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Les manufacturiers de FCP devront-ils réviser leurs structures de prix ? Chose certaine, les distributeurs sont à l’affût.

Selon les aperçus des fonds, les frais de gestion de série F ne dépassent pas 0,5 %. Vanguard signale que les frais de gestion pourraient être réduits si les rendements sont inférieurs à ceux des indices de référence. En revanche, ils sont plafonnés à 0,5 %, peu importe les gains obtenus.

Ce faisant, Vanguard réduit les coûts en gestion active. Selon les données de décembre 2017 transmises par Megan Cobb, analyste principale chez Strategic Insight, les frais de gestion moyens de série F pondérés en fonction de l’actif se situent à 0,83 %.

Distribués en séries F et I (pour investisseurs institutionnels), les quatre fonds de Vanguard sont pilotés par des sous-conseillers d’envergure, tels que Baillie Gifford Overseas (voir «En savoir plus» plus bas). Le placement minimum est de 5 000 $ pour les parts de série F, et de 1 M$ pour les parts de série I.

Ex-vice-président principal, solutions gérées chez Fonds Dynamique, Marc St-Pierre ne cache pas son enthousiasme. «Au Canada, Vanguard a fait sa marque comme manufacturier de fonds négociés en Bourse [FNB]. Avec ces quatre fonds communs, il fait un pas en avant. Dans l’industrie, il y aura une onde de choc. Les manufacturiers ayant des frais élevés, mais qui génèrent peu de rendements devront fatalement abaisser leurs frais», dit celui qui est maintenant à la tête de MSP & Associés, sa firme de consultation en gestion de patrimoine.

Marc St-Pierre rejoint ainsi le point de vue d’iA Valeurs mobilières. Dans une note de recherche intitulée «Vanguard to enter the active mutual fund space with dirt-cheap offerings» (23 février 2018), les analystes James Gauthier et Denise Davids estiment que Vanguard est en voie de devenir un «catalyseur de changement» auprès des manufacturiers de FCP.

Dans le monde de la distribution, la marque Vanguard résonne positivement.

«À première vue, ces nouveaux fonds communs à bas coûts risquent de bouleverser l’industrie. L’initiative est brillante. Vanguard remet la gestion active à l’ordre du jour. Et elle arrive au bon moment, compte tenu des risques de corrections de marchés», dit Stéphane Beaulieu, vice-président investissement chez MICA Cabinets de services financiers.

Il faut dire que Vanguard a les moyens de ses ambitions.

Établi dans la région de Philadelphie, ce manufacturier a commencé ses activités en 1975 en lançant le premier fonds indiciel en Amérique du Nord. Une quarantaine d’années plus tard, Vanguard affiche 5,1 T$ US (billions, ou millions de millions, trillions en anglais) d’actif sous gestion, dont environ 70 % se concentre en gestion passive. Deuxième gestionnaire d’actif de la planète, Vanguard pourrait tôt ou tard coiffer le numéro un, BlackRock, en raison de sa croissance fulgurante, comme l’illustrent des entrées nettes de 1 G$ US par jour ouvrable.

«Les conseillers à la manoeuvre»

Analyste en services financiers chez Canaccord Genuity, Scott Chan pense que certains manufacturiers indépendants subiront un choc. «Je ne crois pas que les manufacturiers imiteront la structure de frais de Vanguard. En revanche, les manufacturiers indépendants sont vulnérables. Ils ne pourront maintenir leurs structures de frais qu’à la condition de générer des performances supérieures à la moyenne», affirme-t-il.

Dans l’esprit de Marc St-Pierre, la pression sur la baisse des frais de gestion proviendra des conseillers eux-mêmes. «Les conseillers me disent qu’ils ont de plus en plus de difficulté à justifier les frais auprès de leur clientèle. Les gestionnaires qui n’ont pas démontré de capacité soutenue à générer de l’alpha auront du mal à se maintenir en vie. Les conseillers seront à la manoeuvre», dit Marc St-Pierre.

Sur le terrain

Marc Dubuc est représentant en épargne collective chez Services en placements Peak. À titre d’ex-directeur principal stratégie marketing et gestion de l’offre du manufacturier de fonds Fiducie Desjardins, il a une riche expérience du lancement de nouveaux produits.

«Les gens de Vanguard sont généralement très innovateurs. Ils trouveront des conseillers réceptifs à leur nouvelle offre. Personnellement, j’attendrai deux ou trois ans avant de penser à adopter les fonds communs de Vanguard, question de leur laisser le temps de faire leurs preuves», dit Marc Dubuc.

Vice-président, ventes, investissements et retraite du Groupe Cloutier, Robert Lachance préfère aussi se garder une certaine marge de manoeuvre. «Il y aura de la pression de la part des consommateurs, surtout de ceux qui ont plus de 100 000 $ d’actif. La question des coûts est devenue l’une de leurs cordes sensibles. Il est impossible d’y échapper. Généralement, nous voulons un historique d’au moins trois ans avant de suggérer de nouveaux produits à nos conseillers», signale-t-il.

D’ailleurs, ajoute le responsable du Groupe Cloutier, le marché des fonds actifs à bas coûts n’est pas inexploré. «Il existe des produits très compétitifs de série F, notamment en actions internationales. Il faudra les comparer avec ceux de Vanguard», constate Robert Lachance.

Directeur général d’Excel Gestion Privée, une division du Groupe Financier Horizons, Normand Morin n’est pas prêt à dérouler le tapis rouge. «Le rendement net, après les frais, constitue l’élément clé à considérer. Les fonds ayant des frais de gestion bas ne sont pas nécessairement les plus rentables pour les investisseurs. Supposons aussi qu’un fonds de Vanguard sous-performe son indice de référence : est-ce que la baisse des frais de gestion aura un impact significatif par rapport à d’autres fonds qui afficheraient de meilleurs rendements ?» s’interroge-t-il.

Il est vraisemblable que les quatre fonds activement gérés de Vanguard ne sont qu’un début. «Dans l’immédiat, nous ne prévoyons pas de nouveaux lancements. Cependant, il est probable que nous amènerons sur le marché d’autres stratégies à faibles coûts», dit Benjamin Creary, directeur des ventes pour les comptes nationaux chez Placements Vanguard Canada.

Benjamin Creary précise que deux chefs de vente (wholesalers) couvrent le territoire québécois. À en juger par les réponses des distributeurs, ils ont du pain sur la planche, car les ventes ne leur tomberont pas du ciel.

Les quatre fonds s’appellent Vanguard Global Balanced Fund (sous-conseiller : Wellington Management Canada) ; Vanguard Global Dividend Fund (sous-conseiller : Wellington Management Canada, The Vanguard Group) ; Vanguard Windsor U.S. Value Fund (sous-conseillers : Wellington Management Canada, Pzena Investment Management, The Vanguard Group) ; Vanguard International Growth Fund (sous-conseillers : Baillie Gifford Overseas, Schroder Investment Management North America, The Vanguard Group).