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Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) visent la fin de l’année 2022 pour la mise en place du nouvel organisme d’autoréglementation (OAR) pancanadien qui regroupera l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) et l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (ACFM).

« Nous travaillons avec cet échéancier en tête. Nous pensons que la date visée est réaliste pour concrétiser la fusion des deux entités canadiennes dans un seul organisme de régulation », a indiqué Hugo Lacroix, surintendant des marchés de valeurs à l’Autorité des marchés financiers (AMF) en entrevue avec Finance et Investissement.

Au cours des prochains mois, l’AMF s’affairera notamment à transférer vers le nouvel OAR certaines responsabilités qu’elle assume en ce moment, comme l’inspection des courtiers en épargne collective.

Du côté de l’ACVM, les prochaines étapes consisteront à former un nouveau conseil d’administration, à nommer un PDG et à régler les différents aspects juridiques de la transaction.

Une structure de gouvernance représentative

Cette fusion suscite plusieurs préoccupations au sein du secteur financier au Québec, notamment en ce qui concerne la structure de gouvernance et la représentativité de l’industrie québécoise dans la nouvelle organisation. Les consultations organisées au cours des derniers mois auprès des divers acteurs de l’industrie ont permis d’exprimer plusieurs réflexions à ce sujet.

Hugo Lacroix soutient que toutes les précautions seront prises par l’AMF pour que ces préoccupations soient prises en compte dans la mise en place du nouvel OAR.

« Il y a un consensus selon lequel le conseil d’administration sera représentatif des différents modèles d’affaires et assurera l’équité au niveau de la représentation géographique, car chacune des provinces voudra se retrouver dans cet OAR », souligne-t-il.

Face aux inquiétudes exprimées au sujet de la gouvernance, l’AMF croit que celle-ci sortira renforcée de la fusion, car la perspective des investisseurs sera mieux représentée et l’équilibre des intérêts de chacune des parties sera mieux assuré.

Reconnaissance des intérêts québécois

L’AMF a plusieurs moyens à sa disposition pour assurer la représentativité de la spécificité québécoise au sein du nouvel OAR, précise Hugo Lacroix. Il s’agit principalement de la reconnaissance, de l’approbation des règles et de la surveillance en continu qui sera exercée par l’AMF. « On ne peut pas déléguer à l’OAR des responsabilités que le gouvernement nous a confiées sans s’assurer que l’OAR livre la marchandise », souligne-t-il.

Le processus de reconnaissance permettra de déterminer sous quelles conditions l’OAR exercera ses activités conformément à la Loi, qui prévoit la participation de personnes qui résident au Québec. « Cela implique le maintien d’une section du Québec avec des responsabilités clairement définies, un budget et une reddition de compte distincts pour le bureau du Québec », souligne Hugo Lacroix. De plus, tout changement à la structure devra être approuvé par l’AMF. Le régulateur aura également un œil sur l’OAR grâce à sa participation au comité qui détermine chaque année le programme d’analyse des risques à auditer.

Une voix pour les petites firmes indépendantes

Voici comment les différents types de courtiers seront touchés par la nouvelle organisation, selon le portrait dressé par l’AMF :

  • Les courtiers en épargne collective inscrits au Québec et qui sont membres de l’ACFM pour leurs activités hors Québec verront leur encadrement simplifié, car ils ne devront plus se soumettre à la supervision de l’AMF pour leurs activités québécoises et à l’ACFM pour leurs activités ailleurs au Canada. Ils traiteront dorénavant qu’avec le nouvel OAR.

Cette situation concerne 72% des courtiers en épargne collective inscrits au Québec et leurs représentants constituent 97% de l’ensemble des représentants inscrits au Québec dans cette catégorie.

  • Les groupes financiers, regroupant une société inscrite à titre de courtier en épargne collective et une société inscrite à titre de courtier en placement et exerçant au Québec et ailleurs au Canada, bénéficieront de l’harmonisation de l’encadrement applicable à leurs activités de courtage.

Cette catégorie regroupe 37% des courtiers en épargne collective et constitue 84% de l’ensemble des représentants inscrits au Québec dans cette catégorie.

  • Les courtiers en épargne collective inscrits au Québec et qui ne sont pas membres de l’ACFM, car ils n’avaient pas d’activités hors Québec, ne devront plus se soumettre à la supervision de l’AMF mais, comme les autres courtiers, adhérer au nouvel OAR et en respecter les règles.

Cela représente 28% des courtiers en épargne collective et ils constituent 3% de l’ensemble des représentants inscrits au Québec dans cette catégorie.

Au cours de la consultation, des réserves ont été exprimées par les courtiers en épargne collective qui ont des activités uniquement au Québec et qui n’étaient pas membres de l’ACVM. Ils craignent que leur réalité ne soit pas représentée dans les instances décisionnelles du nouvel organisme.

Il est vrai que ces derniers ne pourront pas générer des synergies en fusionnant des lignes d’affaires et en intégrant deux systèmes de conformité, contrairement aux autres catégories de courtiers, reconnaît l’AMF.

Toutefois, ils pourront bénéficier de plusieurs nouvelles occasions d’affaires intéressantes, croit le régulateur.

« L’accès à un encadrement harmonisé leur permettra d’améliorer leur capacité à effectuer des transactions. Ils pourront notamment bénéficier de solutions technologiques plus sophistiquées. À l’heure actuelle, ils doivent s’arrimer à une structure qui a été pensée pour un autre système. Ils peuvent donc s’attendre à connaître une amélioration notable de leur efficience », estime Hugo Lacroix.

Un autre avantage pour ces courtiers sera de pouvoir intégrer plus facilement d’autres types de produits comme les fonds négociés en bourse (FNB), ajoute le représentant de l’AMF, ce qui leur permettra d’améliorer leur compétitivité au Québec, mais également d’étendre leurs activités à l’extérieur de la province.

Finalement, c’est l’ensemble du secteur financier québécois qui devrait bénéficier de la création d’un environnement de conformité harmonisé d’un océan à l’autre, à la suite du regroupement de l’OCRCVM et de l’ACFM au sein du nouvel OAR, estime le surintendant.