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«La consolidation des agents généraux par les assureurs est inévitable. Des acquisitions comme celle d’Horizons par Great-West Lifeco, il y en aura d’autres. Et elles pourraient être signées par la Financière Sun Life ou par Manuvie !» affirme James McMahon, président pour le Québec du Groupe Financier Horizons.

James McMahon est aux premières loges d’un mouvement d’acquisitions qui est passé à la vitesse supérieure depuis l’entrée en scène de Great-West Lifeco. En mai 2017, ce géant de Winnipeg mettait la main sur Groupe Financier Horizons avec ses 6 600 conseillers à l’échelle canadienne. Neuf mois plus tard, iA Groupe financier se portait acquéreur de PPI Management, un agent général (AG) regroupant plus de 3 000 conseillers au Canada. Une page d’histoire se tournait.

«La transaction de Great-West a changé l’allure de la partie. C’est ce qui nous a décidé à être plus dynamiques et à renoncer à notre stratégie qui consistait à acheter des agents généraux n’ayant pas de plans de succession», a récemment déclaré Denis Ricard, chef de l’exploitation d’iA Groupe financier et successeur d’Yvon Charest à la présidence de l’assureur de Québec.

Selon James McMahon, les AG attirent la convoitise des assureurs vie en raison de leurs réseaux de distribution. «Et parce que les agents généraux deviendront ultimement les spécialistes de la conformité des conseillers indépendants», ajoute-t-il.

Assureurs à l’offensive

James McMahon n’est pas le seul à penser que les assureurs vie sont passés à l’offensive. «Il ne se passe pas un mois sans que je reçoive un appel visant à sonder mes intentions de garder ou de vendre AFL Groupe financier. L’intérêt des assureurs est grand !» confie Yan Charbonneau, président et chef de la direction de l’agent général de Québec.

Selon Yan Charbonneau, «la consolidation des agents généraux par les assureurs va se poursuivre, à l’image de ce qui s’est passé en assurance de dommages. Les assureurs vie veulent diversifier leurs sources de revenus en achetant des distributeurs».

Le président de MICA Cabinets de services financiers, Gino-Sébastian Savard, signale recevoir, lui aussi, des offres non sollicitées. «Mais je ne suis pas intéressé à vendre. MICA a un rythme de croissance élevé et soutenu. De plus, la relève est en place», dit l’entrepreneur de deuxième génération.

Selon Gino-Sébastian Savard, l’onde de choc causée par l’achat d’Horizons va toutefois continuer à se propager dans le monde des AG : «La consolidation du marché n’est pas terminée ! Le contexte s’y prête. Les marges bénéficiaires des agents généraux se sont détériorées en raison des demandes accrues en conformité. De plus, la disparition graduelle des indépendants pourrait inciter des assureurs à passer à l’action. Car s’ils veulent que leurs produits rejoignent les consommateurs, les assureurs qui n’ont pas d’agents généraux pourraient être obligés de prendre le même chemin que Great-West.»

Chef de la conformité chez Aurrea Signature, l’avocat Adrien Legault est également d’avis que les récentes acquisitions d’iA et de Great-West ont accru l’urgence d’agir. «D’autres assureurs peuvent avoir l’impression qu’il leur faut, eux aussi, avoir leur propre réseau de distribution», estime-t-il.

Aux yeux d’Adrien Legault, nous serions en présence de la «tempête parfaite» pouvant accélérer la consolidation : «D’une part, il y a des acheteurs. D’autre part, il y a des gens ayant la volonté de vendre, notamment en raison des pressions sur les marges bénéficiaires».

D’après Gino-Sébastian Savard, les AG les plus vulnérables à des offres d’achat sont ceux qui affichent une faible croissance ou qui ont négligé de penser à leur propre relève.

En revanche, la distribution par Internet pourrait-elle devenir la planche de salut des assureurs qui n’ont pas d’agents généraux ? «Je ne le crois pas. La distribution de produits d’assurance de personnes continuera à se faire par divers canaux, y compris Internet», estime le dirigeant de MICA.

D’autres options

Directeur des affaires en prestations du vivant et dossiers avancés chez l’agent général Financière MSA, David Benamron constate que l’acquisition d’agents généraux indépendants par des assureurs est «l’une des tendances de l’heure».

Toutefois, ajoute-t-il, les assureurs n’ayant pas d’AG ont d’autres choix possibles : «La stratégie d’achat d’agents généraux ne convient pas à tous les assureurs. D’une part, ça peut coûter cher. D’autre part, certains assureurs n’ont jamais eu de force de vente dédiée. Dans ces conditions, apprendre les rouages de ce type de distribution n’a rien d’une évidence !»

David Benamron ajoute qu’il existe d’autres stratégies de développement de marché. «Par exemple, certains assureurs ont toujours collaboré au financement d’achat de books d’affaires. Ils peuvent continuer sur cette voie», dit-il.

D’ailleurs, les assureurs n’ont pas nécessairement besoin de contrôler un AG pour s’imposer, ajoute Frédéric Perman, vice-président au développement des affaires de la Financière S_Entiel. Il croit que «les assureurs surestiment la facilité de diriger des firmes d’agents généraux. Toutefois, les assureurs peuvent se rendre incontournables en diffusant aux conseillers des bonnes pratiques en processus de vente, mise en marché, marketing et outils de vente. Cette stratégie me semble plus profitable que d’aller chercher le contrôle qui n’a jamais été le garant de la réussite», dit-il.

«Quelle est la place des AG ?»

Président et chef de la direction de IDC Worldsource Insurance Network, un agent général établi à Mississauga, en Ontario, Paul Brown ne pense pas que les assureurs emboîteront le pas de Great-West et d’iA Groupe financier. «À un moment donné, les stratégies de consolidation comme celle d’iA finissent par faire face à la diminution de leur rentabilité», estime-t-il.

La palme du scepticisme revient toutefois à Sylvain Gagné, ex-directeur général associé de l’agent général BBA Groupe Financier et ex-vice-président régional d’Empire Vie. Selon lui, les beaux jours des AG sont derrière eux : «Dans l’industrie de l’assurance de personnes, le problème de l’heure est celui de la relève. Il faut embaucher de jeunes conseillers et développer leurs talents. Or, seuls les réseaux captifs ont les moyens de relever le défi. Les agents généraux ne jouent pas sur la même patinoire !»

Sylvain Gagné ajoute que les conseillers qui sont d’importants producteurs affiliés aux AG ont pris de l’âge et que bien souvent, ils n’ont pas de relève. Ces deux éléments se renforcent et réduiraient énormément l’attrait d’agents généraux indépendants auprès des assureurs.

Sylvain Gagné est d’avis que la stratégie de distribution par Internet des assureurs fonctionnera et qu’elle marginalisera les AG indépendants : «Si j’étais encore dirigeant d’agent général, je me demanderais où serait ma place en 2018», lance Sylvain Gagné.