Les fonds d’obligations mondiales joueront leur rôle traditionnel de diversification du risque en 2016, mais ils ne devraient pas répéter leur bonne performance de 2015 qui, pour beaucoup d’entre eux, résultait essentiellement de la dépréciation du dollar canadien.

« Les perspectives du marché obligataire sont bonnes. Le niveau d’endettement dans les économies avancées a atteint un niveau qui rend impossible une augmentation marquée des taux d’intérêt sans qu’elles ne basculent dans une récession. Ce qui signifie que les taux d’intérêt seront plus bas pendant plus longtemps (lower for longer) et que les détenteurs d’obligations à long terme seront récompensés en gains de capital », avance Kamyar Hazaveh, cogestionnaire du Fonds d’obligations mondiales Signature de Placements CI.

La version en dollars canadiens de la série A de ce fonds a réalisé un rendement de 14,29 % en 2015, par rapport à – 4,18 % pour la version en dollars américains.

Cet endettement massif ne le préoccupe pas outre mesure, car le système monétaire est maintenant basé sur des monnaies fiduciaires (fiat currency), que les gouvernements peuvent imprimer, plutôt que sur l’or. «Le gouvernement japonais ne sera jamais en défaillance sur sa dette, car il détient les presses à billets», raisonne-t-il. Le ratio dette brute/PIB du Japon était de 230 % au 31 décembre 2014.

«Cela signifie que les rendements des obligations peuvent continuer de chuter et que les gouvernements peuvent s’endetter davantage, ce qui résulte des politiques monétaires et fiscales accommodantes qui sont actuellement la recette pour tenter de relancer l’économie mondiale et qui le resteront pendant les cinq à dix prochaines années», note Kamyar Hazaveh.

Erreur de la Fed

«Y a-t-il une fin en vue à ce cercle vicieux de dettes accrues et de taux d’intérêt toujours plus bas ? Peut-être à plus long terme. La façon dont le Japon résoudra son problème devrait nous donner des indices sur la façon dont les autres pays y parviendront», poursuit le portefeuilliste.

Il croit que la Réserve fédérale américaine (Fed) a commis une erreur en augmentant son taux directeur en décembre dernier. Cette erreur explique une grande partie des problèmes de l’économie mondiale, qui ne peut tolérer des taux plus élevés, en particulier les pays émergents.

Kamyar Hazaveh estime que la croissance de l’économie mondiale sera de 2 % en 2016. «Si la Fed hausse ses taux quatre fois cette année, une récession est inévitable», lance-t-il.

Dans ce contexte, le portefeuille favorise les obligations à long terme. L’exposition au dollar américain oscille autour de 40 %, dont 3 % en obligations de sociétés de première qualité et le reste en obligations du Trésor. L’exposition au yen japonais est autour de 20 %, celle à l’euro, de 23 %, celle à la livre sterling, de 8 %, et celle au dollar canadien, de 6 %.

Le fonds n’a alloué que 1 % aux obligations des marchés émergents, en Indonésie et au Mexique, Kamyar Hazaveh jugeant que ces marchés sont au centre de la crise causée par l’erreur de la Fed.

«Mais le fonds est bien positionné si la Fed persiste dans cette voie et hausse encore ses taux. Le dollar américain s’appréciera, et les obligations à long terme aussi», calcule-t-il.

La duration du portefeuille Signature est de 8 ans, par rapport à 7,6 ans pour son indice de référence, l’indice mondial de rendement global des obligations d’État J.P. Morgan.

Périlleuse hausse du taux directeur

«Nous n’entrons pas dans une récession mondiale, bien que la croissance diminue. Pour que l’économie américaine entre en récession, il doit normalement y avoir des excès que nous ne voyons pas en ce moment, comme des prix énergétiques trop élevés ou une politique monétaire restrictive en cas d’inflation, qui reste très faible. Mais si la Fed resserre trop le taux d’escompte, le risque de récession augmente considérablement. Elle pourrait l’augmenter encore une fois cette année», admet Jack McIntyre, de Brandywine Global Investment Management, gestionnaire du Fonds d’obligations mondiales Renaissance et de son jumeau, le Fonds d’obligations mondiales CIBC.

Il ne croit pas que 2016 sera l’année de la grande rotation des obligations vers les actions. Son scénario de base est celui d’une croissance constante, mais lente et avec peu d’inflation. Sa pondération de 38 % en obligations américaines, pour la plupart des titres du Trésor, est justement positionnée dans cette optique.

«Elles affichent un rendement plus élevé que celles des autres économies avancées et offrent une protection si nous avons tort et qu’une récession mondiale survient», enchaîne-t-il.

Il a toutefois réduit à 22,5 % l’exposition au dollar américain : «Le dollar américain a grimpé sur l’anticipation de la hausse du taux d’escompte de la Fed. Or, le dollar américain a reculé après la première hausse de taux en 1986, 1994, 1999 et 2004. Le même phénomène va se produire en 2016, car la hausse ralentit la croissance des États-Unis et le dollar va refléter ce ralentissement», pense-t-il.

