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Peu de gestionnaires d’actifs européens choisissent de traverser l’Atlantique pour proposer leurs solutions en Amérique du Nord. Carmignac a fait le saut en choisissant Montréal comme porte d’entrée du marché canadien.

Pour mieux percer ce marché, la firme a conclu un partenariat avec un autre acteur européen, Quadra Capital. Ce cabinet, fondé à Londres en 2014 par Guillaume Touze, est établi à Montréal depuis près de cinq ans. Il distribuera la gamme de fonds de Carmignac auprès des investisseurs canadiens.

Le gestionnaire d’actifs européen aura ainsi accès à une clientèle québécoise composée d’institutions bancaires, de caisses de retraite et de family office possédant des actifs de plus d’un milliard de dollars.

Guillaume Touze, président de Quadra, souhaite développer une « stratégie du pont pour connecter l’Europe avec le Québec ». Les attraits sont multiples pour attirer les firmes d’investissement européennes au Québec, dit-il. Il envisage la province comme un point d’ancrage pour des firmes européennes qui voudraient se développer ensuite vers d’autres régions du continent nord-américain.

Stabilité, diversité et francophonie

La Belle Province ne manque pas d’atout pour séduire les firmes européennes. Sa stabilité et ses valeurs humanistes plaident pour elle. « Au Québec, on trouve la culture, le respect de la diversité et la capacité d’accueillir des gens différents. On peut y faire des affaires à la mode nord-américaine, mais avec une mentalité proche de celle des Européens. »

L’économie qui tourne à plein régime, la situation de quasi-plein emploi et la force du secteur des ressources naturelles pèsent également dans la balance, selon le président de Quadra Capital.

La francophonie est un autre élément important. De passage à Montréal, Guillaume Touze et Frédéric Leroux, gestionnaire et responsable de l’équipe Cross Asset de Carmignac, ont rencontré une vingtaine d’investisseurs potentiels en deux jours pour « amorcer des discussions et raconter notre histoire ». Toutes ces rencontres ont eu lieu dans la langue de Molière, affirme le président de Quadra Capital.

Le fait de partager le français comme langue commune permet de tisser des liens plus rapidement avec les investisseurs du Québec, estime-t-il. « Pouvoir travailler dans le multilinguisme et s’affirmer en français nous met sur un pied d’égalité avec nos interlocuteurs pour pouvoir raconter notre histoire et parler de nos produits », estime-t-il.

Naviguer dans les marchés versatiles

Frédéric Leroux voit dans le marché du Québec l’occasion d’apporter une philosophie d’investissement qui se distingue par une approche active et globale, reposant sur une grande flexibilité dans la gestion des expositions, de manière à naviguer à travers des environnements de marché versatiles.

Carmignac privilégie des fonds mixtes composés d’actions et de revenus fixes, pour lesquels elle fait varier les expositions en fonction du marché. « Nous nous distinguons par notre aptitude à lire les marchés et à les anticiper dans un contexte où les cycles sont de retour », mentionne Frédéric Leroux.

Créée il y a trente ans en France, Carmignac est présente surtout en Europe, notamment en Espagne, en Italie, en Allemagne, en Belgique, au Royaume-Uni et dans les pays nordiques. Elle possède également des antennes au Japon et en Amérique latine à travers des partenariats.

L’entreprise créée par Édouard Carmignac et Éric Helderlé gère aujourd’hui 29 fonds pour un actif de 47 milliards de dollars (G$).

Carmignac Patrimoine

Son fonds phare, Carmignac Patrimoine, qui totalise un actif de 14 G$, pourrait bien fonctionner pour la clientèle du Québec, selon Frédéric Leroux.

Ce fonds mixte est investi à hauteur de 40 % en produits obligataires et monétaires, 40 % en revenus fixes et 20 % en taux européens à court terme (ESTER). Il a réalisé un rendement de 3,69 % sur les trois dernières années.

Du côté des actions, près de la moitié des titres sont américains et se réfèrent à l’indice MSCI AC World. La portion européenne représente environ un tiers des titres. Elle se situe notamment dans le secteur du luxe, « qui a bien performé durant la crise », et celui de la santé, « qui pourrait offrir une protection en cas de récession aux États-Unis et en Europe », mentionne Frédéric Leroux.

Le reste est investi dans les économies émergentes comme le Brésil et la Chine. Le Japon s’y taillera une place croissante à l’avenir, en raison de la dépréciation du yen et de la compétitivité du marché nippon, où les investisseurs étrangers sont pour l’instant peu présents. Ce marché sous-évalué pourrait représenter un élément de diversification du portefeuille intéressant, estime Frédéric Leroux.

Gestion du risque « drastique »

Le fonds est doté d’« une gestion du risque drastique pour éviter les grands moments de douleurs qui incitent les clients à quitter le marché », dit Frédéric Leroux. « Si vous proposez cela à vos clients, ils vous restent fidèles très longtemps », ajoute-t-il.

Il précise que le fonds a bien résisté aux deux dernières crises boursières grâce à une stratégie de gestion active destinée à permettre aux clients de profiter des rebonds.

La dernière décennie, pendant laquelle l’inflation a été stable, a été moins favorable à ces stratégies. Cependant, le contexte actuel s’y prête mieux.

« Dès l’instant où l’inflation revient, les banques centrales interviennent avec des actions qui réveillent le cycle économique. Notre gestion diversifiée dynamique top-down (descendante) retrouve alors un terrain de jeu favorable », observe Frédéric Leroux, estimant que l’inflation durera pendant une dizaine d’années.

Dans ce contexte, l’apport de la firme aux allocateurs de marchés québécois consistera à procurer de la diversification à des portefeuilles concentrés sur les valeurs américaines et de croissance.