Sauf qu’après quatre ou cinq ans, Réginald s’est rendu compte que quelque chose clochait. «Le développement des affaires faisait partie de mes valeurs intrinsèques, alors que lui n’en faisait pas beaucoup, explique-t-il. Et j’étais plus engagé que lui dans son entreprise.» Bref, il a constaté qu’il «ne retirait rien» de cette relation.

Ce sont là des indices d’un mauvais mentorat, selon Sara Gilbert, fondatrice et consultante de Développement des affaires Strategist(e). «Si à la suite de quelques rencontres avec son mentor, le conseiller n’apprend rien et qu’il sort de là sans s’interroger, c’est signe qu’il n’est pas nécessairement avec la bonne personne», résume-t-elle.

«Un mauvais mentor, c’est quelqu’un qui ne nous aide pas à progresser dans la sphère où nous avons nous-mêmes déterminé que nous avions besoin de grandir», précise Sara Gilbert. Ainsi, un directeur de succursale pourra par exemple être un très bon mentor pour un professionnel qui souhaite se bâtir un portefeuille ou faire une offre de services, mais un très mauvais mentor en développement d’affaires et en réseautage.

Dans un récent article publié sur finance-investissement.com, Leen Sawalha, consultante en ressources humaines chez AtmanCo, a souligné six traits de personnalité d’un mauvais mentor, soit «égoïste, mauvais communicateur, méfiant, anxieux, qui manque de temps et qui ne reconnaît pas le potentiel» (http://bit.ly/1IE9kMo).

Réginald Baillargeon en ajouterait un septième – la peur de la concurrence – et Sara Gilbert, un huitième – le manque d’expérience. «Un mentor, c’est quelqu’un à qui nous voulons ressembler, donc il faut aller chercher quelqu’un qui possède les habiletés que nous cherchons à développer», note-t-elle.

Réginald Baillargeon est entièrement d’accord avec la spécialiste. «Mon mentor aurait dû m’aider à satisfaire mes ambitions, mais ça n’a pas été le cas. Si c’était à refaire, je chercherais quelqu’un à qui je veux ressembler», admet celui qui est aujourd’hui conseiller en placement dans une firme de valeurs mobilières d’envergure.

De plus, il chercherait quelqu’un qui exerce à l’extérieur de son entreprise, car à son avis, «il faut absolument qu’il y ait une distance professionnelle entre le mentor et le mentoré, à moins qu’il ne s’agisse d’un conseiller plus âgé qui souhaite lui léguer sa clientèle».

Être franc et transparent

Quand il a compris que la relation avec son mentor ne le servait pas, Réginald a tout simplement arrêté de lui poser des questions. «Et il ne s’en est pas aperçu», se souvient-il.

Sans quoi, voici ce qu’il aurait fait : «Vous vous rendez de moins en moins disponible, comme avec des amis dont on voudrait se débarrasser. Vous donnez moins de nouvelles, vous reportez des rendez-vous, et le message passe…»

À l’inverse, Sara Gilbert suggère d’être franc. «Être transparent, c’est vraiment la clé, fait-elle valoir. Si le mentorat ne va pas dans la direction souhaitée, il faut poser des questions à son mentor, lui demander s’il n’a pas d’autres pistes pour nous, ou encore s’il connaît quelqu’un qui pourrait nous aider.» Selon elle, quelqu’un qui accepte d’être mentor «a de l’humilité» et «accepte qu’il peut ne pas être parfait pour tout le monde».

«Et si le mentor insiste pour le garder, le mentoré peut aussi simplement demander une pause, note-t-elle. C’est une très bonne porte de sortie, tout comme d’évoquer le manque de temps du mentor ou du mentoré.»

Une chose est sûre, il faut trouver une manière de mettre fin au mauvais mentorat, et plus tôt que tard. «C’est comme une relation amoureuse où l’on se quitte trop tard, quand on se hait, remarque Sara Gilbert. Quand le mentoré ne part pas assez vite et que la relation se dégrade, ça laisse des traces.»

Réginald Baillargeon est entièrement d’accord, et il parle d’expérience. «Ça a déteint sur ma façon de développer et de traiter ma clientèle, déplore-t-il. Ça a mis un frein à la croissance de ma carrière.»

Toutefois, un professionnel ne doit pas se soumettre à trop de pression, rappelle Sara Gilbert, car il établira sans aucun doute plusieurs relations de mentorat tout au long de sa carrière. «Le mentorat, ce n’est pas grave si ça ne fonctionne pas une fois, rassure-t-elle. Si ça ne fonctionne pas deux ou trois fois, là, il lui faudra se livrer à l’introspection.»

*Le nom a été changé.