement sur ces titres au cours des quatre prochaines années sera moins élevé qu’il ne l’a été durant les quatre dernières.

«Il y a aujourd’hui plus de valeur dans les titres cycliques que dans ces excellentes entreprises», affirme-t-il.

Ce qui ne l’empêche pas de conserver des titres technologiques, le deuxième secteur en importance, avec une pondération de 13,8 %.

Risques cycliques

«L’avantage des petites capitalisations, c’est qu’il y a tellement d’autres occasions qui s’offrent à nous», affirme Tyler Hewlett, cogestionnaire avec David Taylor du Fonds canadien d’actions à faible capitalisation BMO. Il ne partage pas l’enthousiasme d’Hugo Lavallée pour le secteur énergétique.

«Les cycles des titres de matières premières sont longs. Ils ont affiché un rendement supérieur à partir du début des années 2000 jusqu’en 2014. Nous venons d’amorcer un autre cycle où les ressources auront un moins bon rendement. Ces titres volatils dépendent du prix de la ressource. Si le cours du pétrole descendait à 30 $ US le baril, ces titres qui semblent maintenant bon marché ne le seraient plus», juge-t-il.

Tyler Hewlett reconnaît que les titres autres que ceux de ressources ont beaucoup progressé au cours des dernières années. Il juge toutefois que dans l’environnement actuel, il est normal de payer plus pour les titres de croissance de meilleure qualité.

«Sans être coûteuses, leurs évaluations sont plus élevées que la moyenne, sans toutefois compromettre les rendements futurs», défend-il.

Viser la croissance

À la fin de septembre, son portefeuille se négociait à 17,75 fois les bénéfices prévus des 12 prochains mois. «Vous payez un multiple qui peut sembler coûteux, mais vous obtenez une longue croissance ; après plusieurs années, vous vous rendez compte que le titre n’était pas cher du tout», raisonne Tyler Hewlett.

Il admet qu’au cours des prochaines années, le rendement des titres dépendra davantage de la hausse des bénéfices plutôt que de l’augmentation des multiples qui leur sont accordés.

De là l’importance de trouver des sociétés capables de les faire croître. Il en trouve davantage dans les secteurs des technologies, des industrielles, de la consommation et de la finance que dans celui des ressources. Ses meilleures idées sont liées à la croissance supérieure de l’économie américaine.

Ainsi, parmi les titres en portefeuille, on retrouve AirBoss of America, une société industrielle qui produit divers composés de caoutchouc utilisés pour des applications spécialisées, notamment dans les domaines de la défense et de l’automobile. Elle réalise 80 % de son chiffre d’affaires à l’extérieur du Canada.

«La direction a su créer de la valeur pour ses actionnaires dans le passé. Elle a annoncé qu’elle doublerait les bénéfices en trois ans, et l’a fait en deux ans. Et le multiple des bénéfices, lui, n’a pas doublé. Près de 30 % des actions sont détenues par des initiés. Cette société peut croître par acquisition. Ce titre de 20 $ a le potentiel de doubler sur un horizon de 5 ans, car nous estimons que cette société peut croître de 15 à 20 % par an durant cette période», soutient Tyler Hewlett.

Tricon Capital Group est un autre choix. Cette société gère un actif de 2,3 G$ concentré dans le secteur résidentiel en Amérique du Nord. Elle détient entre autres un parc de maisons unifamiliales aux États-Unis, achetées à la suite de saisies, qu’elle loue. Ce parc compte pour environ le tiers de son actif.

«Mais d’un autre côté, cette société a un historique de création de valeur pour ses clients et ses actionnaires. Elle est exposée à la croissance aux États-Unis. Elle est en mesure de faire croître ses bénéfices de 15 % par an. À son cours actuel, ce titre est sous-évalué et se négocie à environ 1,15 fois sa valeur comptable, par rapport à 1,5 ou 1,6 fois pour des sociétés américaines comparables», souligne Tyler Hewlett.

Biais américain

Le thème de la croissance américaine sous-tend aussi le Fonds croissance Québec Banque Nationale : «Une très grande majorité de nos titres en portefeuille sont associés à cette croissance, car bien qu’elle soit moins robuste que prévue, elle est de loin supérieure à celle anticipée au Canada», soutient Marc Lecavalier, gestionnaire de ce fonds axé sur les entreprises québécoises.

Il concède que si les valorisations de ses titres sont plus élevées aujourd’hui qu’il y a un an, elles sont justes dans le contexte de la poursuite de cette croissance aux États-Unis. Son portefeuille se négocie à 17 fois les bénéfices prévus de 2016.

Son univers de titres admissibles pour investissement se limite à ceux de 150 sociétés québécoises. Or, plusieurs d’entre elles ne font pas qu’exporter aux États-Unis ; elles s’y sont installées. C’est le cas de Stella-Jones, qui produit des traverses et des poutres pour les exploitants de chemins de fer, de même que des poteaux pour les compagnies d’électricité et les sociétés de télécommunications. Elle possède plusieurs usines au sud de la frontière et ailleurs au Canada.

Ce biais envers la croissance américaine se traduit par une pondération de 32,77 % dans des sociétés industrielles, soit plus du triple de celle de l’indice des titres à petite capitalisation S&P/TSX.

«Elle serait encore plus élevée si des titres classés parmi les matériaux, comme celui de Stella Jones, étaient classés parmi les industrielles. En fait, la pondération en titres matériels oscille autour de 6 % et correspond dans la réalité à nos titres aurifères. Évidemment, le secteur énergétique est toujours absent du fonds, de par sa nature», précise Marc Lecavalier.

Le titre de Héroux-Devtek est la plus importante position en portefeuille, soit 4,73 %. Installée à Longueuil, en Montérégie, la société construit des trains d’atterrissage, et la moitié de son chiffre d’affaires est réalisé au sud de la frontière. La société a signé un important contrat avec Boeing pour la livraison de certaines composantes du 777, qui devrait commencer en janvier 2016 et qui devrait atteindre sa pleine cadence en 2018.

«Le chiffre d’affaires devrait rapidement augmenter jusqu’à 500 M$, par rapport à 400 M$ pour l’exercice se terminant le 31 mars 2016. Il y a un beau carnet de commandes de nouveaux appareils par les transporteurs aériens pour les sept à huit prochaines années. Le président de l’entreprise, Gilles Labbé, a su créer de la valeur dans le passé en vendant sa division de turbines. C’est un très bon gestionnaire. À 10 fois les bénéfices de 2018, le titre n’est pas cher», estime Marc Lecavalier.