Un graphique qui montre une baisse.
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Alors que le vieillissement de la population devrait favoriser les ventes de fonds distincts traditionnels, ce n’est pas le cas présentement.

Pour la période d’un an se terminant à la fin d’août 2019, les fonds distincts traditionnels affichent des rachats nets de 0,8 G$, selon une étude d’Investor Economics (filiale d’ISS Market Intelligence). Au cours des années 2016 et 2017, les fonds distincts affichaient pourtant des ventes nettes de 0,7 G$ et 0,9 G$ respectivement.

Dans le segment des fonds distincts avec garantie de revenu viager (GRV), la tendance des rachats nets s’est maintenue. Pour la période d’un an se terminant à la fin d’août, ils s’élèvent à 3,3 G$. Ils se chiffraient à 1,4 G$ en 2016, à 2,1 G$ en 2017 et à 3,3 G$ en 2018, selon Investor Economics.

Ces rachats nets pour l’ensemble des fonds distincts, traditionnels et avec GRV, ont freiné la progression de l’actif sous gestion (ASG) de ce secteur. À la fin de décembre 2017, l’ASG en fonds distincts toutes catégories s’élevait à 120,1 G$ par rapport à 117,7 G$ à la fin d’août 2019. Résultat : la part des fonds distincts dans l’ensemble des fonds d’investissement canadiens, qui comprend notamment les fonds distincts individuels, les fonds communs de placement (FCP) et les fonds négociés en Bourse (FNB), est passée de 7,4 % en 2016 à 6,9 % en 2018. Et la glissade se poursuit, un creux de 6,6 % ayant été atteint en août 2019, selon Investor Economics.

«Ce qu’il faut retenir, dit Randa Hassanein, analyste senior en assurance chez Investor Economics, c’est que les rachats nets du côté des GRV s’empilent. Ces produits ont des échéances en général de 10 à 15 ans, et on voit que plusieurs produits vendus à l’époque arrivent maintenant à maturité.»

Or, on s’attendrait, avec l’afflux de baby-boomers qui arrivent à la retraite, que les ventes de fonds distincts soient en nette progression. Il n’en est rien. «La tendance démographique devrait les favoriser, reconnaît Randa Hassanein. L’arrivée à la retraite est le moment où les gens acquièrent ces produits.»

L’expérience sur le terrain de Francis Frappier, conseiller en sécurité financière chez Finexia, le confirme. «J’ai des clients dans la soixantaine et ils ne sont pas du tout sensibles aux garanties. Ils jugent qu’ils n’en ont pas besoin et poursuivent avec les fonds communs.»

«On voit dans notre pratique que les conseillers vendent 10 fois plus de fonds communs que de fonds distincts. Pourtant, la plupart ont le double permis [produits d’investissement et produits d’assurance]», ajoute Guy Duhaime, président du Groupe Financier Multi Courtage et lui-même conseiller en sécurité financière.

Rappelons rapidement certains arguments de vente clés des fonds distincts. En premier lieu, ils proposent des garanties de capital à l’échéance et au décès qui vont de 75 % à 100 % du capital investi au départ. En tant que produits d’assurance, et non d’investissement, ils peuvent être insaisissables et peuvent être transférés directement à tout bénéficiaire sans ponction fiscale. «C’est un outil de stratégie fiscale intéressant en situation de succession», fait valoir Francis Frappier.

Faire les frais… des frais

Donc, les ventes stagnent, et tout laisse présager une baisse marquée. Pourquoi ?

L’explication la plus fréquemment mise en avant renvoie à l’importance grandissante des frais et à la montée en popularité des FNB.

«Le déclin vient de la pression à la baisse dans les frais de gestion», explique Guy Duhaime. Quand un client se retrouve face à un produit pour lequel les frais de gestion sont, d’un côté, de 0,25 %, et de l’autre, de 3,25 %, le choix s’impose de lui-même. À moins qu’un investisseur veuille vraiment une garantie de capital, fait ressortir Michel Mailloux, président fondateur du Collège des professions financières. «Si vous avez 75 ans et qu’une compagnie d’assurance est prête à vous donner une garantie de 10 ans, formidable, allez-y !» lance-t-il.

Par contre, le fonds distinct est loin de gagner l’assentiment de Guy Duhaime : «Il est rare qu’un fonds vaille moins que son capital au bout de 10 ou 15 ans», fait-il remarquer. C’est un coup d’oeil que partage Michel Mailloux : «J’espère que nos formations aident à dégonfler [les fonds distincts], affirme-t-il. C’est un produit très niché, bon pour un professionnel ou un entrepreneur, par exemple, parce que le capital est reconnu comme insaisissable. Mais ce privilège d’insaisissabilité est cher !»

De plus, le contexte financier n’accroît guère l’attrait des fonds distincts. «Nous sommes dans un marché boursier en hausse historique ; il est difficile de vendre un produit garanti», soutient Randa Hassanein.

Étonnamment, les compagnies d’assurance semblent peu enclines à défendre leur fief et à promouvoir leurs produits, constate Guy Duhaime. «Elles ne semblent pas monter à bord de cette dynamique de publicité», dit-il, dynamique qui anime les manufacturiers de FNB et de FCP. Pourtant, c’est un produit hautement rentable pour les assureurs, observe Michel Mailloux, qui en fait remarquer le très faible taux de paiement, de l’ordre de 3 % ou 4 %, où les compagnies sont appelées à honorer la garantie de leurs produits.

Ce n’est pas dire toutefois que les assureurs sont inactifs. Quelques-uns, indique Randa Hassanein, ont abaissé les frais de leurs fonds distincts presque au niveau de ceux de leurs FCP, notamment La Capitale, RBC Groupe financier et l’Empire Vie. D’autres ont mis au point pour leurs clients fortunés des produits dont les frais baissent selon le capital investi ; c’est le cas de Desjardins Sécurité financière, l’Assurance vie Équitable et la Canada Vie.