Pourquoi vous devriez vous intéresser à l'investissement responsable?
weerapat / 123RF Banque d'images

Alors que davantage de fonds négociés en Bourse (FNB) d’investissement responsable (IR) arrivent sur le marché et continuent de se raffiner, les fonds communs de placement (FCP) d’IR pourraient devoir partager leur plus grosse part de marché de ce segment. Or, ces deux genres de produits d’IR continueront de bien s’en tirer à l’avenir, car l’intérêt de l’investisseur pour l’IR ne cesse de croître.

Au Canada, l’IR compte pour 50,6 % de l’actif sous gestion (ASG), une hausse par rapport à 37,8 % il y a deux ans, selon le «Rapport de tendances de l’IR canadien 2018», publié par l’Association pour l’investissement responsable (AIR). Les stratégies les plus importantes d’IR par ASG sont l’intégration ESG (facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance), l’engagement des actionnaires, le filtrage basé sur des normes et le filtrage négatif.

Le secteur des fonds d’investissement part toutefois de loin. En décembre 2017, 46 fonds d’IR cumulaient 10,9 G$ d’actifs au total, selon le rapport «Investor Economics Insight Advisory Service» de Strategic Insight. Cela représente une part de 0,72 % d’actifs totaux des quelque 1 500 G$ en fonds d’investissement au Canada à la même date, selon l’Institut des fonds d’investissement du Canada. Or, le secteur de l’IR affiche des ventes nettes annuelles croissantes de 2012 à 2017, se chiffrant à 1,2 G$ durant cette dernière année.

Les clients s’intéressent particulièrement à l’IR parce qu’ils ont de sérieuses inquiétudes concernant la façon dont les facteurs environnementaux – plus que tout autre enjeu social ou de gouvernance – affecteront leur bien-être futur. «Le Sondage d’opinion des investisseurs de l’AIR 2018» a montré que 81 % des répondants s’inquiétaient des changements climatiques et ont dit que ces changements engendreraient des risques pour l’économie mondiale d’ici 20 ans. Par conséquent, 66 % des participants au sondage voulaient qu’une partie de leur portefeuille soit investie dans des entreprises qui offrent des solutions aux changements climatiques et aux défis environnementaux.

Ceci fait de l’IR un important argument de vente auprès des clients.

En matière d’offre de produits, les FCP ont été un choix populaire parce qu’ils ont représenté la meilleure structure de mise en oeuvre des facteurs ESG par la gestion active, à part d’être plus accessibles (les représentants en épargne collective font encore face à des obstacles à la négociation des FNB).

«Dans ces circonstances, une société pourrait embaucher un sous-conseiller qui gérerait soit un portefeuille d’investissement traditionnel, soit un portefeuille axé sur l’ESG que la firme pourrait ensuite superposer avec sa propre analyse de données internes et son processus d’engagement des actionnaires», dit Fred Pinto, vice-président sénior et directeur de la gestion d’actifs chez Patrimoine Aviso, de Toronto.

Cependant, les FNB ont progressé au cours des cinq dernières années, poursuit-il. Maintenant, il y a des FNB à concentration active et des FNB à bêta intelligent, en plus des FNB passifs. Placements NEI, la filiale de gestion d’actifs de Patrimoine Aviso, explore actuellement l’introduction de FNB dans sa gamme de produits d’IR.

La majorité des manufacturiers de FCP d’IR, tels que RBC Gestion mondiale d’actifs, Placements Mackenzie, BMO Gestion mondiale d’actifs, tous trois de Toronto, et Desjardins Gestion internationale d’actifs, de Lévis, au Québec, offrent déjà des FNB d’IR.

Toutefois, puisqu’il n’y a pas tant de FNB gérés avec un mandat d’IR au Canada, il n’existe pas autant de choix dans cette catégorie que dans les FCP quand on bâtit un portefeuille. Par conséquent, certains conseillers disent qu’ils ont davantage de choix dans les FCP.

Anthony Edwards, conseiller en placement chez Ethic Invest, à Courtenay, en Colombie-Britannique, qui opère sous l’égide de Leede Jones Gable, rapporte qu’il essaie d’établir un équilibre entre les FNB et les FCP quand il construit des portefeuilles pour les clients.

Du fait que de nombreux titres d’un FNB sont sélectionnés en fonction de critères quantitatifs, comme de faibles émissions de dioxyde de carbone ou des scores élevés en ESG, les entreprises qui ne répondent pas à ces critères sont exclues de l’indice, dit Anthony Edwards. Parmi ses clients, beaucoup veulent aller au-delà de l’exclusion seulement et être plus exigeants de façon à pouvoir engendrer de plus grands changements positifs avec leurs investissements, ce que les FCP leur permettent de faire.

Par exemple, ses clients qui s’intéressent à l’investissement d’impact veulent des gestionnaires de fonds actifs pour appuyer et investir dans le changement positif auprès d’entreprises qui produisent des applications visant, entre autres, l’efficacité énergétique, la purification de l’eau ou la récupération des eaux usées.

«En général, cette sorte de choses n’est pas disponible dans les FNB, alors ils [ses clients] sont prêts à payer le 1 % ou 1,5 % supplémentaire des FCP pour se sentir plus à l’aise avec leurs placements», dit Anthony Edwards.

Toutefois, le conseiller associé d’Anthony Edwards, Joss Biggins, qui s’occupe principalement des milléniaux chez Ethic Invest, dit que ses clients se soucient un peu plus des coûts, ce qui rend les FNB plus attirants. «Ils veulent que les entreprises dans lesquelles ils investissent réduisent leurs émissions de dioxyde de carbone autant que possible, dit-il, mais aussi ils ne veulent pas que leur ratio de frais de gestion [RFG] soit trop élevé.» Il affirme que les FNB occupent une grande part de ses portefeuilles.

Là où les FCP semblent encore jouer un rôle de premier plan, c’est en offrant de l’exposition aux marchés mondiaux, que les FNB d’IR ont seulement récemment commencé à suivre. Pour cela aussi, Anthony Edwards se tourne vers les FCP d’IR, parce que «pour obtenir une exposition mondiale [en IR], il y a beaucoup plus de choix dans les FCP».

Jay Aizanmann, directeur de la stratégie et de la distribution chez Desjardins Gestion internationale d’actifs, affirme voir une convergence des FCP et des FNB à long terme. «Quand on observe le marché de l’investissement canadien au niveau du détail, [on constate qu’]il y a une foule d’occasions pour que les gestionnaires en placement disposent de leur stratégie de placement [qu’ils utilisent principalement dans les FCP actuellement] et la déploient dans un FNB», dit-il.

Et vu que les règles de divulgation des FCP régissent également les FNB, les gestionnaires de fonds n’ont pas l’obligation de révéler leurs stratégies de placement sous-jacentes, comme c’est le cas aux États-Unis. Ainsi, Jay Aizanmann prévoit une gestion beaucoup plus active dans les FNB pour les prochaines années.