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Pour certains critères d’évaluation, les firmes de courtage ne comblent généralement pas les attentes des conseillers, révèle le Pointage des cabinets multidisciplinaires. Voici quelques enjeux.

Paie stable, SVP 

Les conseillers semblent allergiques à tout changement à leur rémunération, car cela se fait trop rarement à leur avantage, d’après le sondage. Le cas d’IG Gestion de patrimoine est éloquent.

Depuis janvier 2020, les commissions de ses conseillers sont calculées à partir des nouveaux actifs versés dans les comptes des clients, à certaines conditions, « alors qu’elles étaient auparavant calculées en fonction des ventes brutes de fonds communs de placement », d’après le rapport de gestion de la Société financière IGM, société mère d’IG.

Comment les conseillers évaluent-ils leur firme ?: Consultez le tableau du Pointage des cabinets multidisciplinaires

De plus, tous les versements de commissions sont dorénavant amortis, « car ils reflètent les coûts marginaux visant à obtenir un contrat auprès de clients ». Elles étaient auparavant payées à mesure qu’elles étaient engagées.

Un répondant d’IG explique : « La seule source de nouvelle rémunération est strictement basée sur les nouvelles entrées nettes de fonds. Donc, un client qui fait un rachat de 30 000 $/an de ses FERR pour faire son épicerie et qui vend sa maison cinq ans plus tard et place 150 000 $,  eh bien, le conseiller ne recevra absolument rien », car les rachats équivalent aux ventes.

« Le boni de vente est moindre, mais est amorti sur quelques années pour illustrer le coût d’acquisition du client. Les commissions de suivi sur l’actif sont basées sur le service annuel apporté à la clientèle », précise Claude Paquin, président, Québec, d’IG Gestion de patrimoine.

Le cas d’IG n’est pas unique. Chez SFL Gestion de patrimoine, un répondant note une « grille de commissions plus agressive » et l’ajout de frais à la charge des conseillers, dont l’impression de formulaires et de nouveaux logiciels plus chers (lire « SFL : ennuyeuse mutation »).

Chez Investia Services financiers, plusieurs répondants sont satisfaits de leur paie, mais quelques sondés jugent que la concurrence rémunère mieux. iA Groupe financier, société mère de ce courtier, note qu’« aucun changement n’a été apporté récemment à la rémunération ». C’est justement là le problème, selon un sondé : « La seule façon d’augmenter ma rémunération, c’est d’augmenter mon book. Et on ne m’aide pas de ce côté. »

Gestion de patrimoine Assante offre, à la discrétion des gestionnaires, une aide au développement des affaires. Lorsqu’un événement de marketing est bénéfique à la fois pour un conseiller et pour sa firme, celle-ci peut assumer jusqu’à 30 % de ses coûts.

La grille de rémunération favorise les conseillers qui gèrent plus de 50 M$, selon Éric Lauzon, vice-président au développement des affaires et au recrutement pour le Canada d’Assante. Or, il admet que des concurrents paient mieux les conseillers qui administrent 10 M$ et moins : « Ces firmes surpaient en fonds communs, car leur revenu premier provient des assurances. »

Environ le tiers des conseillers d’Assante profitent du programme permettant l’achat d’actions de CI Financial, note Éric Lauzon : « Ça ajoute de 1 à 4 [points de pourcentage] à leur grille. »

« Je suis très fier de n’avoir jamais changé nos grilles pendant les crises. On les a ajustées au fil des ans, mais pas durant les crises », affirme pour sa part Robert Frances, président du conseil et chef de la direction du Groupe financier PEAK.

Front office : progrès voulu 

Un sondé de PEAK traduit un sentiment que partagent des répondants de différentes firmes : « Je suis satisfait de ma rémunération. Par ailleurs, j’aimerais mieux avoir de meilleurs outils technologiques. » Les attentes des conseillers ne sont pas pleinement comblées, notamment sur le plan des technologies de gestion de la clientèle (front office) et de soutien administratif (back-office).

En raison de la crise, la communication avec les clients est « un enjeu majeur », dit un conseiller de PEAK qui attend impatiemment une refonte de Mon PEAK en ligne. Des changements seront annoncés en juin, promet Robert Frances.

Ces dernières années, des développements ont simplifié le travail des conseillers, note un répondant d’Investia. Ce que corrobore iA Groupe financier, ajoutant que des investissements sont prévus en 2020 et au-delà : « Au cours de la dernière année, nous avons lancé avec succès le Centre de conseils, le carrefour numérique clé qui permet aux conseillers d’interagir de façon sécurisée avec les clients et de se connecter aux autres outils de technologie bureautique qui les aident à travailler où qu’ils se trouvent. »

Ces outils sont reliés à son nouveau Portail client et à un outil de signature électronique intégré, écrit Investia : « [Ils] créent pour les clients un véritable carrefour en ligne à partir duquel ils peuvent faire le suivi de leurs comptes et de leurs placements, interagir avec leur conseiller et partager et signer des documents clés où qu’ils se trouvent. »

Alors que certains répondants d’IG notent que leur firme passera à la technologie Salesforce, les conseillers d’Assante l’utilisent déjà, dit Éric Lauzon : « La communication est plus efficace entre les membres de l’équipe. Les clients ressortent avec un meilleur service. »

De plus, les conseillers d’Assante s’échangent les meilleures stratégies de vente et de marketing, ce qui produit de meilleurs résultats, d’après Éric Lauzon : « Si on fait une campagne de vente pour une assurance invalidité, on sait à qui on devrait l’envoyer, quand on l’a envoyée, qui l’a ouverte, qui l’a lue, combien de temps ils ont passé à la lire et avec qui on devrait faire des suivis. »

Back-office corrigible  

Sur le plan de l’arrière-guichet (back-office), un éventail d’outils technos se sont ajoutés au fil des ans, selon Éric Lauzon. Assante a adopté l’arrière-guichet de Valeurs mobilières BBS, ce qui « a été une amélioration ». Elle a aussi ajouté la plateforme de gestion discrétionnaire D1g1t pour ses conseillers de plein exercice.

