Photo : Martin Laprise

À l’époque, les modes de rémunération à la commission, intégrée à la vente de produits ou versée à la transaction, régnaient dans le monde du conseil financier. La divulgation au client n’était pas trèsdéveloppée : l’avocate en valeurs mobilières Glorianne Stromberg, mère de ce qui allait devenir la phase un du Modèle de relation client-conseiller (MRCC 1), ne faisait que commencer à travailler sur ce projet.

Qu’à cela ne tienne, James Parkyn, Laurent Wermenlinger et Anthony S. Layton, dont la première lettre du patronyme donnera le nom à l’entreprise, haussent la barre. Issus du milieu du conseil financier, ils offrent des services de planification financière, appuyés d’experts externes, et s’engagent à avoir une politique de placement pour chacun de leurs clients et à leur divulguer la rémunération qu’ils paient ainsi que les rendements qu’ils obtiennent.

Ces éléments «expliquent pourquoi notre modèle a réussi, dit James Parkyn, gestionnaire de portefeuille, associé et vice-président du conseil de PWL. On a dû rendre des comptes au client. On a dû faire nos devoirs, approfondir nos études pour savoir ce qui génère du rendement. Quand on est transparent, ça nous force à être du même côté de la table que le client.»

Aujourd’hui, la firme, dont le siège social est à Montréal, compte 50 employés travaillant dans quatre bureaux, dont trois en Ontario. Elle emploie 26 conseillers en placement répartis au sein de huit équipes. L’actif sous gestion (ASG) de PWL Capital est passé de 1 à 2,5 G$ de novembre 2014 à décembre 2017 et, sur cette période, ses revenus ont crû à un rythme annualisé de 15,6 %. L’ASG moyen par conseiller de 96 M$ rivalise avec la médiane de l’industrie. Derrière ce succès se cachent toutefois 21 ans de travail.

Sacrifices importants

La firme, qui a ouvert son deuxième bureau à Ottawa en 1997, a mis quatre ans avant d’atteindre le seuil de 100 M$ d’ASG. «J’ai travaillé les sept premières années sans arrêt. On allait à Toronto ou à Boston pour une conférence et c’était ça, nos vacances», dit James Parkyn. Les associés ne se sont pas versé de rémunération avant la troisième année d’existence de PWL.

Dès la naissance de la firme, on promeut la gestion passive, étant donné le coût et l’inefficacité fiscale souvent liés à la gestion active. La faible probabilité de cette dernière de dépasser les rendements du marché s’ajoute dans la balance.

De 2001 à 2003, les gestionnaires de portefeuille adoptent des outils de placement avant-gardistes pour l’époque : les fonds négociés en Bourse (FNB). «Acheter une action d’une entreprise, c’est totalement un pari. Si vous avez 500 ou 1 000 actions, c’est très loin d’en être un», dit Anthony S. Layton, gestionnaire de portefeuille, chef de la direction et président du conseil d’administration de PWL.

«Notre solution de placement est ancrée dans la science de l’investissement et ça fonctionne. Le coaching comportemental des clients a aussi joué un rôle crucial dans les bons résultats qu’on a eus», explique James Parkyn.

En 2003, PWL poursuit sa poussée de croissance avec l’ouverture du bureau de Toronto. Les associés forment des conseillers qui adoptent leur culture basée sur le devoir fiduciaire, sur la gestion passive et sur la rémunération à honoraires.

«Quand on est rémunéré à honoraires, il faut une masse critique d’actif. En 21 ans, le point [correspondant à cette masse critique] se déplace tout le temps, parce que la croissance coûte cher. Nous avions une vision à très long terme et nous avons continuellement investi», explique James Parkyn. À l’époque, Anthony S. Layton chiffrait cette masse critique à 600 M$ afin d’atteindre des économies d’échelle significatives.

Période charnière

En 2006, les associés fondateurs sont à la croisée des chemins. L’ASG de PWL stagne. Laurent Wermenlinger, alors chef de la direction, envisage que PWL rejoigne un courtier d’importance ayant davantage de ressources. «Je n’avais aucun problème à travailler avec un [courtier important]. Mes associés préféraient rester avec [l’enseigne] de PWL», dit Laurent Wermenlinger, aujourd’hui gestionnaire de portefeuille chez Valeurs mobilières Desjardins.

Ce dernier ne partage pas la vision des autres associés qui est de recentrer leurs activités sur la planification financière et de déléguer la gestion opérationnelle.

«Il avait agrandi les bureaux dans l’optique de croître par l’acquisition de conseillers. Ça ne s’est pas matérialisé. Ça a causé beaucoup de défis financiers», note James Parkyn. C’est le divorce : Laurent Wermenlinger quitte le navire.

«Il est parti avec sa clientèle et son talent. Sa contribution était énorme, et son départ représentait un trou qu’il fallait combler», poursuit James Parkyn. L’entreprise est forcée d’épurer son organigramme et de réduire la superficie de ses bureaux.

Les associés se concentrent sur leur pratique et nomment Brenda Bartlett comme présidente et chef de l’exploitation en 2007. «Je dis à la blague que nous nous sommes congédiés de certaines de nos activités d’affaires et que nous avons embauché du monde beaucoup plus talentueux», dit James Parkyn.

