Un homme d'affaires montrant un graphique en transparence sur une ville. Autour on voit pleins de petits virus de COVID-19.
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La crise sans précédent découlant de la pandémie de COVID-19 a entraîné une série de conséquences fort variables dans tous les secteurs de l’économie, y compris dans l’écosystème fintech.

Si les start-ups qui le composent ont vécu chacune ce parcours de manière différente, avec plus ou moins de succès que ce qui était parfois espéré, bon nombre semblent au final avoir trouvé inutile de se lamenter, cherchant plutôt à tirer le meilleur parti de la situation.

Rappelons que le «Grand Montréal se positionne comme un acteur incontournable des technologies financières», notamment parce que cet écosystème «s’appuie sur un secteur financier imposant», comme le signale Montréal International.

L’agence de promotion économique du Grand Montréal pour les investisseurs et les organisations internationales fait état d’un écosystème favorable au développement des entreprises de technologie financière.

Elle indique que «Montréal accueille une communauté fintech florissante avec des chefs de file locaux tels que Lightspeed, Mobeewave, Nuvei», et évoque la forte présence d’accélérateurs et d’incubateurs en technologie pour soutenir les fintechs, de même que celle de plus de sept chaires de recherche en fintech et finance.

Le gouvernement du Québec, dans le but de soutenir ces activités, a notamment fourni un financement de 10 M$ à Finance Montréal en 2018, afin de mettre en place un pôle d’excellence de ce secteur.

C’est ainsi que le 6 décembre 2019, la Station FinTech Montréal ouvrait ses portes au cœur du quartier des affaires, à la Place Ville-Marie, à titre de point d’ancrage de l’écosystème, proposant notamment un nouvel espace de travail consacré aux start-ups de l’industrie des technologies financières. Le but étant de favoriser leur croissance par l’entremise de synergies et de collaboration entre elles, mais aussi avec les grands acteurs de l’industrie financière montréalaise.

Toutefois, trois mois plus tard, le gouvernement du Québec a été forcé de mettre en place des politiques exceptionnelles en raison de la crise sanitaire provoquée par la maladie à coronavirus 2019. Le 13 mars 2020, le gouvernement a ainsi déclaré l’urgence sanitaire.

Cette décision a entraîné la fermeture de nombreux lieux publics, interdit les rassemblements de plus de deux personnes et, pour tous les secteurs et types d’emplois où il est possible de travailler à distance, introduit le télétravail. Dans la foulée, la Station FinTech Montréal a fermé à ce moment l’accès à ses locaux nouvellement inaugurés, conformément aux directives de la santé publique.

«La préoccupation la plus immédiate a été, pour tout, de gérer l’incertitude et l’évolution de la situation», explique Jacques Deforges, directeur général de Finance Montréal, à Finance et Investissement.

Par conséquent, l’édition 2020 du Forum Fintech Canada, le plus important événement du domaine des technologies financières au Canada et l’activité phare de Finance Montréal, a été annulée. Des rencontres mensuelles «Off du Forum» ont alors été organisées de manière virtuelle. Finance Montréal a aussi développé une initiative basée sur l’une des activités les plus populaires du Forum, soit le Concours de pitch.

C’est ainsi que le Million Dollar Startup est né. Parmi les candidatures, 20 start-ups du Canada, des États-Unis, d’Asie et d’Europe intervenant dans différents domaines, dont la gestion de patrimoine et l’assurance, ont été sélectionnées pour participer à la compétition.

Il s’agit d’une «série-réalité sous forme de podcast, où des startups s’affrontent pour la chance d’obtenir un investissement de 1 M$ de Portag3, notre partenaire principal pour l’initiative. Investissement Québec, Fasken et KPMG ont eux aussi appuyé l’initiative. Les six épisodes ont été mis en ligne en octobre-novembre et plus de 1 000 personnes les ont téléchargés», explique Jacques Deforges.

Sur le terrain

Les fintechs elles-mêmes, bien qu’elles se distinguent par leur agilité et leur approche innovante, n’ont pas été épargnées lorsque l’économie a été paralysée. Elles ont dû revoir, elles aussi, leur manière de faire, ainsi que plusieurs de leurs projets.

Parmi les impacts observés au fil de la pandémie, Jacques Deforges mentionne la diminution des investissements en préamorçage et amorçage, ce qui a probablement retardé le développement de certaines start-ups, et la concentration des capitaux dans les entreprises déjà en portefeuille des investisseurs en capital de risque. Il signale en contrepartie que la robustesse de l’écosystème a permis à beaucoup de ses acteurs de croître plus rapidement.