La transition vers le bureau sans papier, notamment avec la technologie SmartDox et l’adoption de la signature électronique de DocuSign, réduit le taux d’erreur de manière significative, d’après Éric Lauzon : « Ça fait qu’on a besoin de moins de personnel de back-office. »

Or, une technologie d’arrière-guichet provenant d’un fournisseur est périmée, selon un répondant d’Assante.

Ce risque de déplaire parce qu’une technologie tierce est désuète s’observe ailleurs. « Il faut faire la différence entre nos logiciels internes et les logiciels externes qu’on ne contrôle pas », dit Robert Frances. Celui-ci prévoit des annonces prochainement. Par ailleurs, il note que sa firme a mis des efforts pour améliorer l’arrière-guichet, notamment avec le nettoyage de bases de données.

Chez Investia, on aide les conseillers à passer au bureau sans papier. « L’un des aspects positifs du travail à distance a été la réduction de la quantité de papier, écrit iA Groupe financier. La plupart des sociétés de fonds et des courtiers acceptent désormais les copies numérisées des documents et les signatures électroniques. Nos services de conformité et de technologie ont mis en place des processus pour s’assurer que la transmission de l’information aux clients se fait au moyen de canaux numériques sécuritaires et efficaces. »

Chez IG, certains répondants sont satisfaits du back-office, alors qu’un autre dit qu’il « faut utiliser plusieurs plateformes différentes. On est en transition entre deux systèmes informatiques. On perd un peu de temps. »

Chose certaine, l’industrie doit suivre la parade en matière de changements technologiques, selon Claude Paquin : « Hier, les gros mangeaient les petits. Aujourd’hui, ce sont les plus rapides qui mangeront les plus lents. Le fait d’être un gros acteur, ça permet des économies d’échelle, mais ce n’est plus un facteur de succès. »

Clarté demandée  

La clarté des communications touchant les placements du client, qu’elles soient en ligne ou sur papier, fait des mécontents. Dans la majorité des firmes, des répondants déplorent des sections floues pour leurs clients et réclament des améliorations. « Le relevé envoyé n’indique pas les renseignements recherchés par les clients, comme le taux de rendement de leur portefeuille ou d’un fonds. La valeur comptable induit en erreur certains clients », note un répondant.

Chez PEAK, des sondés veulent des améliorations, principalement dans les états de compte en ligne. « Beaucoup d’annonces s’en viennent de ce côté. C’est un travail qu’on prend au sérieux », précise Robert Frances.

Dans un sens, il est malheureusement attendu qu’un client s’interroge en regardant son état de compte, selon Robert Frances. D’abord, parce que l’information qu’il contient est prescrite par les régulateurs, juge-t-il : « Ça rend ça complexe. Il y a beaucoup d’information. » Ensuite, parce que la finance, ce n’est pas simple : « Pas beaucoup de patients de médecins vont se spécialiser dans la lecture des tests médicaux. Un relevé de compte est important, mais ce qui est crucial, c’est de le regarder avec le conseiller pour bien le comprendre et l’évaluer. »

Chez Assante, plusieurs conseillers sont satisfaits, mais certains jugent que les états de compte devraient être plus conviviaux. « Historiquement, on a probablement eu une lacune pour les valeurs mobilières spécifiquement, pas pour les fonds communs. Avec BBS, ça va s’améliorer », dit Éric Lauzon.

Selon lui, l’amélioration des états de compte doit être continuelle : « On fait régulièrement des consultations avec des administratrices et les conseillers pour continuer d’améliorer ces documents. »

Chez Investia, plusieurs répondants jugent que les états de compte sont clairs, car la firme a investi pour les parfaire. « Nous recherchons continuellement des moyens d’améliorer nos rapports et nos relevés de compte pour les clients, y compris la transition vers les rapports électroniques. Et nous sollicitons régulièrement l’avis de conseillers pour améliorer notre offre. »

Investia encourage ses clients à consulter leurs relevés en ligne, notamment en raison « des mises à jour améliorées en temps réel par rapport aux relevés trimestriels traditionnels ».

Réelle écoute?

De nombreux conseillers ne se sentent pas bien écoutés. En moyenne, les répondants accordent une note de 8,1 à la réceptivité des commentaires qu’ils expriment, par rapport à une importance moyenne de 8,7.

« On suit ce qu’on nous dit ! » dit un conseiller. « C’est gros comme firme. Quel poids mon opinion a-t-elle ? » se demande un répondant d’une autre firme. « Certains membres de la haute direction sont très ouverts, d’autres pas du tout », dit un autre d’une troisième firme.

Leurs avis divergent de celui de ce conseiller, d’une quatrième firme ayant une bonne note à ce critère : « C’est toujours le fun d’être entendu. Pour eux, on est des partenaires. »

Par ailleurs, plusieurs firmes pourraient s’améliorer sur le plan du soutien dans la planification des investissements pour les clients (moyenne québécoise de 7,5 par rapport à une importance de 8,3), et du soutien pour obtenir l’appui d’experts-conseils (note de 8,2 par rapport à une importance de 8,7).