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Voilà près de 25 ans que la corrélation entre actions et obligations se détériore, les deux catégories d’actifs évoluant de plus en plus en tandem, alors que l’une devrait compenser l’autre. Cette corrélation positive arrive-t-elle à son terme ? Va-t-on bientôt revoir les obligations offrir une résistance à des marchés boursiers en baisse?

La corrélation faible ou négative entre actions et obligations est un diktat fondamental de la composition d’un portefeuille. Selon l’idée reçue, lorsque les actions fléchissent, les obligations résistent et tiennent la profitabilité du portefeuille à flot; quand les actions planent, les obligations faiblissent et s’estompent à l’arrière-plan.

C’est sur cette base que l’on conseille à tous les investisseurs de construire un portefeuille « équilibré » dont la répartition entre actions et obligations oscille autour de 50/50. Aujourd’hui, cette proposition fondamentale ne tient plus la route.

Pendant près de 30 ans à partir de 1966, selon BCA Research, de Montréal, la corrélation entre actions et obligations est passée en territoire négatif, ce qui a aidé à fonder la théorie moderne des portefeuilles. Cette corrélation négative a également prévalu pendant la majeure partie du 20e siècle. Quand les actions dans un portefeuille baissaient, les obligations le tenaient à flot, et vice versa.

Or, depuis 1997, la corrélation entre les deux catégories d’actifs s’accroît sans cesse et, aujourd’hui, les deux catégories évoluent souvent en tandem. Pire, les obligations offrent un rendement négatif qui f léchit en même temps que le prix des actions s’effondre.

Un leurre

Cette idée d’une corrélation actions/obligations est un leurre, juge Yanick Desnoyers, vice-président et économiste principal chez Addenda Capital, à Montréal. « La corrélation entre les actions et les obligations est un événement fortuit qui caractérise seulement à un niveau très superficiel l’évolution des prix des deux actifs. La communauté financière parle de corrélation, mais les économistes parlent plutôt de causalité. »

En fait, explique l’économiste, les deux catégories d’actifs obéissent à des impératifs économiques bien distincts qui, parfois, peuvent faire qu’elles sont corrélées, et d’autres fois, qu’elles ne le sont pas. Il n’y a aucune loi d’airain qui commande qu’actions et obligations doivent évoluer dans des directions divergentes. Quand les conditions économiques et financières le commandent, leur corrélation augmente, comme c’est le cas présentement de façon très aiguë; et quand les conditions en décident autrement, leur corrélation décroît.

Ainsi, Yanick Desnoyers désigne trois variables qui dictent les relations « corrélées » ou « décorrélées » entre actions et obligations : accélération ou décélération économique, hausse ou baisse de l’inflation, montée ou descente des taux directeurs des banques centrales. « La corrélation dépend du contexte économique, affirme l’économiste. C’est pour ça que plusieurs se sont fait prendre depuis le début de l’année. »

Par exemple, dans un cas de décélération économique et de hausse de l’inflation, la « corrélation » s’accroîtra; cependant, si l’économie accélère et que l’inflation baisse, la « corrélation » s’amenuisera. Tout tient à la façon dont l’inflation et le ralentissement économique font anticiper une détérioration de la valeur future des rendements et influent sur les prix des actifs.

« Sans inflation, et même s’il y a récession, un portefeuille classique 60/40 va gagner, explique Yanick Desnoyers. Les actions baissent, mais les obligations se portent bien : la corrélation est faible. Ajoutez l’inflation, et on voit les deux actifs baisser : la corrélation se renverse. »

La troisième variable, celle du taux directeur des banques centrales, est appelée à faire basculer la forte « corrélation » actuelle. « Il se peut qu’elle dure encore un peu, pense l’économiste. Cependant, elle va s’inverser avec une récession, quand les taux directeurs seront assez hauts pour mater l’inflation. À ce moment-là, la banque centrale va baisser ses taux, ce qui va améliorer le rendement des obligations, qui vont compenser les pertes du marché des actions. »

Ainsi, Yanick Desnoyers attend que le taux directeur de la Réserve fédérale américaine atteigne 4,5 %. Ce sera le moment de replonger dans le marché des obligations, un peu avant que le taux directeur atteigne ce sommet cyclique.