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Un bon conseiller devrait accompagner son client afin de l’amener à changer cette perception.

À notre avis, il importe de lui expliquer les bases de la mutualisation des risques, cette recette qui fonctionne et qui permet au client de voir la rente comme un outil de gestion du risque de survivre à ses épargnes.

Par exemple, il serait impensable de ne pas assurer sa résidence en cas de sinistre. Disons que pour une résidence de 500 000 $, la prime d’assurance est de 0,5 % par année, l’accumulation de 2 500 $ peut représenter une perte sèche (si aucune réclamation n’est faite) après 30 ans, de près de 20 % de la valeur future de la résidence. Ce n’est pas rien, mais personne ne se plaindra d’avoir évité un sinistre. Le principe est similaire pour l’assurance auto, quoique les fréquences de sinistres soient plus élevées.

En assurance vie, un père de famille de 30 ans voulant protéger ses personnes à charge par de l’assurance collective de 500 000 $ pourrait, à 60 ans, encore une fois avoir englouti 26 000 $ d’économies perdues.

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Les « gagnants » de la mutualisation sont ceux qui ont fait une réclamation d’assurance (à la suite d’une inondation ou d’un incendie, d’une grave collision automobile ou d’un décès prématuré), mais on peut douter de la joie d’être touché par un destin tragique. Une mutualisation fonctionne, car il y a plein de perdants heureux et peu de gagnants malheureux.

L’incertitude inhérente à la survie se prête bien à la mise en commun du risque de mortalité. Voici deux situations, mais dont la première met rarement en doute les vertus de la mutualisation.

  • Beaucoup envient les salariés participant à un régime de retraite à prestations déterminées pour une grande partie de leur carrière. Pour faire partie de ce groupe, il s’agit simplement d’être sélectionné pour un poste. On met peu l’accent sur l’état de santé. Leur rémunération est ajustée pour refléter ce coût à l’employeur, et les salariés doivent eux-mêmes cotiser des sommes appréciables (par exemple, environ 10 % pour le Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics [RREGOP]). À la retraite, ces prestations sont payables la vie durant et très peu demandent à renoncer à ces versements pour encaisser un montant unique à investir dans les marchés. Les prestations payables par le régime à la suite d’un décès rapide ne représentent qu’une petite partie des épargnes dirigées dans le fonds, mais sont nécessaires pour assurer la capitalisation requise pour faire face aux retraités vivant plus de 90 ans. Les gagnants remercient les perdants, mais pour ceux-ci le risque de longévité a disparu, car ils ne sont plus en vie!
  • Un homme retraité de 65 ans utilise 100 000 $ de son REER en octobre 2021 pour acheter une rente viagère qui lui verserait une prestation mensuelle de 490 $, avec une garantie de 120 versements. Cette garantie ferait qu’il recevrait au minimum environ 59 % de la prime versée dans un cas de décès prématuré, et ce, sans intérêt, et recevrait 176 % de la prime s’il décède à 95 ans.

Alors qu’on est dans une situation similaire à un régime à prestations déterminées, dans la deuxième situation, très peu sont prêts à acquérir cette rente. En anglais, on appelle cette situation « The Annuity Puzzle ». L’ancrage d’avoir à renoncer à des sommes accumulées est très fort et l’accent sur les probabilités de pertes est démesuré, sans considération pour la couverture du risque de longévité. Résultat: les gens sous-utilisent les rentes viagères.

Par ailleurs, tel qu’analysé dans le texte, à vouloir rajouter toutes sortes de garanties en cas de décès prématuré, on s’écarte du principe de mutualisation pour favoriser le « chacun pour soi ». Résultat: les garanties réduisent les paiements mensuels du souscripteur et le rendement interne de la rente est moindre.

Comme la rente viagère vise à nous protéger contre le risque de longévité, il faut se mettre dans la position de ne « pas vouloir laisser de l’argent sur la table » si on vit longtemps. C’est dans ce cas qu’on a besoin d’aide, car la longévité est dispendieuse. Cette rentabilité accrue découlant d’un décès à un âge avancé ne peut être atteinte que par l’apport des soldes non utilisés par les retraités décédés les premiers.