Un couple d'aînés qui regardent leurs papiers financiers avec l'air heureux.
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Le régime de retraite individuel (RRI) comporte à la fois des avantages et des inconvénients qu’un actionnaire dirigeant devrait considérer avant de le mettre en place. L’un de ces inconvénients provient du fait que la valeur ajoutée du ­RRI peut diminuer fortement en fonction des hypothèses de projection.

C’est ce qu’a indiqué ­Mélanie ­Beauvais, actuaire et planificatrice financière chez ­Bachand ­Lafleur, groupe conseil, à l’occasion du congrès de l’Institut québécois de planification financière (IQPF) tenu en septembre.

Avant toute chose, rappelons que le ­RRI est un régime de pension agréé à prestations déterminées qui vise à payer une rente habituellement à un seul haut salarié.

Le régime s’adresse généralement à un dirigeant de 45 à 71 ans qui se verse un salaire important et qui
travaille dans une société en bonne santé financière. Il aime l’idée de recevoir un revenu viager et est sensible à l’insaisissabilité des sommes qui seraient dans le régime.

« ­Une fois que le client atteint 45 ans (environ), le ­RRI permet d’effectuer une cotisation supérieure à celle permise au ­REER », ­lit-on dans le cahier du participant du congrès de l’IQPF. Le ­RRI offre aussi la possibilité de cotisations additionnelles pour couvrir le déficit actuariel initial résultant du rachat de service passé ainsi qu’à la suite de mauvais rendements.

De plus, les cotisations au régime sont versées par l’employeur, ce qui évite les taxes sur la masse salariale. Les cotisations et frais sont déductibles d’impôt pour l’employeur. Ce dernier doit faire une évaluation actuarielle tous les trois ans (et en payer les frais) et déterminer les cotisations nécessaires, selon ce document.

Généralement, le ­RRI est plus avantageux lorsque le participant peut racheter des années de service passé et que la société qui met en place le régime ne peut pas profiter de la déduction pour petite entreprise (DPE), a noté ­Mélanie ­Beauvais. « ­Si la société est imposée au petit taux d’imposition (et qu’elle a accès à la ­DPE), la rentabilité du ­RRI devient moins intéressante », ­précise-t-on dans le cahier du participant.

Le ­RRI fait partie du patrimoine familial, ce qui en fait un régime potentiellement partageable advenant une rupture. « ­Il y a lieu de préciser que les contributions au ­REER font également partie du patrimoine familial. Ainsi, puisque les sommes versées dans un ­RRI sont habituellement plus importantes que celles auxquelles il est possible de contribuer dans un ­REER, ce sont ces sommes additionnelles qui représentent un risque matrimonial supplémentaire », ­lit-on dans le cahier du participant.

Le ­RRI comporte des coûts récurrents plus élevés et une administration plus lourde, a indiqué ­Mélanie ­Beauvais. Considérant que le participant au régime recevrait une rente, ­celle-ci offre moins de souplesse qu’un ­REER.

Avant même de songer à la mise en place d’un ­RRI, on devrait évaluer si les actions de la société seront éventuellement vendues. « ­Dans 90 % des cas, lorsqu’il y a vente, on va terminer le ­RRI », ­a-t-elle souligné.

Le ­RRI devient alors moins intéressant, car son actif est transféré au ­REER/FERR et assujetti aux limites de transfert maximal de l’Agence du revenu du ­Canada.

Ce transfert « implique que le montant imposable à la terminaison peut être important si le régime a été bien provisionné et qu’il a eu de bons rendements à travers les années ». L’opération vient alors « annuler en grande partie les avantages recherchés au fil du temps », a précisé la conférencière.

Si la société qui parrainait le ­RRI demeure active après la vente, le ­RRI pourrait être maintenu. C’est aussi le cas si un autre employeur continue de parrainer le ­RRI, comme la société de portefeuille du dirigeant, à condition qu’elle remplisse plusieurs conditions parfois difficiles à satisfaire.

Valeur ajoutée variable

« ­Les avantages financiers du ­RRI peuvent ne pas être aussi grands qu’on pourrait le prétendre », selon ­Mélanie Beauvais, qui a utilisé diverses hypothèses afin d’estimer la valeur ajoutée du ­RRI.

Une illustration ne devrait pas simplement comparer le solde du ­REER du participant avec le solde du ­RRI. « ­Il faut également considérer la valeur de la société, qui est réduite en raison des déboursés au ­RRI et des frais supplémentaires », lit-on dans le cahier du participant de l’IQPF.

Dans le cas du ­REER sans la création d’un ­RRI, il existe deux façons d’illustrer l’accumulation des sommes non requises au ­RRI, selon ce document. La première est que l’écart dans les déboursés de la société est versé en salaire à l’actionnaire, imposé annuellement et accumulé dans un compte non enregistré. La seconde est que l’écart est conservé dans l’entreprise, le bénéfice est imposé et le solde est accumulé dans la société.

De plus, on devrait s’assurer que les sommes (RRI, ­REER, société ou non enregistrée) sont graduellement décaissées pour comparer le « net après impôts ». Il faudrait également refaire le scénario en illustrant des hypothèses en lien avec le profil d’investisseur, par exemple un rendement annuel de 4 % et une croissance annuelle de la rente maximale de 2 %, plutôt que les hy­pothèses prescrites par la loi qui prévoit des taux supérieurs pour ces éléments. On doit également considérer des frais de gestion qui peuvent varier. Par exemple, on devrait « trouver le point mort des frais actuariels, c’­est-à-dire le seuil où les coûts excèdent l’avantage fiscal recherché », ­lit-on dans le cahier.

Prenons le cas d’un client qui évalue la pertinence de racheter ses années de service passé. Si on compare de manière brute le solde du ­REER et le solde du ­RRI, on observe un solde du ­RRI supérieur de 36 % par rapport au solde du ­REER, laissant croire de manière erronée à un avantage en faveur du ­RRI.

Par contre, en tenant compte de la fiscalité, notamment celle de l’accumulation dans la société et du décaissement graduel, la valeur ajoutée après impôt du ­RRI n’est alors supérieure que de 9 %. Si la société qui parraine bénéficie de la ­DPE et qu’on refait le scénario en illustrant des hypothèses de rendement moindre et qu’on tient compte des frais de gestion, l’avantage en faveur du ­RRI chute à 3 %.

Et si on fait l’hypothèse que les rendements au sein de la société proviennent complètement de gains en capital (qui accroît le solde du compte de dividendes en capital) plutôt que de revenu d’intérêt de titres à revenu fixe, la tendance se renverse. La valeur ajoutée du ­RRI devient négative et la combinaison ­REER et société affiche un solde après impôt supérieur de 3 % par rapport au solde du ­RRI.

« ­Le ­RRI est un outil parmi d’autres qui va fonctionner pour certains, [mais pas pour d’autres] », a ainsi conclu Mélanie ­Beauvais.