La nouvelle administration, qui comprend Cameron Passmore, gestionnaire de portefeuille et membre du conseil de PWL établi à Ottawa, consolide l’esprit d’équipe et l’engagement du personnel resté après la restructuration.

Peter Guay, gestionnaire de portefeuille et membre de l’équipe d’Anthony S. Layton, apprécie les qualités de leader de ce dernier : «Tony mène avec empathie, dit Peter Guay. Au fil des ans, il a été très fort pour rassembler le monde. Il a la confiance des gens. Il prend le temps de comprendre leurs enjeux et leurs situations personnelles.»

«Pour sa part, James fait preuve d’une grande générosité. Il reconnaît les talents de chacun et sait s’entourer de personnes compétentes», dit François Doyon La Rochelle, gestionnaire de portefeuille et membre de l’équipe de James Parkyn.

Peu après la restructuration, une autre tempête déferle. Alors que les dirigeants venaient d’atteindre leur objectif de 600 M$ d’ASG en 2007, la crise financière éclate et l’actif de la firme décline à 460 M$.

«Ce n’était pas une période facile. À travers ça, il y a eu les crises Norbourg et Earl Jones. Tout le monde avait peur des petites firmes», dit James Parkyn, qui est devenu père de jumeaux, à 47 ans, durant la crise financière.

Ç’a été une période charnière pour lui et sa firme, convient James Parkyn : «Nos rémunérations ont été réduites. Certains cadres n’ont pas eu de prime, mais on a gardé notre monde. Nous en sommes très fiers, car ce talent se développe à fort coût.»

Selon James Parkyn, le coaching comportemental des clients a été crucial dans les bons résultats que PWL a connus après la crise. On a invité les clients à s’en tenir à leur plan et à continuer d’investir.

Les années suivantes, PWL connaît une autre poussée de croissance organique. La firme refuse de croître par acquisitions, mais ouvre un bureau à Waterloo, en 2010, et agrandit ses bureaux d’Ottawa et de Toronto en 2015 et en 2016.

«Dans le monde du placement, ta culture, c’est tout. Si tu croîs par acquisitions, tu vas te retrouver avec un méli-mélo de cultures et de valeurs. C’est très difficile de gérer la boutique quand tu as des intervenants qui ont une proposition de valeurs différente», explique James Parkyn.

En 2016, PWL reçoit la certification du Centre for Fiduciary Excellence (CEFEX), un organisme indépendant qui promeut les meilleures pratiques fiduciaires dans l’industrie de l’investissement et qui audite la firme régulièrement.

Les fondateurs sont fiers d’avoir tenu le cap et d’être restés fidèles à leurs valeurs et à leur philosophie de placement, malgré les temps difficiles. Ils ont refusé toutes les offres d’acquisition de leur firme qu’ils ont reçues, veulent rester indépendants et n’offrir aucun produit maison afin d’agir au mieux des intérêts de leurs clients.

Ils invitent d’ailleurs l’industrie à hausser la barre sur ce plan et déplorent que les régulateurs des Autorités canadiennes en valeurs mobilières n’aient pas atteint un consensus au sujet d’une norme obligeant à agir au mieux des intérêts du client. Anthony S. Layton promeut également l’abolition des commissions intégrées et, tout comme ses associés, il perçoit la conformité comme un investissement.

«Il faut des autorités réglementaires fortes. Quand elles instaurent des règlements forts, on dit :  » Yeh !  » Les coûts augmentent, mais ces coûts sont bien fondés, parce que c’est un privilège d’avoir une business comme on a», dit James Parkyn.

La direction souhaite stimuler la croissance des bureaux actuels, notamment en renforçant la prochaine génération de portefeuillistes et de professionnels formés à l’interne. Elle prévoit aussi investir en technologie afin d’améliorer l’expérience client en misant notamment sur la mobilité de ses services. PWL veut améliorer l’ouverture de compte en ligne grâce à un processus permettant la signature électronique. L’entreprise travaille à la conception d’une «chambre forte» en ligne, où les clients et conseillers pourront échanger des documents en toute sécurité.

«Le défi est que les grandes banques accaparent souvent des technologies financières de façon propriétaire. Nous avons beaucoup moins de choix que les petites firmes américaines», note James Parkyn.

PWL réussit à rivaliser avec les grandes institutions financières entre autres grâce à son modèle, aux recommandations de clients actuels et à l’animosité médiatique qu’ont générée les règlements à l’amiable sans contestation conclus entre d’importantes firmes de courtage et la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario dans des cas de frais excédentaires facturés.

Les associés entrevoient avec confiance l’avenir du conseil financier basé sur la planification financière holistique, malgré l’émergence des robots-conseillers. «La confiance ne peut pas être automatisée», souligne Anthony S. Layton, qui veut que PWL reste indépendante.

PWL soutient nombre d’oeuvres de bienfaisance, dont Centraide, des fondations d’universités et de centres hospitaliers et Conservation de la nature Canada, qui protège des terres écosensibles. «On a conservé à perpétuité des centaines d’acres de terres sensibles, dit Anthony S. Layton, qui est amateur de ski d’arrière-pays. Le développement immobilier au Québec a encore besoin de plus de réglementation.»