Une femme à une table avec une calculette, calculant les impôts.
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Financière Canoe a lancé à l’automne 2018 une nouvelle structure de fonds communs de placement fiscalement avantageuse. Elle est dotée des mêmes avantages que l’on connaît des sociétés de placement à capital variable, aussi désignées fonds communs de placement constitués en sociétés par actions (FCPS) ou fonds «en catégorie».

Cette rare innovation dans l’industrie est aussi assortie d’avantages supplémentaires pour les clients, à savoir d’éviter certains défauts des FCPS et de permettre les échanges entre différentes stratégies sans déclencher de gain en capital. Examinons cette structure nommée catégorie portefeuille Canoe ou portfolio class dans la langue de Shakespeare, mais rappelons d’abord le fonctionnement de la structure classique d’un FCPS.

Les avantages actuels des FCPS sont de limiter l’impôt transmis aux clients en compensant les gains en capital par les pertes en capital et en compensant les revenus de tous les portefeuilles sous-jacents par les dépenses de tous les portefeuilles.

Cependant, les FCPS classiques ne permettent que de distribuer des gains en capital et des dividendes aux clients. Si un FCPS a des dépenses inférieures à ses revenus, il devra s’imposer sur ces revenus, car les revenus de tous les portefeuilles sont imposés au sein du FCPS.

Certains types de revenus, comme un revenu d’intérêt ou un revenu étranger, risquent ainsi d’être emprisonnés dans le FCPS. Résultat, l’imposition augmente pour le client. «Si le revenu total tiré d’intérêts ou de sources étrangères est supérieur aux dépenses, il est alors question de « revenu emprisonné » et l’impôt sur ce revenu sera assumé par la société, faisant en sorte que le FCPS devient un intermédiaire imposable. Si l’impôt est payé par le FCPS, la valeur liquidative est alors mise à rude épreuve, au même titre que la croissance globale du placement pour les épargnants», lit-on dans les documents de la Financière Canoe.

Les revenus emprisonnés sont ainsi imposés en entier dans la société au taux général sans réduction (soit 28 % en tenant compte de l’abattement de 10 % du fédéral), pour ensuite être distribués sous forme de dividendes canadiens non déterminés. En combinant cet impôt à celui de l’investisseur, on arrive facilement à un résultat très défavorable si la situation se présente.

Même si cet aspect est bien réel en théorie et a un impact dans quelques fonds, dans les faits, le revenu piégé est souvent négligeable dans l’industrie. La plupart des firmes distribuant des produits financiers mettent un terme aux achats de FCPS avant que ceux-ci ne soient pollués par un excédent d’intérêt et de revenu étranger. Le nombre de fonds bénéficiant réellement de la structure de société est limité et l’excédent d’impôt créé par le revenu piégé, lorsqu’il se présente, n’a une influence que de quelques points de base de rendement, d’après une analyse comparative présentée dans Finance et Investissement dans le numéro de mi-octobre dernier par l’auteur de ces lignes.

Combinaison astucieuse

La catégorie portefeuille Canoe combine la structure classique d’un FCPS avec celle d’une fiducie. La nouvelle structure permet donc de distribuer, s’il y a lieu, les revenus étrangers et d’intérêts excédant les dépenses aux investisseurs, plutôt que ces derniers soient imposés d’une façon très désavantageuse dans le fonds. On évite donc le revenu emprisonné.

La réelle caractéristique d’intérêt bâtie de façon ingénieuse par les conseillers fiscaux de Canoe est de permettre les échanges d’un portefeuille de titres à un autre sans devoir déclencher de gain en capital, tout en respectant évidemment la législation fiscale actuelle.

Le promoteur y arrive en ayant monté une structure fort particulière. Ainsi, en achetant une catégorie portefeuille, l’investisseur achète en réalité des unités d’une fiducie de fonds commun ainsi que des actions d’une société de placement à capital variable, qui investissent en parallèle dans une société en commandite. Ces trois entités constituent, sur le plan juridique et aux yeux de l’investisseur, un seul fonds commun de placement.