«La pandémie a accéléré l’adoption de plusieurs technologies, dont notamment les moyens de paiement numériques et la signature électronique. Les fintechs dans ce domaine ont pu tirer profit de ces occasions», illustre-t-il.

Jacques Deforges est aussi d’avis que l’agilité des fintechs leur a permis de se lancer rapidement en mode «réponse à la crise» et de s’adapter à la nouvelle réalité, tirant parti de besoins nouvellement exprimés.

Il fait remarquer que la pandémie a eu pour effet d’accélérer la transformation technologique des institutions financières. Cela, dans un contexte où souvent les budgets TI avaient diminué, soutenant au final une tendance à se tourner vers des solutions externes. Cela aurait donc «poussé bon nombre d’entre elles à faire appel aux fintechs pour les aider dans ce processus».

David Nault, cofondateur et associé directeur de Luge Capital, un fonds de capital de risque qui investit dans des fintechs en démarrage, abonde dans le même sens. La COVID-19 a rapidement accéléré l’adoption par les consommateurs de solutions bancaires en ligne, de devis d’assurance en ligne et d’outils d’investissement.

En conséquence, «de nombreuses entreprises soutenues par Luge Capital ont suscité l’intérêt d’institutions financières importantes, intéressées à voir comment leurs solutions pourraient les aider à innover rapidement».

La demande a ainsi augmenté pour les fintechs susceptibles d’aider les institutions financières à continuer de servir leurs clients dans un environnement virtuel. David Nault cite en exemple Flinks, de Montréal, «qui a connu une croissance exponentielle en raison de sa technologie qui facilite les transactions financières en ligne».

David Nault a lui aussi observé qu’au début de la pandémie, de nombreux investisseurs dans le secteur du financement de fintechs en démarrage ont fait une pause du côté des nouvelles start-ups afin de se concentrer sur le financement d’entreprises existantes. Un an plus tard, il signale toutefois que cela a changé : «Les investisseurs sont de retour à la table», dit-il.

Ils demeurent toutefois prudents et recherchent essentiellement «des entreprises qui bénéficient clairement du vent que peut leur insuffler le marché post-COVID», dit David Nault.

Il ajoute que pour s’engager dans de nouveaux investissements, les accélérateurs et autres incubateurs en technologie doivent nécessairement se sentir suffisamment à l’aise avec l’offre mise de l’avant en matière technologique pour s’engager sans avoir rencontré en personne les entrepreneurs derrière ces fintechs. Il s’agit présentement «du plus grand défi pour le secteur du capital-risque», selon lui.

Un défi que n’hésitent toutefois pas à relever certaines fintechs qui arrivent ainsi à tirer leur épingle du jeu. C’est le cas de la firme montréalaise Bacon Financial Technologies, mieux connue sous le nom de sa marque Hardbacon. Elle a annoncé le 1er mars 2021 qu’elle avait obtenu un financement de 1 166 400$provenant de plus de 800 investisseurs par l’entremise du portail de financement participatif en capital FrontFundr.

L’entreprise commercialise une application de finances personnelles et prévoit avec cet argent continuer à améliorer ses comparateurs de produits financiers, comme celui de cartes de crédit et de courtiers en ligne, et développer une version web de son application mobile.

Autre signe encourageant pour l’écosystème fintech de Montréal, le Centre financier international de Finance Montréal, qui se spécialise dans l’attraction d’entreprises financières internationales à Montréal, a accueilli au cours des derniers mois deux nouvelles entreprises, malgré la crise sanitaire.

Parmi elles, Futures First, une filiale de la multinationale Hertshten, a choisi Montréal pour y installer son premier bureau nord-américain. Futures First Canada fournit des services d’analyse de marché pour divers produits à terme et options dans toutes les catégories d’actifs, y compris les produits à revenu fixe, les matières premières, les actions et les produits énergétiques.

Jacques Deforges, qui se réjouit de la situation, affirme voir maintenant passer beaucoup d’offres d’emploi du côté des fintechs québécoises, ce qui démontre que le secteur demeure en pleine croissance.

«Cela dit, le recrutement de talents technologiques sera une grande préoccupation, tant du côté des fintechs que de celui des institutions financières. Ce sera un long et difficile retour à la normale pour tous, mais l’agilité et la résilience des fintechs nous laissent présager une relance réussie», ajoute-t-il.