Homme pris entre deux murs
alphaspirit / 123RF Banque d'images

Si les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) abolissaient les frais d’acquisition reportés (FAR), elles nuiraient au modèle d’affaires des indépendants, ne régleraient pas tous les problèmes qu’elles cherchent à résoudre et agiraient à l’encontre de leur propre mission.

C’est ce qu’indique Groupe Cloutier Investissements, dans un mémoire déposé auprès des ACVM à l’occasion de leur consultation sur la possibilité d’abolir les FAR.

Le courtier note que l’abolition toucherait presque exclusivement les distributeurs indépendants qui ne sont pas affiliés à un groupe intégré. Or, dans sa consultation sur l’option d’abolir les FAR, les ACVM élabore peu sur ce fait, ce que déplore le Groupe Cloutier.

« Aucune piste de solution n’est proposée pour les distributeurs indépendants autre que d’accepter une baisse importante des revenus et de trouver des moyens pour « internaliser » les coûts et les risques associés au recrutement et à l’accueil de nouveaux conseillers », lit-on dans le mémoire du courtier.

« On y présente cette constatation comme un dommage collatéral triste, mais nécessaire, écrit le Groupe Cloutier. Nous ne pouvons que déplorer le peu de considération pour les impacts de la réforme proposée sur des dizaines de courtiers et des milliers de représentants que l’on a laissés s’épanouir depuis des décennies et à qui l’ont dit aujourd’hui que cet essor a été fait au détriment des intérêts du client. »

Selon le Groupe Cloutier, abolir les FAR est même contraire à la mission des ACVM qui est de protéger les investisseurs « tout en favorisant l’équité, l’efficacité et la vigueur des marchés financiers ».

Or, l’interdiction des FAR « aurait des impacts commerciaux totalement inéquitables puisqu’elle n’affecterait que le secteur de la distribution indépendante, déjà en perte de vitesse. »

D’après le Groupe Cloutier, cela « fragiliserait ce rempart à la compétitivité que constituent les entreprises [indépendantes] en réduisant leur capacité d’intégrer de nouveaux conseillers. Cela risquerait de créer un vacuum en faveur des réseaux intégrés, résultant inévitablement en une réduction des options pour les clients. Malheureusement, ces conséquences seraient irréversibles. »

Le Groupe Cloutier montre du doigt plusieurs conséquences importantes : « la relève potentielle qui aurait pu se tourner vers le secteur de la distribution indépendante y verra nécessairement moins d’avantages et de stabilité ». De plus, « une vague de consolidation risque d’emporter les plus petits courtiers qui ne seront pas en mesure d’assumer une baisse importante de leurs revenus, potentiellement au profit des réseaux intégrés. »

De plus, après avoir fait un sondage auprès de ses conseillers, le Groupe Cloutier note que, « advenant la disparition des fonds à frais d’acquisition reportés, ce sont 40 % des conseillers ayant un bloc d’affaires de 10 M$ ou plus qui refuseront de servir davantage de clients du marché de masse (ayant 100 000 $ ou moins à investir ». 

Le problème ne serait pas réglé

Même si les ACVM abolissaient les FAR, l’échéancier de frais de rachat différés ne disparaîtra pas pour autant, souligne le Groupe Cloutier. Une firme de courtage pourrait « intégrer une cédule de frais dégressive dans la grille tarifaire de son offre de comptes nominés (aussi appelés comptes autogérés) ».

« Rien dans les modifications réglementaires proposées n’empêcherait un courtier de se prémunir contre les pertes de revenus reliées au départ hâtif d’un client vers une autre institution financière par le biais d’une cédule de frais dégressive. Par exemple, il pourrait facturer des frais administratifs de 5 % sur tout rachat effectué dans la première année, 4% dans la deuxième année, etc. », lit-on dans le mémoire du Groupe Cloutier.

Alors qu’il serait interdit par les manufacturiers de facturer des FAR dans les comptes au nom des clients, les courtiers seraient « libres d’internaliser à leurs processus la cédule de frais de rachat ».

« Les ACVM ne devraient pas tenir pour acquis que l’abrogation du Règlement 81-105 résulterait inévitablement en la disparition complète des cédules de frais de rachat et des inconvénients qui l’accompagnent », écrit le Groupe Cloutier.

Le Groupe Cloutier propose plusieurs solutions afin d’éviter l’abolition des FAR, soit un encadrement plus strict de l’utilisation des FAR, une meilleure divulgation de ceux-ci au moment de la souscription et la création de séries de fonds avec rétrofacturation de commission (aussi appelés décommissionnement).