Or, avec le temps et les changements fiscaux, ils ont perdu de leur lustre. Si bien que ce type de fonds qui a des défauts, y compris sur le plan fiscal, peut ne pas être la meilleure solution pour certains clients.

Ainsi, ces dernières années, le gouvernement fédéral a mis fin à deux attributs fiscaux souvent liés aux FCPS. En 2013, il interdisait les opérations de requalification qui permettaient aux fonds d’investissement, dont les FCPS, de transformer leurs revenus d’intérêts en revenus de gain en capital par l’intermédiaire de contrats à terme. Le premier type de revenus est plus lourdement imposé que le second.

Puis, depuis octobre 2016, il n’est plus permis pour un actionnaire d’un FCPS de transférer des fonds en franchise d’impôt d’un mandat vers un autre. Ainsi, si un client décide de rééquilibrer son portefeuille avec deux mandats à l’intérieur du même FCPS, par exemple en passant d’un portefeuille équilibré à un portefeuille d’actions américaines, cette transaction déclenchera une disposition imposable.

Malgré tout, l’attrait des FCPS reste souvent fort chez de nombreux conseillers, notamment en raison du marketing entourant ces produits. Or, en s’y fiant aveuglément, certains risquent de mal comprendre les FCPS et d’induire leurs clients en erreur en leur faisant miroiter à tort qu’ils ne recevront jamais de distribution, notamment. Les FCPS comportent des avantages, mais voyons d’abord comment ils fonctionnent.

Les FCPS ne sont pas tous nés égaux. Leur structure légale et juridique, leurs frais ainsi que la façon dont leur conseil d’administration effectue les distributions aux actionnaires peuvent varier d’un fonds à l’autre et d’un manufacturier à l’autre. On constate toutefois certaines généralités.

Un FCPS est une société par actions. Il regroupe sous un seul chapeau plusieurs portefeuilles de titres financiers. Le client qui détient des parts d’un de ces portefeuilles est actionnaire de la catégorie d’actions correspondant à ce portefeuille.

Ces mandats ont une comptabilité distincte, mais une fiscalité commune. La fiscalité d’un FCPS ressemble à celle d’une société de portefeuille, mais avec des éléments qui lui sont propres, explique le fiscaliste Francys Brown, associé chez Demers Beaulne.

Les revenus de tous les portefeuilles sont imposés au sein du FCPS. Les pertes et les dépenses d’un mandat (ou d’un portefeuille) peuvent réduire le revenu imposable d’un autre mandat.

«Ce principe peut être avantageux pour certains mandats qui ont fait des gains et qui utilisent les pertes d’un autre mandat ayant fait des pertes, mais étant donné que les pertes d’un mandat ne lui appartiennent pas, le mandat qui a fait des pertes ne pourra pas nécessairement utiliser ces pertes ultérieurement. Il pourrait donc exister une iniquité entre les actionnaires de différents mandats», écrivaient Francys Brown et Justin Cormier, fiscaliste et représentant chez SAFJ Cabinet de services financiers, dans le livre du congrès de 2016 de l’Association de planification fiscale et financière.

À l’interne, les émetteurs de fonds essaient d’équilibrer la répartition des pertes et des gains, indique Francys Brown en entrevue. Or, la méthode pour le faire est souvent confidentielle, d’où l’opacité de la comptabilité des FCPS, note-t-il.

Une autre iniquité peut résulter de la règle fiscale qui annule une perte à la suite de l’acquisition d’un bien identique 30 jours avant et après une vente. Puisque tous les gestionnaires sont réunis dans la même société, mais qu’ils ne sont pas nécessairement au courant des transactions des autres gestionnaires, il peut en résulter une certaine iniquité envers les actionnaires du portefeuille qui a généré une perte, mais qui ne peuvent utiliser cette perte fiscale à cause d’un autre portefeuille, faisaient valoir Francys Brown et Justin Cormier.

Cette comptabilité regroupée permet au conseil d’administration de limiter plus facilement les distributions aux clients, sans pour autant pouvoir les éliminer. Dans les années suivant la crise financière de 2008, des FCPS ont limité leurs distributions en raison des pertes en capital accumulées durant la crise. Or, cet attribut fiscal semble tirer à sa fin pour plusieurs fonds corporatifs qui effectuent actuellement des distributions.

Cette comptabilité regroupée n’apporte aucune valeur ajoutée au client, l’avantage d’un investisseur en désavantageant possiblement un autre, d’après l’actuaire Daniel Laverdière, directeur principal, centre d’expertise, Banque Nationale Gestion privée 1859. Il se dit essentiellement neutre par rapport aux FCPS. Il souligne toutefois qu’on oublie souvent que pour les fonds communs de placement constitués en fiducie (FCPF), tout comme pour les fonds corporatifs, les frais effacent en premier les revenus d’intérêt, et les pertes en capital réalisées sur certains titres effacent une partie des gains réalisés sur d’autres.

