Claudyne Bienvenu (Photo: Martin Laprise)

La représentante pour le Québec et l’Atlantique de l’Organisme de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) depuis septembre 2015, Claudyne Bienvenu, parvient à tisser un solide réseau avec ses membres, soit les courtiers de plein exercice, tout en gardant le cap sur sa priorité : la protection des clients.

«Elle s’est toujours assurée que, tout en protégeant les clients, on protège aussi l’industrie du courtage des valeurs mobilières», souligne Luc Papineau, vice-président et directeur général, courtage de plein exercice de Valeurs mobilières Desjardins, qui a par ailleurs siégé au conseil de section de l’OCRCVM pendant une douzaine d’années, dont deux à titre de président.

Comme organisme d’autoréglementation (OAR) dont les pouvoirs sont délégués par l’Autorité des marchés financiers, le régulateur des courtiers en placement supervise les activités de 12 000 personnes au Québec dans 143 firmes.

L’OCRCVM réglemente également les activités de négociation en temps réel sur cinq Bourses et huit systèmes de négociation parallèle.

Par ailleurs, les firmes sont représentées dans un conseil de section qui a des responsabilités concrètes à l’égard des règles édictées par l’organisme.

Claudyne Bienvenu, vice-présidente régionale de l’OAR depuis 2015, a foi en ce modèle pour réglementer l’industrie des valeurs mobilières.

«[L’autoréglementation] constitue une forme de contrôle extrêmement sophistiquée qui contribue en grande partie à l’atteinte des objectifs de protection du public investisseur et d’intégrité des marchés», avait-elle souligné lors de son passage à la Commission des finances publiques du Québec, relativement au projet de loi 141 sur la réforme de l’encadrement de l’industrie financière du Québec.

Pour arriver à lier les intérêts de tous, il faut un grand sens de l’écoute et une bonne compréhension, deux qualités que l’industrie reconnaît à Claudyne Bienvenu.

«Elle a ses opinions, mais elle écoute celles des autres, dit André Bourret, directeur de succursale et administrateur chez Scotia Gestion de patrimoine, et ancien membre du conseil de section du Québec de l’OAR. Elle a la passion de ce qu’elle fait.»

«C’est une bâtisseuse, une femme organisée, curieuse, qui s’informe et pose des questions, ajoute Carmen Crépin, ancienne vice-présidente pour le Québec de l’OCRCVM. C’est important pour elle de comprendre et c’est une personne très disciplinée.»

Un événement fortuit a amené Claudyne Bienvenu dans l’univers des valeurs mobilières.

Alors au Tribunal des droits de la personne du Québec auprès de sa première présidente, la juge Michèle Rivet, elle rencontre à l’occasion d’un repas Carmen Crépin, qui était à l’époque présidente de la Commission des valeurs mobilières du Québec (CVMQ).

Les deux femmes discutent de plusieurs sujets, dont les principes généraux du droit international.

«Nous ne nous connaissions pas et étions assises l’une en face de l’autre, se rappelle Claudyne Bienvenu. À la fin du repas, Carmen [Crépin] a demandé à notre ami commun mon numéro de téléphone. Elle m’a appelée pour me dire : « Je vous veux avec moi. » J’ai été surprise !»

C’était tout juste avant la période des Fêtes. N’ayant aucune base particulière en droit des valeurs mobilières, Claudyne Bienvenu lui demande de lui fournir l’ensemble des règles et lois applicables en valeurs mobilières au Canada, afin de les étudier durant le congé.

Elle décide finalement de faire le saut et entre à la CVMQ fin janvier 2002.

«Je me suis dit que c’est un milieu fantastique dans lequel je suis certaine d’avoir beaucoup de plaisir et c’est un apprentissage qui me tente énormément», explique Claudyne Bienvenu.

En 2004, Carmen Crépin, devenue vice-présidente pour le Québec de l’Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières (ACCOVAM), ancêtre de l’OCRCVM, revient la chercher avec l’objectif de faire reconnaître l’organisme en vertu de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers et d’obtenir une délégation des pouvoirs et des conditions.

«Nous étions les premiers à être reconnus par la Loi», se souvient-elle, rappelant avoir obtenu dans leurs négociations que toutes les décisions touchant le Québec soient prises par une personne résidente de la province.

Carmen Crépin garde à jamais un bon souvenir de sa collaboration avec sa successeure.

«La grande chance que nous avons eue, c’est que nous avions une belle complémentarité et une belle complicité, dit-elle. C’est toujours facile avec elle.»

