Il juge faible la probabilité d’une récession en Amérique du Nord au cours des 12 à 24 prochains mois. C’est pourquoi la portion en actions du fonds, qui peut varier de 40 à 60 %, se situait récemment à 55,6 %, soit 29,9 % en actions canadiennes, 18 % en actions américaines et 7,7 % en actions internationales de pays développés. S’y ajoutent 42,3 % en obligations et 2,1 % en encaisse.

La pondération en actions était de près de 60 % il y a un an : «Nous croyons que l’économie mondiale croît à un rythme modéré et que les politiques monétaires resteront accommodantes. Les valorisations des actions sont cependant moins attrayantes», soutient-il.

Paul Taylor sous-pondère les actions canadiennes au profit des actions américaines et internationales. En effet, il croit que le marché n’a toujours pas accepté la répercussion éventuelle d’un prix du pétrole plus bas sur l’activité économique et sur les bénéfices des entreprises canadiennes.

Actions canadiennes sous-pondérées

Pour Paul Taylor, la situation au Canada ressemble beaucoup à celle que le pays a connue en 1985-1986, quand le prix du pétrole avait chuté de 60 % en un an et que la croissance réelle était passée de 5 % à zéro en 18 mois. Il pense que le pays aura beaucoup de difficulté à enregistrer une croissance supérieure à 1,5 % au cours des deux ou trois prochains trimestres. En conséquence, les bénéfices des sociétés seront faibles.

À l’inverse, un prix du pétrole bas, un euro faible et une politique monétaire très laxiste permettent d’anticiper que la croissance économique s’améliorera dans la zone euro. C’est sans compter que les valorisations boursières y sont un peu moins élevées qu’au Canada.

Enfin, la croissance économique aux États-Unis continuera d’être supérieure à celle du Canada et devrait varier entre 2,25 % et 2,5 % en 2016.

Le fonds surpondère les titres du secteur de la consommation de base et discrétionnaire et de la technologie, et certains titres du secteur financier. Par contre, les titres cycliques du secteur des ressources sont sous-pondérés.

Le portefeuille de titres à revenu fixe est composé surtout d’obligations de sociétés de première qualité, et sa duration est semblable à celle de l’indice obligataire universel FTSE TMX Canada, qui oscille autour de 7,4 ans.

Risque modéré de récession

«Nous demeurons optimistes quant aux perspectives du marché boursier, mais nous sommes désormais en sixième ou septième manche. Toutefois, avant d’abaisser notre pondération en actions, actuellement de 35 %, nous voulons nous assurer que les risques d’une récession augmentent», précise Chris Kresic, gestionnaire principal du Fonds Jarislowsky Fraser Sélect revenu, dont la pondération type est de 25 % en actions, de 65 % en obligations et de 5 % en encaisse.

Or, ce n’est pas le cas, selon lui. Il admet que la croissance économique aux États-Unis est assez faible, de l’ordre de 2 % par an. Mais il rappelle qu’habituellement, les récessions surviennent lorsqu’il y a des excès. Ils sont difficiles à repérer dans les secteurs cycliques de l’économie américaine comme ceux de l’automobile ou de l’habitation.

«L’année 2015 a été celle de deux économies chez nos voisins du Sud : une très faible production industrielle, en bonne partie à cause de la contraction du secteur de l’énergie, et un secteur des services en bonne progression, avec une croissance de 3 %. La combinaison se traduit par une croissance lente, car le secteur des services compte pour 80 % de l’économie. Ce n’est pas suffisant pour conclure que les risques d’une récession sont élevés» , calcule Chris Kresic.

Il rappelle qu’au Canada, la contraction du secteur de l’énergie a réduit la croissance du PIB de deux points de pourcentage au cours du 1er semestre de 2015. Il s’attend à ce que les effets de cet impact se dissipent et que les bénéfices des coûts plus bas de l’énergie se fassent sentir sur la consommation.

Par ailleurs, étant donné que l’Europe lutte contre la déflation en maintenant ses taux très bas, les taux aux États-Unis ne peuvent pas monter de manière importante, selon Chris Kresic.

Il prévoit que le taux des obligations de 10 ans, qui oscille actuellement autour de 2,25 %, pourrait atteindre 2,75 % en 2016. Il serait très surpris s’il dépassait 3 % avant la fin de 2016.

Chris Kresic croit que la Réserve fédérale américaine (Fed) peut continuer d’augmenter son taux directeur. Une hausse lente serait de 1 point de pourcentage en un an. Dans le passé, ce rythme n’a pas fait dérailler le marché boursier, affirme-t-il.

