Un homme d'affaire tenant devant son visage un papier avec un smiley qui sourit. Dans son autre main, il a une feuille noire avec un smiley pas content.
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Dans sa consultation qui a pris fin en février dernier, l’Autorité des marchés financiers (AMF) propose un nouveau processus de suivi des activités externes des représentants encadrés par Loi sur la distribution de produits et services financiers. En même temps, elle abolit les règles relatives aux activités externes incompatibles, mais vise à éviter les dérapages en introduisant un principe de séparation de clientèles.

Les restrictions à l’endroit des activités externes des représentants continueraient d’exister, mais leur traitement serait modifié. Auparavant, chaque situation portant un potentiel de conflit d’intérêts était soumise à l’AMF pour approbation au cas par cas. Désormais, l’AMF propose de transférer aux représentants et aux cabinets la décision de juger si une activité externe peut mener à un conflit d’intérêts. Il suffira que le représentant fasse une déclaration de son activité externe, que le cabinet conservera dans un dossier spécialement à cet effet.

Ces activités externes sont multiples : elles peuvent aller d’administrateur de conseil à infirmière, en passant par la vente automobile ou le coaching professionnel. L’activité externe la plus fréquente, nous dit un membre du personnel de l’AMF dont on ne peut révéler l’identité, est… livreur de pizza. Il s’agit de candidats à la profession qui exercent ce métier le temps d’obtenir leur permis et qui le poursuivent en début de carrière.

Auparavant, l’AMF précisait un certain nombre d’occupations incompatibles avec l’activité de représentant : juge, policier, notaire, avocat, médecin, etc. « Ces incompatibilités n’existent plus, mais les activités conflictuelles doivent être déclarées », affirme l’intervenant de l’AMF. Il ajoute que cette abrogation des occupations incompatibles vise à « répondre aux enjeux de pénurie de main-d’oeuvre de l’industrie ».

Selon la consultation, le représentant devra se conformer à ses obligations en matière de conflits d’intérêts et de disponibilité pour sa clientèle.

Par ailleurs, l’AMF introduit certaines exclusions qu’elle appelle la séparation des clientèles. Ainsi, un représentant qui s’adonne à une activité externe ne pourrait donner ses conseils ou vendre des produits à une personne impliquée dans cette activité externe, ni plus aux membres de la famille de cette personne. Par exemple, un conseiller qui travaille les fins de semaine pour un concessionnaire automobile ne pourrait assurer le véhicule d’une personne à qui il l’a vendu, et ne pourrait non plus en faire autant pour les membres de la famille immédiate de cet acheteur.

Selon la consultation, un représentant en assurance de personnes ou un planificateur financier ne pourrait offrir de produits et services à une personne avec laquelle il est en situation d’influence en raison de la nature de l’activité externe.

L’AMF déclare que « les modifications réglementaires proposées s’inscrivent dans un objectif de protection du public et d’optimisation de la charge de conformité» . Comment ? « Des règles plus claires et connues d’avance seront plus faciles à appliquer pour les représentants et faciliteront pour le public les recours devant le tribunal », répond l’employé de l’AMF, ajoutant : « Nos interventions seront facilitées pour voir ce qui se passe dans les cabinets. »

Fardeau alourdi ?

Quant à l’optimisation de la charge de conformité, l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP) et le Bureau d’assurance du Canada (BAC) le voient d’un autre oeil, d’après leurs mémoires en réponse. L’ACCAP juge que la charge de conformité des cabinets sera accrue car ils devront, entre autres, interpréter les nouvelles exigences, évaluer les risques de conflits d’intérêt, évaluer chaque cas d’activités externes, superviser en continu la conformité des activités, créer une structure formelle de conformité permettant de démontrer la conformité du cabinet aux nouvelles règles.

L’AMF ne commente pas les doléances des deux associations et s’empresse plutôt de signaler que ces deux organismes « ne refusent pas les nouvelles propositions réglementaires », ce qui est exact.

Cependant, l’interlocuteur de l’AMF note que les deux organismes demandent « plus d’artillerie» pour affronter la nouvelle situation, notamment une période de transition prolongée d’un an pour s’ajuster aux nouvelles règles, et des directives détaillées de ce que l’AMF attend. Le BAC soumet « qu’un guide préparé par l’Autorité constituerait un outil essentiel ». Sans se prononcer sur l’allocation d’une période de prolongation, le membre du personnel de l’AMF rassure les organismes de représentation que « des outils vont être développés pour les cabinets et les représentants ».

Il signale par ailleurs que le comité consultatif des représentants « était très favorable à ces changements à cause des règles plus précises et formelles, plus faciles à appliquer selon les représentants. Aussi, il n’y aurait plus de délais. Le représentant sait déjà ce qui est admissible de même que les paramètres dans lesquels il peut exercer ses activités » .

« Il y a un certain flou » dans les propositions de l’AMF, reconnaît François Bruneau, vice-président, administration au Groupe Cloutier. Par contre, il y repère des avantages certains, tout particulièrement pour les représentants autonomes. « Pour ce représentant, dit-il, qui n’a pas de cabinet au-dessus de lui, ça pouvait devenir complexe » de déterminer ce qui est admissible comme activité externe. « En relâchant un peu les exigences et en ciblant les cas de conflit potentiel, ça devient plus simple à gérer pour tout le monde. »

Le dirigeant est sensible aux doléances de l’ACCAP et du BAC. « Je peux comprendre leur point de vue du fait que les responsables des cabinets (d’assurance) n’ont pas l’habitude de poser des questions ou de se prononcer» au sujet des activités externes. Mais en se basant sur son expérience à la fois dans le secteur de l’épargne collective et dans celui de l’assurance, François Bruneau se fait rassurant : « C’est quelque chose qui s’acquiert. Du côté de l’investissement, on est inspectés tous les trois ans, alors qu’en assurance, les inspections pouvaient s’espacer sur plusieurs années. Mais je salue quand même l’harmonisation en cours. »