«Cependant, on sent qu’il y a une volonté plus grande d’engagement. La majorité des assureurs de personnes disposent d’équipes d’innovation», ajoute-t-il.

«À l’heure actuelle, l’émission d’une police d’assurance vie prend en moyenne 35 jours», remarque son collègue Richard Letarte, vice-président principal, Innovation. Ce dernier croit qu’il est tout à fait possible d’innover en assurance si l’on s’appuie sur cinq composantes clés : la sélection des risques et l’émission de polices, l’utilisation des bases de données (Big Data), la gestion des réclamations, la mortalité à long terme et l’expérience client.

Pas de révolution en vue

Toutefois, il ne faut pas s’attendre à de grands changements rapides dans le traitement des dossiers.

«La grande révolution n’est pas possible actuellement. Nous l’attendons inutilement», juge le consultant Robert Landry, un ancien vice-président d’AXA Canada.

Ce vétéran de l’industrie croit que certains facteurs entravent une automatisation plus poussée dans le domaine de l’assurance de personnes, en premier lieu la sélection, la tarification du risque et la complexité qui en découle.

«Par exemple, selon le taux de cholestérol d’une personne, son âge et ses problèmes glandulaires, les assureurs ont établi des algorithmes de décision très complexes. Ils doivent soumettre le dossier de l’assuré potentiel à un médecin. Ce document peut contenir 50 pages, et il n’est pas informatisé», explique-t-il.

Deuxièmement, signale le consultant, il n’existe pas de menace de concurrence qui pourrait venir tout bousculer.

«Aucun assureur américain n’a réussi à développer des algorithmes ni à court-circuiter le dossier médical simplement en vous posant des questions. Personne n’est encore capable de faire ça sur Internet en 15 minutes.»

Enfin, ajoute Robert Landry, un consommateur qui veut contracter une assurance vie doit obligatoirement recevoir la visite d’un conseiller en sécurité financière, qui dressera un profil explicite de ce consommateur.

Rejoindre les jeunes

Stéphane Rochon est d’autant plus préoccupé par le retard de l’automatisation en assurance de personnes qu’il est urgent, selon lui, de rejoindre la génération Y et les 45 ans et moins.

«Nous devons développer un système qui soit adapté à leurs besoins, à ces générations habituées à s’informer de façon instantanée sur Internet et à acheter de façon instantanée», rapporte-t-il.

Il cite l’exemple d’une jeune femme de 29 ans qui achète une copropriété dans le quartier montréalais branché de Griffintown. Il faut se conformer aux exigences de documentation pour son cas et lui vendre une assurance vie au prix du marché, tout en adoptant un processus court.

«Il y a de petites étapes pour lesquelles on pourrait accélérer le processus ; la proposition électronique en est un exemple», considère Stéphane Rochon.

La Capitale Assurance et services financiers offre la proposition électronique en assurance vie depuis une vingtaine d’années, fait valoir Michel Lafrance, vice-président, Développement de produits et marketing, assurance individuelle et services financiers. Cependant, elle est réservée aux conseillers captifs pour l’instant. L’assureur espère l’étendre au réseau de ses courtiers au cours des prochaines années.

La signature électronique constitue un autre élément qui permet d’aller de l’avant dans l’automatisation des dossiers clients.

«En épargne-placement, nous avons lancé l’an dernier une application pour les tablettes qui permet aux intermédiaires d’effectuer des dépôts et des transferts de fonds de leurs clients directement par la signature électronique et sans papier», précise Michel Lafrance.

L’exemple probant d’Interac

Stéphane Rochon s’inspire du secteur bancaire pour faire état d’une réussite qui a changé radicalement l’expérience client.

«Interac est pour moi une des réussites commerciales dans le monde. Les banques ont dit un jour : « Nous allons développer ensemble un système que nous utiliserons tous. Nous aurons chacun nos guichets automatiques, et la technologie reliera tout ça. »»

Il est temps que les assureurs créent une nouvelle dynamique, soutient le vice-président de Munich Re Canada. «Nous avons intérêt à travailler à augmenter la tarte plutôt qu’à nous battre sur le plan des technologies.»

De son côté, Robert Landry ne croit pas à une concertation entre les assureurs. Il rappelle que l’expérience a été tentée en vain il y a quelques années en Ontario.

«Nous ne pouvons pas avoir un système commun et centralisé. Ça changerait quoi ? On ne gagnerait pas 1 G$ par année de cette façon. De plus, chaque assureur dispose d’une immense machine actuarielle de statistiques.»

Robert Landry considère qu’il importe plutôt d’informatiser d’abord les algorithmes de décision : «Nous pourrions accélérer et faciliter le processus, mieux le contrôler et abaisser les coûts. À ce moment-là, nous pourrions aller sur Internet et baisser les prix.»