Rémunération conflictuelle

La règle 42 sur les dispositions relatives à l’identification des conflits d’intérêts de l’OAR oblige les courtiers membres et les conseillers de plein exercice à déceler, éviter, communiquer et régler les conflits d’intérêts qui pourraient survenir dans le cadre de leur pratique.

«Je sais que la majorité des firmes approuvent ce principe et y adhèrent», dit Claudyne Bienvenu, qui dirige aujourd’hui une équipe de 59 personnes, dont 23 inspecteurs.

Elle soutient également que l’OCRCVM avait constaté «certains problèmes» sur le plan de la rémunération des courtiers membres et qu’elle a abordé ces problèmes avec eux.

C’est pourquoi la question des conflits d’intérêts liés à la rémunération fait partie des priorités de 2018 de l’organisme, qui compte améliorer ses procédures d’inspection de la conformité de la conduite des affaires (CCA) en se concentrant davantage sur les grilles et les programmes de rémunération, entre autres.

Cette année, l’OCRCVM ajoutera également au modèle d’évaluation des risques de la CCA un facteur de risque qui tiendra compte des ententes de rémunération.

Si, durant une inspection, l’organisme constate un problème en matière de conflits d’intérêts ou de rémunération chez un courtier, elle s’assurera de faire le suivi annuellement.

Le cycle d’inspection des firmes de l’OCRCVM est basé sur un modèle de risque qui prévoit des rencontres avec les courtiers sur une période variant d’un à quatre ans.

Dans les dernières années, les programmes d’inspection ont été revus de manière à se concentrer sur les modules qui représentent des risques réels pour la firme.

Les inspections et les modules associés sont ainsi adaptés en fonction de l’intervenant : «Si nous ne trouvons rien sur un module une année, nous ne le referons pas l’année suivante, sauf si nous avons des plaintes», explique Claudyne Bienvenu.

Accès menacé

Les grilles de rémunération des courtiers en valeurs mobilières ont évolué au cours des dernières années. On note une augmentation du seuil d’actif minimum permettant au conseiller d’obtenir une rémunération en contrepartie de services rendus à un investisseur.

Pour les courtiers, il s’agit d’une manière d’accélérer la course à l’actif chez les conseillers et de les inciter à se concentrer sur les clients avec les plus importants portefeuilles.

Ces changements ont pour conséquence d’envoyer nombre de clients dans les réseaux tiers. Ainsi, l’accès à un conseiller en placement est diminué. Le champ d’action de l’OCRCVM par rapport à ce constat est limité, comme le rappelle Claudyne Bienvenu.

«Si un investisseur m’appelle pour me dire que son représentant ne veut plus faire affaire avec lui, je n’y peux rien, parce qu’il s’agit d’un contrat entre deux individus», explique-t-elle.

Elle ajoute qu’il s’agit pour certaines firmes d’un créneau et d’un type de clientèle qu’elles peuvent développer afin de se faire une place dans l’industrie.

Par ailleurs, dans le Pointage des régulateurs de Finance et Investissement, la sensibilité de l’OCRCVM à l’égard des petites firmes est généralement mise à mal par les répondants.

Cette critique, Claudyne Bienvenu en est consciente, mais pas question pour elle de faire de la réglementation à deux vitesses.

«Je pense que si nous assouplissons les normes pour les petites firmes, nous leur tirons une balle dans le pied, affirme-t-elle. Nous serions en train de leur dire qu’elles ne font pas partie du même club.»

Du même souffle, elle rappelle les efforts de l’OAR pour les soutenir, et insiste sur le fait que certaines d’entre elles sont «très bien structurées, menées, conduites et ont des créneaux particuliers, spécifiques».

Cette capacité à trouver un juste équilibre entre les enjeux des petites firmes et l’égalité réglementaire, Claudyne Bienvenu la possède entièrement, d’après Luc Papineau.

«Elle a cette sensibilité au fait que les acteurs ne sont pas tous de taille égale, qu’il faut avoir cela en tête lorsqu’on prend des décisions afin de protéger l’ensemble des membres de l’industrie», dit-il.

Cybersécurité

L’OCRCVM n’a pas de règle spécifique sur la cybersécurité à l’heure actuelle, la vice- présidente indiquant que ce «n’est pas de notre compétence, en ce moment».

Malgré tout, l’organisation s’est assurée de proposer de l’aide à ses membres en embauchant un consultant expert sur le sujet. Ce dernier a fait le tour du Canada et rencontré les firmes intéressées, et ce, gratuitement.

En 2018, l’OCRCVM rencontrera, à ce propos, les représentants de toutes les sociétés qui présentent un risque de moyen à élevé pour passer en revue leur modèle d’affaires et leurs systèmes opérationnels dans cette optique.