Pari mexicain

Agissant a contrario, le fonds a déplacé cette exposition vers des devises de marchés émergents tombées en disgrâce et qui devraient se raffermir si l’économie mondiale n’entre pas en récession. Le fonds a aussi augmenté son exposition à des obligations de marchés émergents pour la porter à 10 % du portefeuille, notamment en Indonésie (3 %), en Afrique du Sud (2 %), en Pologne (2,27 %) et en Hongrie (2,8 %) : «Leurs rendements sont très attrayants», juge Jack McIntyre.

À 8,86 %, le Mexique, qu’il considère comme un pays développé, demeure la pondération en obligations la plus importante, et sa devise compte pour 13 % du portefeuille.

«Les données fondamentales continuent d’y être solides. C’est un pari sur la croissance des États-Unis et non sur celle de la Chine. Les échanges commerciaux du Mexique avec les États-Unis en une semaine équivalent à ceux qu’il a avec la Chine en un an», explique Jack McIntyre, qui juge que le Mexique ira bien si le prix des matières premières et de l’énergie se stabilise, un peu comme l’Australie, dont la pondération est de 8,46 %, et l’exposition à sa devise, de 7,2 %.

Le fonds ne détient pas d’obligations japonaises, qui comptent pour environ 23 % (en $ US) de l’indice Citi World Government Bond Index, mais une exposition de 5,3 % au yen. «Le Japon devra un jour radier une partie de sa dette, car il ne pourra réussir à croître en raison de son poids», prévient-il.

Le portefeuille Renaissance affiche un rendement de coupon de 3,2 % et une duration de 7,4 ans.

Biais favorable aux obligations d’entreprise

Les taux d’intérêt resteront relativement bas, et la croissance de l’économie demeurera relativement lente pour une période prolongée. C’est le résultat de la dette massive accumulée tant par les gouvernements que par les sociétés et les ménages.

Dans ce contexte, même s’il est possible que la Fed hausse ses taux une ou deux fois en 2016, cela ne devrait pas mener à une hausse marquée des rendements obligataires, selon Christopher Case, cogestionnaire du Fonds d’obligations mondiales TD, qui souligne que les politiques monétaires fortement expansionnistes pratiquées par les banques centrales créent des distorsions dans l’évaluation des actifs financiers. Il s’attend à un rendement de 5 % ou moins en 2016.

Le fonds TD ne détient aucune obligation des pays périphériques européens, parce que ceux-ci sont confrontés à de grandes difficultés budgétaires auxquelles ils tardent à s’attaquer. Pour les remplacer, le fonds détient plutôt 15 % en obligations à rendement élevé nord-américaines.

Il ne détient pas d’obligations du Japon, en raison de son ratio dette/PIB jugé trop élevé et de la démographie vieillissante de ce pays. Il détient plutôt 25 % en obligations de sociétés de première qualité nord-américaines, ce qui est une déviation très importante par rapport à son indice, qui ne détient que des obligations de gouvernements. Cet ajout permet d’augmenter le revenu d’intérêt du portefeuille, dont le rendement courant était récemment de 2,8 %.

Les obligations européennes, excluant celles du Royaume-Uni, comptent pour environ 10 % du portefeuille et sont en grande majorité des obligations fédérales allemandes. En comparaison, la pondération de l’Union européenne (UE) dans l’indice Citigroup World Government Bond Index oscille autour de 32 %.

Moins d’alpha provenant des devises

Outre son encaisse, qui oscille autour de 4,5 %, le fonds détenait encore récemment une pondération de 19 % en obligations canadiennes. «Nous avons profité de l’abaissement des taux effectué par la Banque du Canada en 2015, qui a eu un effet positif sur la valeur des obligations canadiennes. Nous avons graduellement diminué cette pondération au cours des derniers mois, car nous croyons que la Banque du Canada maintiendra ses taux inchangés en 2016», explique Christopher Case.

Le fonds surpondère aussi les obligations australiennes et néo-zélandaises, dont les rendements sur les obligations de 10 ans oscillaient autour de 2,51 % et de 3,01 %, respectivement, à la fin de mars. «Les deux banques centrales ne sont pas en position de hausser les taux eu égard à la faible croissance venant de Chine et d’Asie», estime Christopher Case.

Parce qu’une majorité de banques centrales de pays industrialisés pratiquent la même politique monétaire où les taux sont près de zéro, voire négatifs, les devises sont devenues moins volatiles et offrent moins d’occasions d’ajouter de la valeur (alpha), pense Christopher Case, qui précise qu’il ne veut pas devenir cambiste. Le fonds a une exposition de 40 % au dollar américain, de 27 % à l’euro et de 10 % à la livre sterling. La durée du portefeuille était de 7,36 ans au 29 février dernier.