Pour mieux comprendre, il a développé un programme de simulation en laboratoire. Celui-ci permet, essentiellement, d’évaluer le comportement des gens en fonction de deux types de situation : l’épargne préventive et l’épargne-retraite.

Finance et Investissement s’est prêté au jeu. En compagnie d’autres journalistes financiers, nous avons participé à une séance de simulation. Résultat : le comportement et la performance varient considérablement selon le type d’épargne.

Pour l’épargne préventive, le participant doit jongler avec des hausses et des baisses de revenus étalées sur 20 périodes équivalentes à autant d’années. En fonction de son revenu annuel, l’épargnant peut dépenser ou économiser dans un fonds de prévoyance. Il accumule des points en fonction de sa capacité, non pas à économiser, mais à prévoir adéquatement ce dont il aura besoin.

L’objectif : mesurer la capacité d’une personne à prévoir les coups durs de la vie, comme la perte d’un emploi ou la soudaine explosion des dépenses à cause de problèmes de santé.

Les épargnants répondent bien à ces exercices, constate Jim Engle-Warnick : «Vous pouvez estimer sans trop de problèmes ce dont vous avez besoin pour l’épargne préventive. Vous n’avez qu’à économiser un petit montant qui vous servira d’appoint en cas de problème».

On ne peut en dire autant au moment d’épargner pour sa retraite. Le pointage de Finance et Investissement – comme celui d’autres journalistes – a d’ailleurs chuté considérablement.

«La réalité est beaucoup plus complexe et les prévisions plus difficiles», explique le spécialiste. Il faut réussir à prévoir l’argent en fonction d’une durée qui n’est pas déterminée.

À cela s’ajoute le fait qu’on ne prépare une retraite qu’une fois dans une vie, ce qui n’est pas le cas en épargne préventive. Par exemple, un chômeur peut apprendre de son expérience et adapter son comportement par la suite.

Autant d’éléments qui brouillent les cartes. «Dans 20 ans, de combien d’argent aurez-vous besoin ? Nous constatons que les gens planifient très souvent au hasard». Et le spécialiste ajoute que les épargnants auraient tout à gagner à aiguiser leur compétence avec des simulations d’épargne. «Plus on pratique, plus on peut s’améliorer», note-t-il.

Nouveau mode de vie à la retraite

Les recherches faites en finance comportementale apportent un nouvel éclairage aux enjeux de la retraite. James Choi, professeur à l’École de gestion de l’Université Yale est lui aussi spécialisé en finance comportementale. Pour sa part, il s’est intéressé à la perception que les gens ont de leur retraite au cours des dernières années.

Lors d’une allocution prononcée au Forum économique international des Amériques qui se déroulait à Montréal en juin, il a avancé que les défis relatifs à la retraite dans les sociétés nord-américaines se résument à une question : «Comment réussir à subventionner les fonds de pension avec une période de travail si courte ?»

Une partie de la compréhension du phénomène pourrait bien provenir de la perception qu’ont les épargnants de leur retraite. Une perception très souvent biaisée. Près de 70 % des Américains estimeraient qu’ils dépenseront moins à la retraite, indique-t-il.

Si des retraités dépensent effectivement moins, c’est surtout leur mode de vie qu’ils doivent réajuster.

Nombre de retraités sont contraints de délaisser les restaurants de gamme moyenne au profit de la restauration rapide, donne-t-il en exemple. «La situation n’est pas si dramatique, mais il y a tout de même des préoccupations.»

Qu’en est-il au Canada ?

En cours d’année, la firme montréalaise McKinsey & Company a publié deux études sur les Canadiens et la retraite. À l’instar du professeur Choi, on estime que la «crise de la retraite» liée au vieillissement de la population et au prolongement de l’espérance de vie des Canadiens serait surévaluée.

«Une forte majorité des ménages canadiens (83 %) est en fait en bonne voie de maintenir son niveau de vie à la retraite», peut-on y lire. N’empêche, 17 % des Canadiens auront un niveau de vie moindre à la retraite que lorsqu’ils travaillaient.

Les ménages touchés sont essentiellement divisés en deux catégories : d’abord, les ménages à revenus moyens à élevés qui ne cotisent pas assez au régime de retraite auquel ils ont accès ; puis, les ménages qui n’ont pas accès à un régime et dont l’épargne personnelle est inférieure à la moyenne.