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Depuis la création du Compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété (CELIAPP), de nombreux changements sont survenus. Pour nous aider à nous y retrouver, Natalie Hotte, D. Fisc., Pl. Fin., Chef de pratique – gestion des risques et savoirs en fiscalité, au Centre québécois de formation en fiscalité, et Romy-Alexandra Laliberté, avocate et conseillère senior en fiscalité à la Financière Banque Nationale, ont profité du congrès annuel 2023 de l’Association de planification fiscale et financière pour faire le point.

Ouverture d’un compte

Pour ce qui est de l’ouverture du compte, on constate peu de changements. Pour ouvrir un CELIAPP, il faut se qualifier comme « particulier déterminé », soit avoir plus de 18 ans et moins de 71 ans, et résider au Canada. De plus, on ne doit pas occuper, ou avoir occupé, une habitation admissible, soit une habitation qui serait le lieu principal de résidence dans l’année de l’ouverture du compte ou dans les quatre années civiles précédentes, et dont le particulier ou son conjoint actuel est propriétaire ou copropriétaire.

Après l’ouverture du CELIAPP, il n’est plus nécessaire de se qualifier comme particulier déterminé pour maintenir le compte ouvert. Toutefois, pour ouvrir un autre CELIAPP, il faudra de nouveau satisfaire à ces exigences.

« Attention à ne pas confondre avec le terme “résidence principale” qu’on utilise aux fins de l’exemption du gain en capital », souligne Romy-Alexandra Laliberté. Effectivement, le fait d’être propriétaire d’un chalet qu’il n’utilise que quelques semaines par année n’empêche pas un particulier d’être admissible à l’ouverture d’un CELIAPP. En revanche, ce n’est pas parce que le logement n’est pas situé au Canada qu’il n’est pas pris en compte dans les conditions d’ouverture d’un CELIAPP.

Cotisation au CELIAPP

La cotisation n’a pas changé. Elle reste de 8 000 $ par an dès l’ouverture du compte, avec un plafond cumulatif à vie de 40 000 $. Attention, ce plafond est réduit, que les cotisations proviennent d’un versement ou d’un transfert, et ne dépend pas du nombre de CELIAPP que la personne possède. Il est important aussi de noter que retirer de l’argent du compte ne génère pas de droits de cotisation pour l’année suivante, par contre les droits de cotisation peuvent être reportés d’une année à l’autre s’ils ne sont pas utilisés et ne dépassent pas 8 000 $.

Un contribuable ne peut donc pas cotiser plus que 16 000 $ dans une même année. À noter que les droits de cotisation inutilisés sont perdus s’ils dépassent 8 000 $. Cette perte ne porte toutefois pas à conséquence, sauf que le contribuable mettra plus de temps à atteindre son maximum de 40 000 $.

Les cotisations effectuées au CELIAPP, quant à elles, sont déductibles dans l’année ou dans toute année future, même après la fermeture du CELIAPP. Dans une même année, le montant déductible n’a donc pas besoin d’être égal au droit de participation et cette fois, il n’y a pas de limite de 8 000 $ pour le report.

Attention, les montants transférés d’un REER à un CELIAPP ne sont pas déductibles. Ils viennent donc gruger le montant de déduction. Dans les propositions législatives du 4 août dernier, une modification a cependant été apportée pour remplacer l’expression « montants transférés du REER au CELIAPP » par « montant net de transfert de REER à CELIAPP ».

Le calcul du maximum déductible tel qu’il est en ce moment posait problème en cas de contribution excédentaire dont une partie provenait d’un transfert de REER. Le titulaire perdait alors la possibilité de déduire des montants qui avaient pourtant été cotisés parce que le montant de déduction était réduit en priorité par les montants transférés. Dans la nouvelle définition de « montant net de transfert REER à CELIAPP », ce sont tous les transferts du REER au CELIAPP (le cumul) moins tous les montants qui ont été désignés selon la définition de montants désignés. Ainsi, le calcul devrait être plus profitable pour le titulaire du compte.

Si les modifications sont acceptées, le calcul sera rétroactif au mois d’avril 2023.

Contributions excédentaires

Un impôt mensuel de 1 % s’applique sur les cotisations excédentaires. Dès qu’un montant devient un excédent pendant un mois, durant la durée du mois, on est assujetti à cet impôt. Alors que pour le REER, ce calcul se fait à la fin du mois, dans le cas du CELIAPP, c’est l’excédent le plus élevé de ce mois qui sera assujetti à l’impôt de 1 %.

Pour corriger la situation et éliminer l’excédent, il faut tenir compte de la provenance de celui-ci. Si c’est d’un transfert REER, il faut le corriger à nouveau par un transfert REER avec un formulaire prescrit pour que le montant ne soit pas imposable. Sinon, on peut toujours retirer l’argent, mais le retrait sera imposable.

Les propositions législatives ont ramené le calcul de l’excédent sur une base annuelle et prévoient que les transferts de REER au CELIAPP réduisent en premier les droits de CELIAPP. « Il faut donc faire attention, on ne pourrait pas retransférer les montants au REER et dire : “ça va me laisser la possibilité de cotiser pour avoir une déduction”. Les transferts en premier réduisent nos droits », résume Natalie Hotte.

Retraits et fermeture du compte

Il existe trois types de retraits : le retrait admissible qui est non imposable et déclenche la fermeture du CELIAPP, le retrait imposable, et le montant désigné en cas de cotisations excédentaires. À noter que les transferts au FERR, au REER ou à un autre CELIAPP ne sont pas considérés comme des retraits pour autant qu’ils soient bien faits.

De plus, contrairement à ce qui avait été annoncé au début, il est possible de combiner un retrait admissible avec le régime d’accession à la propriété (RAP) pour l’acquisition de la même habitation admissible.

Quand un CELIAPP prend-il fin ? Il y a plusieurs possibilités, mais les deux principales sont la fin de la période de participation maximale – soit le 31 décembre de l’année où survient l’un des événements suivants : le 15e anniversaire de l’ouverture du premier CELIAPP, que ce compte soit ouvert ou fermé, lorsque le titulaire atteint 71 ans, ou l’année qui suit le premier retrait admissible – ou la fin de l’année qui suit l’année du décès du titulaire.

Lorsque la période prend fin, le plafond annuel est ramené à 0 automatiquement.

Créer de nouveaux droits REER

Natalie Hotte, D. Fisc., Pl. Fin., Chef de pratique – gestion des risques et savoirs en fiscalité au Centre québécois de formation en fiscalité, a constaté que grâce au CELIAPP, on pouvait créer de nouveaux droits REER sans aucune conséquence fiscale.

Il suffit ainsi de transférer un CELIAPP à son REER. En effet, le transfert n’a pas d’incidence sur les droits REER du titulaire du compte. C’est donc comme si on venait créer 40 000 $ de nouveaux droits REER. « C’est étrange, mais c’est ainsi », commente l’experte.

Elle note que cela peut susciter certaines réflexions. On pourrait décider ainsi de ne pas faire de retrait admissible, mais plutôt de continuer à contribuer pour ensuite mettre les sommes dans le REER. Cela pourrait valoir la peine selon les cas.

À l’inverse, si le transfert d’un REER au CELIAPP n’est pas direct, il pourrait y avoir une incidence fiscale, puisque le retrait du REER est imposable. Mais comme la contribution au CELIAPP est déductible, on pourrait contrer l’effet néfaste du retrait. « On peut parfois jouer avec ça », note l’experte en fiscalité.