Une homme d'affaire qui réfléchit penché sur son téléphone sur un fonds transparent de graphiques boursiers,
peshkova / 123rf

Les fonds alternatifs liquides (liquid alts) sont un nouveau groupe de produits dans l’univers des fonds communs de placement (FCP). Comme les fonds de couverture, ils peuvent entre autres utiliser l’effet de levier, en empruntant jusqu’à 50 % de leur valeur liquidative, ou investir jusqu’à 20 % de cette valeur dans les titres d’un seul émetteur, par rapport à la limite actuelle de 10 % pour tous les fonds.

Ils se négocieront à des cours de fermeture, se régleront en deux jours, et auront des actifs différents des positions longues des fonds communs traditionnels. À la fin de la première semaine de mars, on comptait 32 fonds alternatifs liquides en opération au Canada. D’autres viendront certainement s’ajouter.

Lancés au Canada à la fin de 2018, les fonds alternatifs liquides étendent l’offre des sociétés de FCP et permettent aux petits investisseurs de faire l’essai de stratégies de fonds de couverture qui sont habituellement le privilège – et le risque – des investisseurs qualifiés disposant de quelques centaines de milliers de dollars pour acheter des actifs exotiques ou illiquides, comme des terres cultivables ou des infrastructures. Jusqu’à ce jour, les fonds possèdent du capital de démarrage, comme l’exige la réglementation. Il est prématuré de juger de leurs ventes récentes.

Notons que les représentants en épargne collective qui souhaitent offrir des fonds alternatifs doivent réussir une formation sur le sujet qui est approuvée par les autorités de réglementation. Ceci risque de ralentir aussi l’adoption de tels fonds par ce segment de conseillers.

Les fonds alternatifs liquides étendent la gamme d’investissements des FCP – appelons-les des fonds de couverture pour tous. Ils peuvent être structurés avec des ventes à découvert (shorts) et un effet de levier (leverage) pour évoluer dans le sens inverse de la tendance des marchés financiers, en profitant des baisses comme des hausses du marché.

Le marché des stratégies alternatives du Canada, autrefois le territoire des investisseurs institutionnels et fortunés, s’étendra à toute personne ayant 500 $ à investir, bien que le Connor Clark & Lunn Financial Group (CC&L) ait fixé à 5 000 $ le montant minimum d’investissement.

Selon le cadre réglementaire actuel, les fonds alternatifs pourront vendre des titres à découvert jusqu’à 50 % de leur valeur liquidative. Ils pourront avoir une exposition globale aux emprunts de fonds, aux ventes à découvert et aux opérations sur dérivés d’un maximum de 300 % de leur valeur liquidative. Enfin, les actifs illiquides seront limités à 10 % de la valeur liquidative.

Les fonds alternatifs liquides auront des frais basés sur les ratios de frais de gestion et sur les coûts de transaction. Les gestionnaires pourront détenir jusqu’à 20 % de la valeur du fonds dans n’importe quel actif plutôt que la limite de 10 % qui s’applique à la plupart des FCP. Les gestionnaires connus qui ont introduit les fonds alternatifs liquides sur le marché sont, entre autres, Placements Mackenzie, Placements CI, CC&L, Placements iA Clarington, et dans le secteur des fonds négociés en Bourse (FNB), Desjardins Gestion internationale d’actifs.

La plupart des nouveaux fonds ne facturent pas de frais liés au rendement. Michael Schnitman, vice-président sénior, produits, chez Placements Mackenzie, à Toronto, dit que seulement les frais des FCP traditionnels basés sur la valeur liquidative s’appliquent. «Nous avons choisi de ne pas imposer de frais liés au rendement. Notre structure de frais est fixe et devrait être attirante.»

Toutefois, CC&L facturera des frais de gestion de 1,5 % pour la série A et de 0,50 % pour la série F de son Alternative Canadian Equity Fund, et ajoutera des frais liés au rendement de 20 % lorsque celui-ci dépassera le rendement d’un indice de référence, soit le S&P/TSX (TR). Pour la plupart des fonds alternatifs liquides, les frais moyens semblent se grouper à environ 2,5 % pour les parts de série A et à environ la moitié pour les parts de série F.

Les conseillers auront davantage à offrir aux clients, mais le concept d’être à la fois en position acheteur ou vendeur (long/short), avec ou sans effet de levier, pose des problèmes. «Les règles de flexibilité qui semblent faire partie des mandats des fonds alternatifs liquides signifient à mes yeux que je ne peux pas être sûr de ce que le fonds possède ou fait à tout moment, dit Graeme Egan, président de CastleBay Wealth Management, de Vancouver. C’est un signal d’alarme pour moi, parce que je ne peux pas être sûr de la qualité des titres ou s’il y aura un changement de stratégie à court terme. Je dois faire confiance au gestionnaire de ces fonds alternatifs. Je recevrais un rapport mensuel ou trimestriel après les faits. Je ne suis pas à l’aise avec ça. De plus, nous avons une obligation réglementaire de connaissance de notre produit et bien que je sois sûr que ces offres sont conformes aux règles en vigueur, les mandats sont trop larges pour que nous utilisions ce type de fonds dans les portefeuilles des clients.»

L’idée d’une catégorie alternative d’actif, particulièrement une catégorie qui permet une forte dose de positions à découvert (shorts), est d’avoir un effet stabilisateur sur le portefeuille. Dans la mesure où les positions à découvert compensent réellement les périodes baissières des marchés, cela devrait fonctionner. L’idée que des catégories différentes d’actifs, comme les obligations et les titres immobiliers, les positions à découvert et même les actifs non financiers, ajoutent de la sécurité à la croissance est acceptée en économie financière. Mais son acceptation par les investisseurs et les conseillers varie selon leur optimisme ou leur pessimisme par rapport aux marchés.

«Il est prématuré dans la vie de cette catégorie d’investissement de juger de sa popularité, dit Dan Hallett, vice-président et directeur chez Highview Financial Group, à Oakville, en Ontario. C’est un peu tôt pour évaluer l’adoption ou l’intérêt des conseillers. Parfois, il est difficile de cerner si des produits sont lancés pour répondre à une demande non satisfaite ou si les manufacturiers de produits créent la demande par l’image de marque et le marketing. J’ai vu des exemples des deux au cours des 25 dernières années. Je ne suis pas sûr duquel des deux il s’agit ici, mais à mon avis, c’est du deuxième exemple.»

Il y a aussi une question de nouveauté. Les fonds distincts assortis d’une garantie minimum de rendement de l’investissement initial après une période de détention déterminée ressemblent à des actifs couverts avec les caractéristiques ajoutées de protection de l’actif des contrats d’assurance. Il y a deux décennies, le Canada ne comptait que quelques fonds de couverture, mais aucun ne fonctionnait bien, a expliqué Dan Hallett.

En 2008, plusieurs ont dû simultanément réduire les positions à effet de levier. Résultat, certains marchés se sont effondrés, les ordres de vente ne pouvant trouver d’ordres d’achat. La liquidité existe quand les marchés fonctionnent et, en situation de crise, les fonds alternatifs liquides pourraient se retrouver dépourvus avec peu de liquidités malgré les règles qui limitent leur effet de levier et jusqu’où ils peuvent se risquer dans les actifs illiquides. Le test se fera lors d’un éventuel effondrement des marchés.