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L’assurance vie entière avec participation (VEAP) peut être pertinente pour certains clients, à condition qu’on ne les induise pas en erreur lorsqu’on leur présente ce produit.

En effet, en utilisant trop rapidement les documents promotionnels, certains conseillers en sécurité financière risquent de comparer à tort les taux de participation de ces produits avec les rendements prévus d’un certificat de placement garanti (CPG), d’un portefeuille obligataire ou d’un portefeuille d’actions. Ce genre de comparaison est non seulement erroné, mais témoigne d’une mauvaise compréhension du produit. Voyons pourquoi.

D’abord, la VEAP est une assurance vie, et non un placement. Un client y souscrit parce qu’il a un besoin permanent d’assurance ou qu’il a des surplus d’actifs et veut faire des applications stratégiques. Par exemple, un client fortuné de 65 ans pourrait remplacer progressivement une partie de ses titres à revenu fixe détenus dans un compte non enregistré par une rente assurée, en utilisant une VEAP comme assurance.

Prenons le cas d’un homme qui a 36 ans et qui a besoin de 2 M$ de protection permanente. Plusieurs options s’offrent à lui, mais pour des raisons de simplification, limitons-nous au choix entre une VEAP et une temporaire 100 ans (T100).

La T100 est une assurance permanente simple. Ce client paiera une prime à vie et aura un capital-décès garanti. Dans ce cas, la prime annuelle est de 14 000 $ environ. Ce client devra s’assurer que ses primes seront bien payées, car le contrat ne donne droit à aucune valeur en cas de résiliation du contrat avant échéance. Il doit aussi s’assurer que le contrat ne s’éteint pas à 100 ans et il voudra aussi savoir si la prime s’arrête à ce moment.

La VEAP est plus compliquée. Dans un premier temps, la prime garantie pour ce client est de l’ordre de 39 000 $ et les valeurs de rachat sont garanties. Le capital-décès de base est aussi garanti. Les participations sont quant à elles non garanties ; elles permettront de rehausser le capital-décès et produiront des valeurs de rachat additionnelles.

La prime d’une VEAP est significativement plus élevée qu’une T100, notamment parce qu’une valeur de rachat existe. La prime est également plus élevée en raison du droit aux participations potentielles. En effet, la prime annuelle d’une vie entière sans participation est beaucoup moindre que celle d’une VEAP.

Les assureurs partagent leur risque

Examinons comment fonctionnent les participations futures d’une VEAP. Les participations sont un avantage aux titulaires de polices, versé périodiquement, qui provient des bénéfices générés par la police.

Les participations proviennent de l’écart favorable entre les hypothèses de tarification d’un assureur et les résultats réels qu’il enregistre. Les principales sources d’écart sont les rendements futurs sur les primes investies, les taux de mortalité de demain, les déchéances (abandons) de contrats, l’évolution des frais administratifs notamment en période d’inflation.

Au moment de la fixation de la prime, l’actuaire se positionne sur chacune de ces variables et adopte une approche conservatrice (ex. : moins de rendement, plus de mortalité). En conséquence, la prime fixée au titulaire est beaucoup plus élevée, mais cet excédent exigé sera éventuellement retourné sous forme de « participations » aux titulaires de ces contrats. L’assureur tiendra cette comptabilité dans un compte de participation, et non pas dans ses fonds généraux.

Voici un élément clé, les taux de participation sont en partie des primes payées en trop qui sont retournées au client en raison d’hypothèses conservatrices. Ceci est loin d’être comparable à un rendement sur un placement.

En émettant des VEAP, les assureurs se trouvent en quelque sorte à partager une partie du risque avec les titulaires. Si tout va bien, l’assuré en profite en recevant des participations plus généreuses. L’assureur en profite également, car il peut conserver certains gains dans ses réserves pour stabilisation des participations, afin de satisfaire les exigences de capital réglementaire, ou pour verser à ses actionnaires en respectant toutefois les limites fixées par l’article 461 de la Loi sur les sociétés d’assurances.

Les participations, qui essentiellement sont un remboursement de « trop payé » en raison du conservatisme initial dans le calcul de la prime, sont exprimées sous forme d’un pourcentage. Le « trop payé » n’est pas préjudiciable à long terme au titulaire, car tout excédent d’expérience lui sera retourné dans le futur, souvent par une couverture d’assurance plus élevée en cas de décès tardif.

Une illustration d’un contrat de type VEAP comporte des valeurs garanties et une estimation des valeurs pouvant provenir des participations. Les participations peuvent servir sous forme de paiement au comptant, de capitalisation des participations, de complément d’assurance, de bonification d’assurance libérée ou de réduction de primes annuelles. En accord avec les lignes directrices LD6 de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP), un scénario est présenté avec le barème des participations courantes ainsi qu’un scénario plus défavorable. Dans le contexte actuel, il peut même être recommandé d’éviter de porter trop attention au barème courant.

Il est fortement suggéré de redemander périodiquement ces illustrations pour voir comment les parties non garanties évoluent. Le conseiller qui les redemande pour son client apportera une belle valeur ajoutée.

C’est d’autant plus important de le faire que les participations sont à la baisse depuis le début des années 1990. Cette chute s’explique en grande partie avec la baisse similaire observée du rendement des titres à revenu fixe. Alors que les participations affichaient des taux avoisinant 12 % en 1990, ces taux sont plus de l’ordre de 6 % en 2018. Cette chute de moitié aura des impacts majeurs sur les illustrations produites il y a 25 ou 30 ans. Un actuaire me faisait savoir qu’à l’époque où les agents d’assurance étaient captifs, donc représentaient un assureur en particulier, le conservatisme pouvait être plus élevé, car la prime était moins comparée avec un produit externe. Les attentes de gains, soit les écarts avec les hypothèses, étaient par conséquent plus grandes.