En réalité, 99,99 % du placement est dans un fonds en fiducie qui détient tous les placements de tous les différents mandats (ou fonds) offerts par le promoteur. Le 0,01 % restant est investi dans un fonds en société qui sert, en quelque sorte, de dispositif de suivi et d’échange entre les fonds.

Si un investisseur souhaite réorienter sa stratégie de placement d’un portefeuille d’actions à un portefeuille obligataire de la catégorie portefeuille, ce sera seulement le 0,01 % qui fera l’objet d’un échange théoriquement imposable. À la suite de l’échange, les 99,99 % du portefeuille du client suivront désormais un autre ensemble de titres à l’intérieur de la fiducie, ne provoquant ainsi aucun événement taxable.

À première vue, il s’agit d’une bonne nouvelle pour les investisseurs ayant des placements non enregistrés et cherchant à limiter leur facture fiscale.

Quelques réserves

Compte tenu du fait que le législateur a mis un terme aux opérations de requalification en 2013 et aux échanges sans impact fiscal en 2016 pour les fonds structurés en société, rien n’empêche une récidive si ce type de produit attire l’attention du gouvernement en le privant de recettes fiscales significatives. On peut présumer que la structure devra gagner en popularité pour que cela se produise.

Canoe étant la seule société à offrir ces produits, et bien qu’elle offre 14 fonds bien diversifiés dans une kyrielle de catégories d’actifs, le choix de gestionnaires demeure limité. On doit donc bien réfléchir au rapport risque/rendement des solutions offertes sur le marché dans son ensemble avant de choisir un produit plutôt qu’un autre, la fiscalité étant seulement un des éléments à considérer dans le choix. Pour être bon joueur, notons tout de même que Canoe a reçu quelques prix Lipper et a acquis la division de distribution aux conseillers de Fiera Capital, ce qui en fait un acteur plus reconnu dans l’industrie.

Les conseillers doivent aussi tenir compte des frais. Par exemple, la Catégorie portefeuille d’obligations avantage Canoe, série F, est assortie d’un ratio des frais de gestion (RFG) de 1,10 %. La série F de la Catégorie portefeuille d’actions Canoe est assortie d’un RFG de 1,58 %, auquel s’ajoutent des frais d’opération de 0,40 %, pour un total de 1,98 %.

À long terme, si cette structure n’est pas rendue caduque par un futur budget du ministre des Finances fédéral et qu’elle est adoptée par davantage de participants au marché, elle permettra certainement d’ajouter de la capacité aux fonds fiscalement avantageux. Elle pourrait possiblement remplacer les fonds structurés en société, en tout ou en partie, puisqu’elle réduit le risque d’être imposé au sein du FCPS ainsi qu’entre les mains de l’investisseur à un taux combiné potentiellement très élevé, sans bénéficier du principe d’intégration fiscale – ce que l’on nomme communément la double imposition. Comme cette nouvelle structure peut verser les revenus n’ayant pu être évités par leur adossement aux frais de gestion directement aux investisseurs, on évite de facto la partie de l’imposition qui se produit au sein du FCPS.

Cette structure étant relativement jeune, on devra attendre pour voir jusqu’à quel point l’avantage qu’elle a le potentiel de livrer se transpose en un réel bénéfice par rapport aux fonds concurrents.

Cependant, cela ne change pas la donne d’un point de vue relatif, puisque les fonds fiscalement avantageux ne représentent toujours qu’un dixième de l’actif en fonds communs au Canada, et que pour les fonds d’actions, les structures fiscalement avantageuses n’ont qu’un impact très limité sur le rendement après impôt obtenu. En effet, la majorité des fonds d’actions structurés en fiducie versent peu, voire pas de dividendes étrangers, et n’ont pas une propension à verser davantage de dividendes canadiens ou de gains en capital que leurs homologues en société à long terme.

*Conseiller en placement, Financière Banque Nationale