Doubles impositions

Si le FCPS a des dépenses inférieures à ses revenus, il devra s’imposer sur ces revenus. Dans le cas inverse, une perte reportable pourra être créée et être utilisée pour les années à venir.

Une différence importante survient ici entre les FCPS et les FCPF. Un fonds en fiducie ne paie généralement pas d’impôt sur ses revenus, car il les attribue à ses détenteurs de parts chaque année. Le FCPF agit alors comme un «conduit de distribution» et chaque type de revenu (intérêt, dividende et gain en capital) est transféré dans la forme originale aux détenteurs de parts.

Quant au fonds corporatif, il tente de ne pas payer d’impôt sur le revenu dans la mesure du possible. Cependant, il peut ne pas avoir d’autre choix que d’en payer puisqu’il ne bénéficie pas pleinement du principe de «conduit de distribution» comme le FCPF, notamment sur les revenus d’intérêts et de sources étrangères, expliquent Francys Brown et Justin Cormier : «Advenant le cas où la société doit s’imposer sur les revenus d’intérêts ou de sources étrangères, il y aura un désavantage par rapport au même placement en [FCPF] puisque les taux d’imposition de ses revenus deviendront supérieurs en ce qui a trait à l’actionnaire.»

«C’est ce qu’on appelle du revenu piégé [trapped income]», explique Vincent Cliche, conseiller en placement à la Financière Banque Nationale.

En effet, l’imposition dans le FCPS se fait au taux général sans réduction, dont le taux est de 28 % (38 % moins l’abattement d’impôt fédéral de 10 %). En revanche, étant donné que les revenus d’intérêts et étrangers sont traités comme du revenu d’entreprise, l’impôt remboursable ne s’applique pas. Par conséquent, aucun compte d’impôt en main remboursable à titre de dividende n’est créé, notent Francys Brown et Justin Cormier. En clair, le taux d’imposition de ces sources de revenu est plus élevé dans un FCPS que pour un autre type de société.

L’Institut des fonds d’investissement du Canada (IFIC) s’est plaint à quelques reprises au ministère des Finances du Canada que le revenu d’intérêts et de sources étrangères gagné par un FCPS ne puisse pas être versé aux actionnaires sans une double imposition.

En 2007, l’IFIC demandait au ministère des Finances, afin de corriger l’iniquité, que les revenus des FCPS, en excluant le gain en capital imposable, bénéficient du même taux général que les autres sociétés canadiennes publiques. Le ministère n’a pas donné suite à cette demande.

«Il faudrait un troisième type de dividende, soit un dividende qui provient des fonds corporatifs. Mais ça n’existe pas. L’intégration est imparfaite», explique Dany Provost, directeur, planification financière et fiscale, Centre financier SFL, Cité de Montcalm.

Entre autres en raison de cette double imposition, il est désavantageux d’investir dans un FCPS dans un régime enregistré, comme un REER ou un CELI, soulignait le manufacturier Dimensional Fund Advisors, dans une récente analyse comparative des FCPS et des FCPF.

Toujours en 2007, l’IFIC se plaignait également au ministère des Finances que les actionnaires de FCPS ne peuvent profiter du crédit fédéral pour impôt étranger même si les revenus étrangers gagnés par les FCPS ont subi une retenue d’impôt par un gouvernement étranger. «Ceci engendre une double imposition additionnelle», notait alors l’IFIC, dont la demande est aussi restée ignorée par Ottawa.

Le FCPS peut toutefois déduire les impôts étrangers de ses revenus imposables. Cependant, le bénéfice de cette déduction est moindre que celui du crédit pour impôt étranger. Le premier est le montant déduit multiplié par le taux marginal, alors que le second équivaut généralement à l’ensemble de l’impôt étranger, selon Dimensional.

«Déduire les impôts étrangers des revenus imposables d’une société par actions au lieu de permettre aux investisseurs dans une fiducie de réclamer les crédits pour impôt étranger coûterait aux investisseurs d’un fonds d’actions américaines ou internationales environ de 15 à 40 points de base [en rendement annualisé], en fonction du rendement en dividende et de l’étendue pour laquelle la société par actions aurait eu un revenu imposable», écrit Dimensional.

Par ailleurs, les FCPS distribuent généralement les gains en capital net et les revenus de dividendes canadiens. La nature de ces deux sources de revenus est alors conservée lorsqu’elle est transmise à l’actionnaire, observent Francys Brown et Justin Cormier.