Aubaines dans l’énergie

Il croit cependant que la Fed ne voudra pas que les taux à court terme soient plus élevés que les taux à long terme (courbe inversée), ce qui, par le passé, a souvent contribué à précipiter une récession.

Chris Kresic trouve des aubaines dans le secteur énergétique, qu’il surpondère. Jarislowsky Fraser (JF) se concentre sur les titres à grande capitalisation comme Suncor : «Cela nous a aidés cette année, car le titre est en hausse alors que les autres sont en baisse», note-t-il.

Il remarque que la demande de pétrole continue de croître chaque année. Certes, l’offre a beaucoup augmenté, mais elle est en train de se stabiliser et cessera un jour de croître. Le prix du pétrole ne devrait pas baisser beaucoup plus et devrait éventuellement revenir à 70 $ US le baril, selon lui. Il continue de sous-pondérer les autres ressources, ce qui s’aligne sur la philosophie de gestion de JF, axée sur la qualité des entreprises.

La portion en titres à revenu fixe est composée à 70 % d’obligations de sociétés de première qualité. Le fonds ne détient aucune obligation à rendement élevé (junk bonds).

Surveiller le chômage américain

Alors que la pondération de référence de la Catégorie de société de répartition de l’actif Cambridge est de 60 % en actions et 40 % en titres à revenu fixe, sa pondération actuelle est de 38 % en actions, à quoi s’ajoutent 10 % en titres immobiliers et d’infrastructures, pour un total de 48 % en titres participatifs. Son encaisse atteint 35 %.

Robert Swanson, cogestionnaire du fonds, note que la croissance mondiale ralentit et qu’elle est certainement inférieure à ce qu’elle a été au cours des deux dernières décennies. Il note aussi que les bénéfices ont baissé de 8 % à l’échelle mondiale en une année.

Il n’exclut pas la possibilité que cette constante diminution de la croissance ne mène à une récession. À cet égard, il surveille le chômage aux États-Unis. Une remontée serait un signal préoccupant.

«Nous avons besoin de voir une augmentation robuste des bénéfices, et cette augmentation doit provenir d’une augmentation du chiffre d’affaires pour que le marché boursier puisse se maintenir à son niveau actuel, a fortiori avancer de manière soutenue», dit-il.

«Sinon, les prix des titres doivent baisser pour satisfaire nos critères d’évaluation. Certes, le marché a subi une correction au début de l’automne, mais il a par la suite repris tout le terrain perdu depuis le 17 août, tandis que les bénéfices faisaient du surplace, de sorte que les évaluations ont encore grimpé», poursuit-il.

Il rappelle que les bénéfices de l’indice MSCI mondial sont en baisse entre leur niveau de 2011 et aujourd’hui, alors que le niveau de l’indice, lorsqu’exprimé en dollars canadiens, a pratiquement doublé.

Or, une moitié de cette appréciation résulte de l’expansion du multiple des bénéfices, et l’autre est l’effet de la dépréciation du dollar canadien par rapport aux autres devises : «Cela ne correspond pas au rendement durable attribuable à la croissance des bénéfices que nous cherchons. C’est un environnement beaucoup plus risqué», précise-t-il.

Attention à la Fed

«Nos actions sont de nature défensive. Les secteurs cycliques que sont ceux de l’énergie, des produits matériels et des industrielles ne comptent que pour 8 % du fonds, par rapport à 14 % pour celui de la consommation, à 8 % pour celui de la finance et à 8 % pour celui de la technologie, pour un total de 38 %. Nous serions satisfaits d’obtenir un rendement de nos actions de 7 % à 10 %», convient-il.

Une partie de l’encaisse pourrait servir à augmenter la portion actuelle de 17 % consacrée aux obligations, soit 2 % au Canada et 15 % aux États-Unis. Il admet que logiquement, dans un contexte de ralentissement de la croissance, les obligations devraient être la catégorie d’actif à favoriser.

Cependant, la Fed a augmenté son taux directeur en décembre, et il y a un risque que cela pousse les taux des obligations à la hausse.

Le fonds ne détient aucune obligation gouvernementale, mais plutôt un mélange d’obligations de sociétés de première qualité et à haut rendement (de 5 % environ en moyenne) et une échéance moyenne d’environ quatre ans.

Robert Swanson souligne qu’au cours des dernières semaines, l’écart de rendement (spread) entre les obligations gouvernementales et celles des sociétés s’est rapidement creusé, alors que le ralentissement économique se confirmait. Il se prépare à répartir une portion significative de son encaisse en obligations de sociétés de première qualité au fur et à mesure que cet écart s’accentuera.