Petit personnage qui lit un livre, cinq points d'interrogation autour de lui
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Un beau jour, un client voit une publicité de son assureur sur le Web. Cette publicité lui donne alors l’idée d’appeler l’assureur, car il songe à transformer son assurance temporaire dix ans en régime permanent. Le réseau interne de l’assureur lui vendra une assurance vie entière même si la T10 avait été acquise auprès d’un conseiller indépendant.

L’assureur, que nous ne nommerons pas, était-il en faute ?

«Je n’étais vraiment pas content!» s’exclame le conseiller indépendant en cause sous le couvert de l’anonymat. «L’assureur ne m’a pas référé ce client. Le réseau de vente interne de l’assureur a fait une vente qui aurait dû être la mienne. C’est d’autant plus frustrant que j’étais à la veille de contacter mon client !» précise-t-il.

Selon Dominic Demers, président de la Financière S’entiel, cet assureur aurait dû transmettre le dossier de transformation au conseiller indépendant plutôt que de s’en occuper lui-même. «Ce client relevait clairement du conseiller indépendant», dit-il.

Le dirigeant de l’agence générale lavalloise évoque la possibilité d’une erreur humaine de la part de l’assureur.

«L’assureur s’est peut-être trompé. D’habitude, ils transmettent les dossiers d’achats [de deuxièmes contrats] aux conseillers qui ont fait les premières ventes», précise Dominic Demers.

Cependant, la plupart des assureurs Cependant, la plupart des assureurs se sont bâti des réseaux de vente internes. Certains d’entre eux pourraient-ils être tentés de «reprendre»des clients de conseillers indépendants qui auraient été attirés par leurs sites web ou par d’attrayantes publicités sur les réseaux sociaux?

«C’est une question très embêtante… et inquiétante ! Qu’est-ce qui nous dit que les reprises de clients par les réseaux de ventes internes ne deviendront pas, éventuellement, une pratique courante dans l’industrie ?» évoque Dominic Demers.

Si cela venait à se réaliser, ajoute le président de la Financière S’entiel, ces assureurs n’en sortiraient pas nécessairement gagnants. «Les conseillers indépendants n’auraient sans doute pas le réflexe d’offrir les produits d’assureurs qui pourraient éventuellement leur couper l’herbe sous le pied», estime Dominic Demers.

Président et directeur général d’AFL Groupe Financier, Yan Charbonneau affirme qu’il serait «surprenant» que les assureurs ayant des réseaux de ventes internes en viennent, un jour, à court-circuiter les conseillers indépendants responsables des premières ventes.

«Je crois que les assureurs vont continuer pendant longtemps à référer, à leurs courtiers, les clients qui les contactent pour un deuxième produit. Parce que c’est la coutume et parce que les ventes des conseillers indépendants représentent une grande part du marché. Si ces assureurs en venaient à reprendre ce type de clientèle, ils se couperaient fatalement de l’univers du courtage», indique Yan Charbonneau.

En revanche, ajoute-t-il, les assureurs n’ont «aucune obligation légale» de référer aux conseillers les clients qu’ils ont servis une première fois. «Le client n’appartient qu’à lui-même !»affirme le dirigeant d’AFL Groupe Financier.

Clients insatisfaits

Le président de l’agent général de Lévis évoque un type de situation provoquant des changements de conseillers : l’insatisfaction de certains clients à leur égard.

«Le client a toujours raison ! En fait, les clients ont toujours le droit de choisir avec qui ils veulent faire affaire. Ils peuvent exprimer leurs préférences à tout moment, même pendant le processus de tarification s’ils le désirent. Et s’ils veulent changer de conseiller, ils n’ont qu’à appeler leurs assureurs pour le leur demander. C’est plutôt rare, mais ça arrive», dit Yan Charbonneau.

Et lorsque ça arrive, l’assureur contacte alors l’agent général auquel le conseiller mal-aimé est lié. L’agent général s’arrange ensuite pour dénicher un autre conseiller pouvant répondre à la demande ou au profil du client insatisfait.

Selon Robert Landry, consultant et ancien vice-président exécutif chez AXA Canada, l’avenir pourrait laisser place à bien des surprises.

«La notion de propriété du client dépend des circonstances. Légalement et aux yeux de l’assureur, l’assuré est le client du conseiller un seul contrat à la fois. S’il y a un deuxième contrat qui se négocie, l’assureur n’a aucune obligation légale de référer le client au conseiller ayant fait la première vente», explique Robert Landry.

Jusqu’à présent, poursuit l’ancien dirigeant d’AXA Canada, les assureurs comme les conseillers indépendants se sont partagé les choses de façon fluide. Ainsi, s’il y a deuxième contrat en vue, l’assureur réfère le client au conseiller. Cependant, à l’ère d’Internet, les choses pourraient changer.

«Voyez ce qui s’est passé en IARD [incendies, accidents et risques divers] et jugez par vous-même!» s’exclame Robert Landry.

Lorsque les assureurs IARD ont développé leurs réseaux de vente directe, rappelle-t-il, leurs parts de marché sont montées en flèche. Ils dominent aujourd’hui le marché et le monde du courtage a pris la deuxième place.

«Un assureur de personnes pourrait éventuellement décider de confier à son réseau de vente interne des clients de conseillers indépendants qui seraient à la recherche de deuxièmes produits sur leurs plateformes de vente directe. Si cela arrivait, il pourrait alors y avoir un effet boule de neige !» prévient Robert Landry.