À moins que les portefeuilles d’un FCPS ne connaissent une piètre performance, il semble donc peu probable qu’un FCPS n’effectue aucune distribution aux clients sur une longue période. Or, Daniel Laverdière déplore que certains émetteurs de fonds laissent croire le contraire aux clients, dans leur marketing. Par exemple, la projection d’un d’entre eux montre qu’un client n’a jamais de distribution sur une période de 30 ans, même si son fonds connaît un rendement annualisé de 6 %. «Le FCPS ne peut pas indéfiniment trouver des pertes ailleurs pour compenser ses gains. C’est insoutenable, il devra faire des distributions ou s’imposer lui-même sur les gains», note-t-il.

Détention personnelle

Voyons maintenant l’imposition des FCPS du point de vue du client lui-même. Prenons le cas où ce dernier en est actionnaire personnellement, dans un compte non enregistré. Le client peut recevoir des distributions sous forme de dividendes canadiens imposables et de dividendes sur gain en capital. Les revenus lui sont distribués à la date de la distribution et ils sont reportés sur un Feuillet T5 et un Relevé 3 au Québec.

«Tout comme les détenteurs [du FCPF], il peut exister une iniquité dans la distribution des revenus en fonction du moment de l’acquisition et de la disposition des actions», écrivent Francys Brown et Justin Cormier.

Puis, ce client peut racheter ses actions auprès de l’émetteur de fonds. Ce rachat est considéré comme un gain (ou une perte) en capital, comme c’est le cas pour les FCPF. Comme le FCPS vise à ne pas distribuer de revenu, les gains en capital non réalisés du FCPS devraient augmenter plus rapidement que ceux d’un FCPF. «Si l’impôt sur le gain en capital est payé dans 20 ans parce que vous vendez votre action dans 20 ans, pendant ce temps, votre argent travaille. C’est un avantage de différer l’impôt», explique Dany Provost.

Les FCPS permettent aussi de contrôler le moment où le client réalise son gain en capital avec son portefeuille, par exemple pour contrebalancer des pertes en capital cristallisées dans son portefeuille, explique Dany Provost.

«Comme pour les [FCPF], l’actionnaire doit faire un suivi de son prix de base rajusté (PBR) et de son nombre d’actions ; d’autant que le suivi est très important lorsque les distributions sont réinvesties», écrivent Francys Brown et Justin Cormier.

«C’est plus facile de suivre le PBR d’un fonds structuré en société. Les comptables aiment beaucoup mieux cela», note Vincent Cliche.

Un autre avantage du FCPS est qu’il peut indirectement requalifier les revenus d’intérêts et de sources étrangères en revenus de dividende canadien et de gain en capital, ces deux derniers types de revenus étant moins imposés que les deux premiers, selon Dany Provost, qui fait l’hypothèse qu’un mandat en FCPS réalisera le même rendement que le FCPF. Les clients ayant un taux marginal d’imposition plus élevé profiteront plus de cet avantage que ceux dont le taux est moindre.

«Pour un client qui a un faible revenu imposable grâce aux fonds corpo, il ne sera pas si gagnant que ça, parce que la bulle d’impôt créée au décès le rattrape. Il peut être préférable de payer de l’impôt annuellement», dit-il.

Si un client détient des FCPS par l’intermédiaire de sa société de portefeuille, la requalification des revenus peut être avantageuse, d’après Dany Provost.

«Quand on a une société de gestion, le revenu étranger et les revenus d’intérêts sont taxés très fortement. Un actionnaire est plus avantagé d’avoir un dividende provenant d’un FCPS que de recevoir du revenu étranger provenant d’un FCPF, lorsqu’on combine le taux d’imposition personnel et celui de la société, dit Dany Provost. En recaractérisant des revenus étrangers en dividende ou en dividende sur gain en capital, on sauve beaucoup comme investisseur.»

Cependant, l’opacité des FCPS fait qu’il est difficile de savoir si l’impôt payé par le fonds corpo lui-même, additionné à celui payé par l’actionnaire de la société de portefeuille, est équivalent à la charge fiscale d’un FCPF, note Francys Brown.

Dany Provost se dit défenseur des fonds corpo, mais pas aveuglément. Avant d’en suggérer, il simule des distributions, examine la convenance dans le portefeuille du client, compare les frais et les rendements. Selon le cas et s’il est peu probable que le fonds ait du revenu piégé, l’avantage des FCPS peut s’élever de 50 à 60 points de base en rendement annualisé additionnel par rapport au FCPF, calcule Dany Provost. Or, pour un même fonds, l’écart entre sa version FCPS et sa version FCPF est généralement inférieur à 12 points de base. D’où l’intérêt d’évaluer la pertinence des FCPS.

Selon Vincent Cliche, à frais égaux par rapport à un FCPF, «si un fonds d’obligations mondiales n’a pas de trapped income, ça vaut la peine.»

NDLR : Le présent texte a été mis sous presse avant le dépôt du budget fédéral de 2018.