Plusieurs mains tenant une flèche en carton qui fait une courbe vers le haut.
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Les fonds d’investissement alternatifs ont connu un départ lent. La plupart des 37 produits, qui composaient l’offre de tels fonds en juillet, sont sur le marché depuis moins d’un an. Et l’actif sous gestion équivalait alors à 3,4 milliards de dollars (G$), soit une goutte d’eau dans l’océan des quelque 1500 G$ investis en fonds d’investissement, observe une équipe d’analystes de Marchés mondiaux CIBC, qui comprend Paul Holden.

Toutefois, plusieurs conditions sont réunies pour favoriser une croissance rapide de ce secteur, qui pourrait atteindre à terme de 50 à 100 G$ en actif d’ici cinq ans, estiment les analystes financiers. Voici sept vents favorables à cette progression ainsi que quatre vents contraires qui pourraient la ralentir.

Lire aussi: Fonds alternatifs liquides : bilan d’un secteur émergent

Vents favorables

1) Plusieurs acteurs ont embrassé la tendance. Il y a un large éventail de sociétés de fonds qui ont attaqué le marché des fonds d’investissement alternatifs, dont des sociétés intégrées verticalement tels des institutions bancaires et des assureurs vie. Des manufacturiers de fonds indépendants et des fonds de couverture traditionnels souhaitent aussi obtenir une part de ce marché.

2) Les produits gérés sont un vecteur de croissance. Certains fonds alternatifs sont déjà inclus dans des produits gérés, comme des fonds de fonds, observent les analystes financiers de Marchés mondiaux CIBC : « Nos travaux suggèrent que les stratégies de placement alternatives avec une corrélation faible, voire nulle, avec les stratégies traditionnelles repoussent la limite d’efficacité pour les portefeuilles diversifiés. Nous pensons que cela devrait être très attrayant pour les produits gérés. Une allocation de 5 % en fonds communs alternatifs dans des solutions gérées représenterait 28 G$ d’actifs. »

3) Les fonds négociés en Bourse (FNB) pourraient avoir des fonds alternatifs comme actif sous-jacent. « Nous pensons qu’un certain nombre d’émetteurs de fonds considèrent les FNB alternatifs comme un moyen différent d’accéder au marché. Compte tenu du taux de croissance des FNB par rapport aux fonds communs de placement (FCP), cela pourrait accélérer la croissance », écrivent les analystes.

4) Les fonds alternatifs sont accessibles à plusieurs clients. Selon les auteurs de l’étude, la grande majorité des fonds sont largement accessibles aux investisseurs, avec un seuil d’investissement minimum faible. Pour la moitié des 37 fonds offerts en juillet, ce seuil est de 500 $.

5) L’offre est diversifiée. Les conseillers et les investisseurs ont un large choix de produits parmi lesquels choisir, y compris une grande variété de stratégies de placement et de structures de frais. Pour plus de détails, lire le texte : Fonds alternatifs liquides : bilan d’un secteur émergent.  

6) Les premières performances sont encourageantes. Les résultats obtenus à ce jour, même sur une courte période, démontrent que les fonds offrent des rendements décents avec une faible volatilité, soit exactement la raison pour laquelle ils sont conçus, d’après la note. Par exemple, les fonds alternatifs à rendement absolu ont généré dans les premiers mois de 2019 des « rendements intéressants », selon les analystes de Marchés mondiaux CIBC : « Le rendement moyen est sur le point d’atteindre un taux annualisé de l’ordre de 6 % à 8 %, un résultat normal ressemblant à un rendement des actions, et ces fonds réalisent ce rendement avec une volatilité qui ressemble davantage à celle d’un indice obligataire qu’à celle d’un indice boursier. La fourchette des rendements et de la volatilité des fonds suggère qu’il n’y a pas de prise de risque excessive », lit-on dans la note.

7) La volatilité pourrait aider. L’expérience américaine avec les fonds alternatifs liquides a montré que la demande était la plus forte après une correction significative des marchés, écrivent les auteurs de l’étude : « Nous nous attendons à ce que la demande pour les fonds communs de placement alternatifs progresse plus rapidement si une autre correction importante du marché se produisait ou dans un scénario de marché stagnant dans lequel une exposition au bêta du marché ne permet pas d’obtenir des rendements faciles », d’après la note.

« La croissance de cette catégorie d’investissement devrait s’accélérer à moyen terme, compte tenu de la probabilité de faibles rendements persistants pour les titres à revenu fixe, de la récente expérience de la volatilité des marchés boursiers et de la fin attendue du marché haussier », lit-on dans l’étude de Strategic Insight intitulée Canadian Investment Funds Industry: Recent Developments and Outlook.

Vents contraires

1) Les conseillers en épargne collective qui souhaitent offrir des fonds alternatifs devront suivre une formation supplémentaire. En effet, dans son règlement publié en 2018, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) exigeaient qu’un conseiller ait soit obtenu la note de passage pour le cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada, soit obtenu la note de passage pour le cours d’initiation aux produits dérivés, soit réussi le Chartered Financial Analyst Program, soit répondu à toute autre norme de formation applicable imposée par un organisme d’autoréglementation. Ces exigences accrues de formation sont un frein à l’adoption de fonds alternatifs. Toutefois, « il est possible que les exigences de compétence soient assouplies », d’après les analystes.

2) Les courtiers sont réticents à ajouter les fonds alternatifs à leur liste de produits autorisés. Certains courtiers ne permettent pas encore à leurs conseillers d’offrir des fonds alternatifs. De plus, alors que les cotes de risques des fonds alternatifs qui sont établies par les manufacturiers de fonds ne sont pas généralement élevées, les cotes de risques internes qu’édictent les courtiers le sont souvent. Cela limite la pondération de l’actif d’un client qu’un conseiller peut allouer aux fonds alternatifs. Finance et Investissement faisait état de cette réticence dans l’article Placements alternatifs : cote de risque moins élevée

« Nous pensons qu’il existe un décalage entre une cote de risque élevée et le mandat de placement de nombreux fonds communs de placement alternatifs. Ce problème pourrait tout simplement être résolu avec le temps, à mesure que les fonds alternatifs constitueront un historique de performance de trois ans. Peut-être qu’une solution à court terme peut être trouvée », écrivent les auteurs de l’étude.

Par ailleurs, plusieurs courtiers à escompte/en ligne n’offrent pas de nouveaux produits aux investisseurs autonomes, ce qui peut ralentir l’adoption des fonds alternatifs par ces derniers.

3) Les conseillers auront besoin d’être sensibilisés. Le processus sera graduel et lent, mais les émetteurs de fonds devront prendre le temps afin d’expliquer aux conseillers les avantages d’ajouter des fonds alternatifs dans leur offre de produits. Plusieurs conseillers devront à leur tour trouver les bons mots afin de vulgariser aux clients les nouveaux concepts découlant des fonds alternatifs, alors que la plupart des conseillers en épargne collective n’ont jamais eu à le faire.

4) La démocratisation des fonds alternatifs n’est pas une transformation fondamentale du marché. En effet, les conseillers en placement membres de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) pouvaient déjà offrir les fonds alternatifs du marché dispensé à des investisseurs accrédités par l’intermédiaire de notices d’offre ou de billet liés au marché.