Cette baisse des rendements des titres à revenu fixe a certainement eu un impact sur les taux réels de participation des titulaires de polices. Cependant, des gains ont probablement résulté de l’amélioration de la mortalité, puisque l’espérance de vie a continué d’augmenter au cours des 30 dernières années. En ce qui touche les déchéances, il semble y en avoir moins selon le « Rapport sur les institutions financières » de l’Autorité des marchés financiers, ce qui augmente les coûts et est défavorable aux participations.

Pour terminer la comparaison entre une T100 et une VEAP, notons que si la prime d’une VEAP pouvait représenter 2,5 fois celle d’un contrat T100, on pourrait s’attendre à ce qu’un décès à l’espérance de vie donne environ 250 % de la couverture initiale garantie. Si le client décède hâtivement, il aurait fortement préféré un contrat T100. Cependant, en cas de décès vers 95 ans, on devrait recevoir plus que le contrat T100 si on souscrit à une VEAP.

Dans les faits, le taux de rendement interne (TRI) d’un contrat T100 est décroissant, pouvant atteindre 0 % à très long terme. Dans le cas d’une couverture VEAP, le TRI est plus bas au début, car la prime versée est plus dispendieuse, et la couverture, semblable. Toutefois, dans un décès tardif, le TRI est meilleur, car la couverture est plus élevée. On pourrait dire que les participations aplanissent la courbe du TRI. Toutefois, le vrai TRI ne sera connu que dans plusieurs années quand on pourra confirmer si les illustrations de capital-décès prévu se réalisent.

Pas du rendement, les participations

Bien que les participations soient exprimées sous forme de pourcentage (ex. : 6,25 %), il est très facile de comparer injustement ce taux avec les rendements publiés dans les marchés financiers. La comparaison est souvent suggérée par les publications de vente. Ces documents marketing juxtaposent les participations annuelles historiques aux taux de rendement des obligations, CPG et actions, et analyse la volatilité de ces taux. Le but est de montrer une stabilité des taux de participation par rapport aux marchés, mais la comparaison est très boiteuse. Ce genre de comparaison peut facilement vouloir laisser croire à tort que l’assureur gère mieux les sommes.

Or, les taux de participation sont stables, entre autres parce que les assureurs utilisent des méthodes de nivellement des résultats (techniques d’uniformisation) afin de lisser les participations annuelles accordées. Par exemple, les assureurs peuvent reporter dans le temps les gains et les pertes sur les titres à revenu fixes et les actions de leur portefeuille grâce à une mécanique comptable.

De plus, rappelons-le, les participations sont la répartition entre les titulaires des gains réalisés découlant des hypothèses par rapport aux résultats réels. Si les résultats sont catastrophiques, par exemple parce que les rendements sont inférieurs aux attentes, la mortalité est élevée, il y a moins d’abandons de contrats que prévu et les coûts administratif sont en forte croissance, on pourrait techniquement voir des pertes s’accumuler. Dans ce cas, les participations deviendraient nulles, et les prestations se rapprocheraient des valeurs garanties et des assurances libérées souscrites avec les participations antérieures.

Quand un assureur déclare la participation à 6,25 %, cela ne veut aucunement dire que le compte des participations a obtenu ce rendement. Ce compte est habituellement très peu pondéré en actions. En fait, peut-être que la moitié de cette participation provient du fait que la moyenne mobile du portefeuille de placements du compte a été supérieure aux attentes de rendement utilisées lors de la tarification initiale, par exemple un rendement réel de 5 % par rapport à des attentes de 2 %. L’autre moitié pourrait provenir de l’amélioration de mortalité observée depuis quelques années, d’un taux d’abandon plus élevé ou de frais administratifs bien contrôlés. Le grand conservatisme des hypothèses rend plus probable que ces résultats techniques soient supérieurs aux anticipations.

Prétendre que 6,25 % de participation d’une VEAP est beaucoup mieux que le rendement d’un CPG est similaire à comparer une pomme avec un marteau. Et ce serait une erreur de le faire.

Si deux hommes avancent chacun 2 500 $ pour couvrir les frais d’une semaine d’un camp de pêche et reviennent avec 2 000 $ non dépensés qu’ils appliquent sur un prochain voyage, ces 2 000 $ ne sont pas du rendement sur 5 000 $. Les participations d’une VEAP proviennent en grande partie d’un trop payé pour une couverture spécifique, donc un retour d’argent pour les titulaires de VEAP.

Par Daniel Laverdière, A.S.A. Pl. fin., Directeur principal, Centre d’expertise, Banque Nationale Gestion privée 1859

Qu’est-ce qu’une VEAP ?

C’est une assurance vie entière avec participation. Cette police d’assurance permanente garantit trois choses dans sa portion de base : le taux de prime, le capital-décès et la valeur de rachat, soit le montant versé au titulaire de la prime s’il annule la police. La portion supplémentaire comprend des participations, qui sont non garanties.

Les participations sont un droit conféré au titulaire sur une base périodique, lequel est puisé à même les bénéfices que génère la police. Ces participations découlent d’une prime plus élevée. Les VEAP sont regroupées dans un bassin de polices. Lorsque les résultats sont meilleurs que prévu, les polices sont profitables et la loi exige un remboursement de ces bénéfices. La répartition de ces profits entre titulaires se fait de manière discrétionnaire pour chaque assureur.

Source : Assurance de personnes : concepts, mythes et prises de décision, Brassard Goulet Yargeau, Services financiers intégrés.

Par Daniel Laverdière, A.S.A. Pl. fin., Directeur principal, Centre d’expertise, Banque Nationale Gestion privée 1859