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Le conseiller Daniel Guillemette a soulevé la controverse en dénonçant des contrats que des agents généraux (AG) auraient voulu faire signer à leurs conseillers. Ces contrats auraient réservé à ces agents généraux le droit d’être le premier acheteur lorsqu’un conseiller souhaite vendre sa clientèle. Mais est-ce représentatif du milieu des agents généraux ?

Président du cabinet multidisciplinaire Diversico, Experts-conseils, Daniel Guillemette est une personnalité d’influence.

Acheteur de blocs d’affaires en série – il en a plus de 40 à son actif -, Daniel Guillemette a fait partie des finalistes de la catégorie Cabinets multidisciplinaires du Top 25 de l’industrie financière du Québec de Finance et Investissement de l’année dernière.

Sa page LinkedIn compte près de 9 000 abonnés. Un chiffre révélateur lorsqu’on le compare aux quelque 2 000 du très médiatisé conseiller Fabien Major (chroniqueur au Journal de Montréal) et aux quelque 12 000 du journal Les Affaires.

Ainsi, lorsqu’en octobre dernier Daniel Guillemette publie un message sur LinkedIn mettant en cause deux contrats d’achat de clientèles émis par deux agents généraux, les réactions sont vives et rapides. Le milieu des agents généraux est directement interpellé et certains s’indignent alors d’être implicitement comparés aux deux AG montrés du doigt.

transparence

Dans son message, Daniel Guillemette a reproduit des extraits de contrats de deux agents généraux dont les noms ont été masqués. Ces AG signalent qu’ils se réservent le droit d’obliger les conseillers signataires à leur vendre leurs clientèles à des multiples prédéterminés. Ces AG spécifient que ces conseillers ne pourront faire des offres de vente à des tiers que si eux déclinent un droit de premier achat.

Daniel Guillemette s’adresse alors sans ambiguïté à ses lecteurs conseillers. «Lisez-vous le contenu des contrats que vous signez avec votre agent général ? Vous n’avez pas accès à la loi du libre marché», écrit-il. Il précise que les contrats dont il fait état «limitent le droit des conseillers de vendre leurs blocs d’affaires en profitant de la loi du libre marché».

En entrevue à Finance et Investissement, Daniel Guillemette souligne qu’un des deux contrats avait été émis par un agent général qui l’avait proposé à un conseiller dont le bloc d’affaires était en train d’être acheté par Diversico. L’autre contrat est moins récent. «Il appartient à un agent général qui avait été acquis, il y a quelques années, par un autre agent général», dit-il.

Ces deux contrats reflètent-ils le milieu des agents généraux en matière d’achat de clientèles de conseillers indépendants ?

«Cela, je ne saurais le dire. Mon message aux conseillers était le suivant. Voici deux contrats où les conseillers indépendants pourraient se faire berner. Vous, conseillers, avez-vous en main d’autres contrats du même genre ? Ne signez jamais les yeux fermés les contrats que des agents généraux pourraient vouloir vous faire signer», dit Daniel Guillemette.

Le président de Diversico ajoute que les conseillers doivent être transparents et que les AG doivent l’être également : «L’heure est venue pour les AG de montrer la même transparence au sujet du droit de premier achat de clientèles.»

L’avis d’autres AG

Parmi les cinq agents généraux contactés par Finance et Investissement, un seul signale avoir des contrats de vente de clientèles qui peuvent inclure un droit de premier achat.

«Je demande d’avoir un droit de premier achat de clientèles dans les cas où nous fournissons les leads [pistes de vente] au courtier ou au conseiller», dit Christian Laroche, président de l’agent général Aurrea Signature.

Rappelons qu’avec la fourniture possible (mais non obligatoire) des pistes de vente, le modèle d’affaires d’Aurrea diverge de celui de la grande majorité de ses concurrents.

Les autres agents généraux que nous avons contactés évoquent deux autres possibilités de contrats de vente de clientèles comportant un droit de premier achat. Ils sont proposés dans les cas suivants :

Lorsque l’AG a cédé, au conseiller, un ou des blocs de clientèles : «Des agents généraux peuvent financer l’achat de blocs de clientèles par des conseillers qui, autrement, n’en auraient pas les moyens. L’agent général devrait avoir un droit de premier achat si ces conseillers décident de vendre à des tiers, tout en étant incapables de rembourser leurs dettes. Il est normal de vouloir être remboursé !» explique Michel Kirouac, vice-président, directeur général de l’agent général Groupe Cloutier.

Lorsque les conseillers décèdent ou sont en invalidité totale : «Dans certains cas, il pourrait y avoir une clause qui déclencherait le rachat d’une clientèle par l’agent général dans l’éventualité où le conseiller décède ou devient invalide. On voit surtout cette clause dans d’anciens contrats. Elle protège la valeur du bloc et elle donne à l’agent général les moyens de préserver la qualité du service à la clientèle. On peut voir ça comme une clause de protection mutuelle», dit Louise-Marie Rousseau, vice-présidente aux ventes de l’agent général Groupe Financier Horizons.

Interviewés dans le cadre de cet article, des participants de l’industrie de l’assurance de personnes ont demandé l’anonymat en raison d’un profond inconfort vis-à-vis de cette controverse.

«Que représentent deux contrats répréhensibles sur l’ensemble des contrats émis par les agents généraux ? Si ces contrats répréhensibles étaient si nombreux, Daniel Guillemette n’en aurait-il pas reproduit d’autres sur sa page LinkedIn, compte tenu de sa riche expérience d’acheteur de blocs d’affaires ?» se demande l’un de ces participants.

Un autre évoque les impacts de la controverse sur l’industrie. «À partir de deux contrats, le doute a été semé sur l’ensemble des agents généraux.»

Face à ces critiques, Daniel Guillemette explique «vouloir éveiller les conseillers aux dangers qui guettent la profession. Ils ont réussi à bâtir leurs clientèles avec beaucoup d’efforts. Ils ne doivent pas perdre ce qu’ils ont construit.»

Comme on le voit, les messages publiés sur les LinkedIn de ce monde peuvent être débattus sur la place publique avec autant d’intensité que les articles de journaux faits d’encre et de papier.